Fluctuat
Wong Kar-Waï passe à l'Ouest et y perd quelques plumes. Fidèle à son univers sans atteindre la maestria toute orientale de ses deux dernières réalisations, il signe pourtant un vrai beau film. Ce qui est devenu suffisamment rare au cinéma pour y aller les yeux grands ouverts.
- Exprimez-vous sur le forum cinémaAprès le succès de In the Mood for Love et la fable futuriste 2046, Wong Kar-Waï signe ici son premier film en langue anglaise, avec acteurs occidentaux. Au casting, Jude Law et Rachel Weisz, Natalie Portman, une fugace apparition de Chan Marshall alias Cat Power, et surtout la jeune chanteuse jazzy Norah Jones dans le rôle principal. Alors évidemment, Jude Law n'est pas Tony Leung et miss Jones n'a rien de Gong Li. Si bien qu'au lieu d'en être frappé malgré soi, on est obligé de guetter l'irruption de la soyeuse magie trouvée dans les précédents films du réalisateur hongkongais. La recette est similaire mais les ingrédients un peu différents composent un goût juste familier, sans atteindre un identique équilibre de saveurs. Résultat : il y a dans l'air comme une irrépressible nostalgie, le souvenir des autres oeuvres venant hanter sans discrétion la nouvelle réalisation. Troublantes ressemblances, et étrange distance à la fois
La déception est partielle, la confusion totale. Pourquoi My Blueberry Nights ne suscite-t-il pas la même émotion raz-de-marée que ses grands frères, le même appétit de plus, alors que les mêmes codes y sont consciencieusement repris et exploités ? Une explication, non exclusive : l'abus de dialogues trop écrits, trop bavards, trop artificiels, plombe les premières scènes du film, empêchant de pénétrer du bon pied l'atmosphère proposée. Et puis peut-être, peut-être, le charme rare de l'orient ne peut-il s'exprimer aussi puissamment dans un décor américain
EsthèteReste qu'un film de Wong Kar-Waï est toujours bien au-dessus du lot, et que celui-ci ne faillit pas à la règle. Avec en bonus Darius Khondji à la photo (il a travaillé avec "marc caro" rec="0" & "jean-pierre jeunet" rec="0" ou David Fincher, entre autres), le rendu est ultra travaillé. Les couleurs sont omniprésentes, éléments permanents des décors et des costumes, composées et exhibées dans chaque cadre, leurs teintes flashy un brin salies habillant l'écran. Le grain de l'image, les jeux de flous et de ralentis, l'ombre savamment dévorante, la picturalité du moindre plan, finissent de donner le ton. La griffe du réalisateur est là, soulignée par une B.O. qui a toute sa place : pas de doute, si l'émotion ne suit pas toujours à 100%, l'esthétique est elle au rendez-vous.Beau, le film l'est dans son contenu aussi. Sorte de road-movie minimisant les scènes de voiture, il dessine un tableau à peine cliché d'une Amérique à diners, bars et casinos, où les serveuses cumulent deux jobs pour s'en sortir. Et il y a une certaine beauté dans ce regard posé par un hongkongais sur le pays des billets verts. Qui s'arrête sur des poignées de porte ou des bouts de mur pour retrouver des décors vus avant, ailleurs. Qui filme à la fois ce que d'autres fictions ont déjà montré, ce dont la réalité n'est pas loin, et ce qui peut alimenter sa vision du monde à lui. C'est comme une distorsion juste des lieux et des faits, libre et un peu naïve, hyper sexy et pourtant sans trop de fard. Il y est question d'amour et de rupture, de coeurs brisés croisés sur la route, de solitudes confrontées, d'addictions échappatoires, de haine et de mort, de perte et de manque, d'envie. A la fois déchirant et optimiste, Wong Kar-Waï ne s'éloigne pas des thèmes qui l'habitent. Moins frontal, encore moins, il tourne juste un peu plus autour du pot. Sans perdre la bonne direction toutefois. Fidèle donc à son univers, My Blueberry Nights manque de peu le coche de l'émotion forte. Mais puisqu'il est splendide et point trop long (1h35), on le dégustera pour le plaisir des yeux. Sans aucune modération. My Blueberry Nights
De Wong Kar-Waï
Avec Norah Jones, Jude Law, Natalie Portman
Sortie en salles le 28 novembre 2007
Illus. © Mars Distribution
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Le JDD
par Barbara Théate
Comme d'habitude, Wong Kar-Wai multiplie les trouvailles visuelles, et sa virtuosité photographique, aidée par une B.O de choix, met son film en apesanteur dans une troublante lumière atificielle. Les destins se croisent et se répondent en miroir. Norah Jones, touchante de naturel et de fragilité, et Jude Law, prince vraiment charmant, forment un couple émouvant.
Télérama
par Pierre Murat
La dérive géographique et sentimentale d'Elizabeth se révèle, néanmoins, plus douce qu'à l'ordinaire. Plus sucrée. Comme si l'Amérique, où il tourne pour la première fois, était trop superficielle, aux yeux du cinéaste, pour qu'y puissent naître les passions d'In the mood for love. Séduisant au possible, My blueberry nights reste néanmoins un film mineur, parce que Wong Kar-wai n'y filme que le temps qui se perd et peut encore être sauvé. Alors que dans 2046, son dernier chef-d'oeuvre, il se lançait à la poursuite du temps perdu.
Bonne pioche pour Wong Kar Wai : Norah Jones apporte à My Blueberry Nights toute sa sensualité. En revanche la présence de Jude Law à l’écran tient davantage du caméo que du premier rôle. Qu’à cela ne tienne, la tendresse inhérente au cinéma de Wong Kar Wai tempérée d’une douce ironie fait son effet. Les couleurs nuancées enrobent le film d’une aura particulière. Refusant d’être catégorisé road-movie, My Blueberry Nights n’en demeure pas moins un joli voyage. Un peu en deçà de ce à quoi WKW nous avait habitués, mais qu’importe. Un bon moment quand même.