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Depuis 2002 et son Zoolander de joyeuse mémoire, on avait tendance à oublier qu’en Ben Stiller sommeillait un réalisateur de comédies gravement atteintes, à côté desquelles les potacheries régressives des frères Farrelly passent pour d’aimables plaisanteries. Dans son nouveau film, l’acteur-réalisateur s’emploie, avec une rage certaine, à paraître le plus politiquement incorrect possible : Robert Downey Jr. s’autoparodie en acteur adepte de la méthode Actors Studio qui, pour incarner un Noir, subit une opération de chirurgie esthétique et parle un argot afro-américain incompréhensible ; un vétéran du Vietnam, conseiller du film dans le film, se révèle un pur mythomane qui a peur de la torture ; le producteur hollywoodien (joué par un invité surprise...) est une caricature de requin carnassier odieux, macho et cynique. « Les cons osent tout, c’est à ça qu’on les reconnaît », écrivait Audiard. Stiller, qui est loin d’en être un, va très loin dans la transgression, quitte à y réduire son propos. Il n’empêche. Éclairé par l’immense John Toll (oscarisé pour Légendes d’automne et Braveheart), Tonnerre sous les tropiques bénéficie de moyens considérables pour une comédie. Stiller démontre au passage sa capacité à filmer des scènes d’action spectaculaires. On attend désormais de lui qu’il s’attaque à des sujets un peu plus ambitieux.
Toutes les critiques de Tonnerre sous les tropiques
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- Fluctuat
Vraie fausse parodie d'Hollywood et ses stars matinée d'un film d'action à grand spectacle, Tonnerre sous les tropiques s'avère surtout un objet étonnant remettant en perspective la puissance du faux dans l'univers de Ben Stiller. Unique, et drôle. On pourrait renoncer à Tonnerre sous les tropiques, refuser son second degré par lassitude, sa parodie qu'on connaît par coeur, tout son principe de connivence inhérent à un genre où Ben Stiller est passé maître. Mais on aurait tort, non parce que le film n'est pas dans cette veine, il est exactement dans cette tradition. Celle moins satirique que burlesque où ici chacun s'emploie à ridiculiser Hollywood et ses acteurs. En embarquant Robert Downey Jr, Jack Black, Tom Cruise, et les autres, Stiller et son ami Justin Theroux (à l'origine du script) construisent ce qui ressemble d'abord à une parodie de Vietnam movie hérité des eighties. Film dans le film, ou faux documentaire façon Spinal Tap, Tonnerre sous les tropiques débute comme une blague. Un pastiche de film de guerre servant de critique ironique d'Hollywood et ses stars, par une brochette d'acteurs amis trouvant une liberté qu'ils n'auraient pas ailleurs. Le principe est simple : cinq stars plus ou moins sur le déclin s'embarquent sur le nouveau Platoon, un grand film de guerre en pleine jungle vietnamienne. Mais le tournage vire au fiasco, le producteur se fâche, le réalisateur pète les plombs. Avec un improbable vétéran auteur du bouquin à l'origine du scénario (Nick Nolte), il imagine plonger ses comédiens en situation, façon Reality TV. C'était sans compter l'arrivée inattendue d'une bande de trafiquants de drogue armés jusqu'aux dents. La fiction devient alors réalité, ou presque. Ben Stiller de A à ZRetrouver l'abécédaire de l'acteur réalisateur Tonnerre sous les tropiques est un drôle de poisson, il répond à toutes les attentes possibles et les déjoue astucieusement sans prévenir. Il a d'abord l'allure de ce qu'il prétend représenter : un Vietnam movie avec ses grandes scènes d'action, ses effets pyrotechniques, ses hélicoptères au ralenti en focale courte, ses corps qui explosent, ses prisonniers à sauver, et puis la jungle, partout. Sa construction est fidèle au genre : des personnages qui avancent, marchent, et dont l'errance permet au récit de créer des poches où chacun est développé selon son rapport aux autres, au monde, à soi, au passé ou à la situation. Le principe est identique depuis au moins Aventures en Birmanie de Raoul Walsh en 1945. Et Stiller et Theroux n'en sortent guère, jusque dans leur petite escouade composée d'un éventail d'acteurs reprenant les classiques figures du genre, hiérarchisées selon leur place dans l'industrie cinématographique. A chacun son rôle, plutôt son double rôle, comme comédien et dans l'action : Stiller en acteur décérébré de film d'action qui s'est grillé pour avoir joué un attardé mental (Simple Jack) ; Robert Downey Jr en maniaque de la méthode (Actor's Studio) prêt à subir une opération chirurgicale pour jouer un noir ; Jack Black en comique lourdingue héroïnomane ; Brandon T Jackson en rappeur tournant son premier film ; Jay Baruchel, transfert de la bande à Judd Apatow, en jeune star montante. Le film décline ainsi une série de vignettes : les acteurs les plus célèbres sont sur le devant de la scène, ils vont s'égarer dans leur rôle, leur personnage, leur personnalité, jusqu'à douter, tandis que les nouveaux les observent, les jugent ou les recadrent, non sans se poser des questions aussi. La parodie attendue se transforme alors lentement en étrange portrait de la star hollywoodienne selon Ben Stiller et Justin Theroux. Les uns et les autres se livrant à une série de duels rhétoriques où chacun tente de déterminer ou justifier son rôle, son métier d'acteur, sa méthode, le film plonge dans les eaux troubles d'un jeu de dupe aliénant aux frontières a priori indistinctes. L'art du déguisement, de la caricature, propre à Stiller et sa bande, ouvre vers un curieux rapport du faux à lui-même. Une scène avec Stiller et Downey Jr, au début du film, reprise à l'identique vers la fin, indique le cheminement vertigineux de ces personnages en pleine crise existentielle. Ils passent d'une grossière caricature à des acteurs en train de jouer moins pour faire varier la mise en abîme, que pour neutraliser les effets parodiques. Le pastiche des stars hollywoodiennes laissant ainsi la place à une réflexion sur les héros de Ben Stiller depuis Zoolander. Des personnages burlesques, incapables de jouer selon les critères classiques et sérieux d'Hollywood. Ceux de l'émotion vécue, visible et vraisemblable, que le film passe son temps à démolir. Et c'est ce qui rend le film passionnant, dans ce rapport du faux à lui-même naît une vérité. La mécanique de la bande à Stiller est rendue à sa folie et sa seule performance, les acteurs jouent aux acteurs, tout est illusion, simulacre, cours de récréation. Il n'y a pas de dehors, tout, même Hollywood tient d'un monde imaginaire et délirant. La comédie potache blindée de références et autres clins d'oeils complices à un spectateur intelligent laisse ainsi la place à un film plus pertinent que ces ficelles bien connues du public. Le second degré, dont Deleuze niait l'existence au cinéma, peut s'effacer. Dans sa mise à nue du comédien vis-à-vis de lui-même, ce jeu où un personnage en cache un autre (chez Ben Stiller on ne cesse jamais de jouer et le film ne montre que ça), Tonnerre sous les tropiques devient un petit théâtre très littéral où tout est à portée de main : un postiche n'est qu'un postiche. Finalement, il passe moins son temps à produire du sens ou une véritable critique d'Hollywood (il est en plein dedans) qu'à titiller l'ego de ceux qui en sont les stars. Le film de guerre, beau prétexte, sert ainsi d'espace de crise où les tensions, les conflits, la fiction toujours plus aberrante (les trafiquants fans du personnage attardé joué par Stiller) révèlent l'artifice de l'artifice. Au final, la parodie est neutralisée, le film n'est connecté qu'à lui-même, ses personnages, son univers, au cinéma. Les effets comiques, les gags, n'ont plus besoin de citations, tout se suffit, dans sa plus pure efficacité et pour le strict plaisir du jeu. Film à la fois conceptuel et d'une grande simplicité, Tonnerre sous les tropiques est une expérience drôle, intelligente et unique.Tonnerre sous les tropiquesDe Ben StillerAvec Ben Stiller, Jack Black, Robert Downey JrSortie en salles le 15 octobre 2008Illus. © Paramount Pictures France - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils comédie, hollywood, acteur sur le blog cinéma- Lire l'abécédaire de Ben Stiller
Le JDDpar Stéphanie BelpêcheLe nouveau film de Ben Stiller, Tonnerre sous les tropiques, tourne en dérision le système hollywoodien. Aucun tabou n'échappe à l'humour au vitriol de l'acteur-réalisateur.
Paris Matchpar Alain SpiraCette fois-ci, le facétieux Ben Stiller n'hésite pas à sortir l'artillerie lourdingue des gags en rafales. Et ça fait mouche, et ça fait rire. A travers les mésaventures de cette troupe de bras cassés, le réalisateur nous tarte à la crème une satire dans tous les coins du star-system, ainsi qu'une grande rasade de pastiches des films d'action.
Télé 7 jourspar Julien BarcilonEntouré d'une troupe d'élite, Ben Stiller (dé)goupille, sept ans après Zoolander, une nouvelle arme de poilade massive dont les tartes à la crème collatérales, délicieusement acides, font mouche.