Les Règles de l'art
Eloïse Legay - SrabFilms

Rencontre avec l'acteur au Festival du film de comédie de l'Alpe d'Huez, où il venait présenter Les Règles de l'art au côté de Sofiane Zermani.

Dans Les Règles de l'art de Dominique Baumard, Melvil Poupaud partage l'affiche avec Sofiane Zermani et incarne un expert en montres qui se retrouve, un peu malgré lui, au cœur d'une affaire de vol de tableaux de maîtres. Inspiré d'une incroyable histoire vraie, le long-métrage, en compétition au festival de l'Alpe d'Huez, navigue entre film policier et comédie. Comme il faisait moins de zéro degré sur les pistes, on s'est mis au chaud avec Melvil Poupaud pour discuter de ce rôle, d'élégance, de Didier Bourdon et de cinéma d'auteur.

Première : C'est étonnant de vous voir dans un festival de comédie, on dirait que deux mondes se rencontrent. Vous, l'acteur smart et élégant en toutes circonstances, qui se retrouve au milieu d'un grand raout consacré à un genre populaire par essence...
Melvil Poupaud : J'avoue qu'on m'a déjà dit ça aujourd'hui... Bon, les festivals, j'ai l'habitude, hein. Mais j'avais entendu parler de l'Alpe d'Huez par mon frère [NDLR : Yarol Poupaud, musicien] qui était venu donner un concert ici il y a deux ans, et il m'avait dit que c'était cool et détente. C'était aussi l'occasion de montrer le film pour la première fois, parce qu'on ne sort que le 30 avril et c'était la première projection publique, dans un contexte de comédie. En fait, il y a un a priori : tout le monde vient ici pour se marrer alors notre film est plus en demi-teinte. Vous voyez ce que je veux dire ?

On navigue entre le thriller et la comédie.
Exactement, il y a un aspect comique qui se révèle surtout vers la fin. Donc j'espère que les gens n'ont pas été déstabilisés... C'est difficile à gérer, le mélange des genres. Mais je trouve que Dominique Baumard a trouvé une sorte d'équilibre parfait. Et comme ça rigolait pas mal en fin de séance, on est contents.

Les Règles de l'art
Eloïse Legay - SrabFilms

Vous êtes rare en comédie. Comment avez-vous abordé le rôle ?
C'est vrai que j'en fait peu, mais j'ai été déniaisé par la série OVNI(s) sur Canal+. C'est plus ou moins la même chose que pour Les Règles de l'art : au début, on n'était pas sûr que ce soit une vraie comédie. En tout cas il y avait des situations qui se prêtaient à un jeu plus burlesque, qui permettaient de s'émanciper un peu du réalisme. Et ça, j'ai adoré. Je me suis senti plus à l'aise, notamment dans l'expression d'un sentiment avec mon corps. La façon dont tu bouges dans l'espace en dit plus que tous les dialogues. J'y ai pris goût, ça m'intéresse beaucoup. J'étais frustré que la série s'arrête, mais très heureux que Dominique me propose ce rôle comique. J'ai senti dès la lecture du scénario et durant les premiers jours de tournage que je pouvais y aller franchement : jouer le gland, le pigeon (Rires.) Le mec qui passe d'une émotion à l'autre. Et j'ai de plus en plus envie d'aller vers ça et d'entendre les gens rigoler. Je me sens à l'aise, décomplexé. En fait, c'est presque comme si une nouvelle carrière s'ouvrait à moi.

Vous avez lâché l'idée d'être dans le contrôle de votre image ?
Voilà. J'ai compris qu'il ne fallait plus avoir peur de ne pas être à mon avantage. Et désormais, ça me va. Ce qui compte, c'est que je sois dans la scène, que ça prenne, que je sois crédible. J'ai toujours considéré que jouer au premier degré était une des qualités d'un acteur. Et peut-être encore plus dans la comédie. Je n'ai pas envie de faire mon mariole, d'avoir un petit truc de connivence, genre « regardez comme je suis drôle », ou bien d'en faire des caisses. Quand tu es au premier degré, ton corps t'échappe et c'est là que tu trouves la position juste.

Vous espérez faire plus de comédie à l'avenir ?
J'aimerais beaucoup et surtout je voudrais réussir à acquérir ce que j'appelle « l'a priori comique » que certains acteurs possèdent. Il y a des mecs qui arrivent dans le champ et tu sais d'avance que tu vas rigoler, même s'ils ne font rien. Je pense à Louis de Funès bien sûr, à Jonathan Cohen aussi mais également à Didier Bourdon. Je suis un enfant des Inconnus et de Bourdon. Bon, aujourd'hui il fait des comédies vraiment très populaires et ce n'est pas toujours du grand cinéma, mais en tout cas, lui, je trouve qu'il est toujours hyper premier degré. Il est capable de jouer un paysan, un bourgeois... Avec Les Inconnus, il a mis le level de la comédie très, très haut. Moi, je n'ai pas encore cet a priori comique parce que j'ai plutôt fait des films d'auteur, des trucs sérieux. Mais j'espère y arriver un jour et ne quasiment plus rien avoir à faire pour que les gens se disent qu'ils vont se marrer.

Les Règles de l'art
Eloïse Legay - SrabFilms

Mais si la comédie vous branche autant, pourquoi ne pas y avoir goûté plus tôt ?
On ne m'a pas trop proposé de rôles comiques. Et puis c'est aussi que des comédies qui pourraient me plaire, il y en avait pas tant que ça. De plus en plus, je suis à l'affût. Je n'ai pas de plan de carrière et du coup, si on me propose un film dans un registre ou dans un autre, tant que je m'y retrouve, j'accepte sans sourciller. Je guette la bonne comédie, parce que je trouve que c'est précieux et qu'il n'y en a pas tant que ça. J'aime le cinéma et la mise en scène. Et il se trouve qu'il y a des comédies om tu as l'impression qu'ils ne sont même pas donné la peine d'éclairer correctement. C'est tourné à la va-vite : « Vas-y, fais ton numéro. Allez ça suffit, on passe à autre chose. » Mais ceci dit, les choses me semble évoluer dans le bon sens. Il existe une génération de jeunes cinéastes capables de faire des films intelligents, beaux et drôles à la fois. Je vais prendre pour exemple le film de Louis Garrel, L'Innocent, qui est parfaitement dans ce genre-là. Et il y a peut-être moins de films d'auteurs égocentrés, où les gens parlent d'eux, de leur vie. Et puis le monde est tellement compliqué aujourd'hui que le divertissement et la comédie tiennent presque du salut public.

Pourtant, en caricaturant un peu, ces films « d'auteurs égocentrés » comme vous dites, vous en avez aussi été l'incarnation.
Bien sûr. Mais si les films sont de qualité, ça me pose pas de problème. C'est quand c'est mal fait et que c'est juste de la branlette intello que ça devient chiant. Mais j'ai tourné avec des bons metteurs en scène, ce qui te met à l'abri du côté caricatural et de l'entre-soi.

J'en reviens à la question de l'élégance, mais je me dis que si on ne vous propose pas plus de comédies, c'est peut-être aussi parce que vous êtes parfaitement chic en toute occasion. Là, par exemple, votre joli costume et votre beau manteau, ça tranche avec les vêtements plus décontractés que tout le monde porte autour de nous.
Je n'ai pas fait beaucoup de films en jogging, c'est vrai (Rires.) Mais en France, c'est une tradition : si tu fais un film sur des personnages marseillais, on va prendre des acteurs qui ont l'accent de Marseille. Le réalisme traditionnel du cinéma français veut qu'on prenne un peu les gens pour ce qu'ils sont. Donc s'il y a un rôle d'un mec qui vient d'un autre milieu social que le mien, on va plutôt choisir un acteur qui a déjà cette image-là plutôt que moi. Mais j'ai l'impression qu'on s'émancipe de plus en plus du réalisme et du naturalisme, des cases et des a priori. Et je trouve ça cool.

Les Règles de l'art sortira au cinéma le 30 avril prochain.