Retour sur le parcours de l’héroïne de Sur la branche, révélée par Tony Gatlif et qui a notamment brillé dans des univers aussi différents que Benedetta ou la série OVNI(S)
Comment vous retrouvez- vous à jouer dans Sur la branche de Marie Garel- Weiss. Par un casting ?
Daphné Patakia : Exactement ! Il s’agissait en l’occurrence d’un monologue assez long qui n’est pas dans le film. Quand je le découvre, j’avoue que ne comprends pas grand-chose (rires) mais il y a déjà ce ton drôle et étonnant qu’on retrouve dans Sur la branche. Et surtout je me sens très vite connectée à Marie Garel- Weiss qui est présente dès cette première audition. Je comprends ses indications, j’ai le sentiment qu’on peut vraiment bien travailler ensemble. Je perçois aussi qu’elle a le même humour que le personnage de Mimi, que ce personnage lui ressemble beaucoup. Ca me donne des clés, forcément, une fois qu’elle me choisit
Comment travaillez- vous alors pour composer cette trentenaire hors norme toujours en quête de ce qu’elle fera quand elle sera grande et se retrouve à travailler pour un cabinet d’avocats ?
Mimi est quelqu’un de déroutant parce qu’en allant au bout de ses obsessions, elle repousse ses limites. Elle me touche instantanément. Marie- Gaëlle me conseille de voir certains films comme Happiness therapy pour m’inspirer du personnage de Jennifer Lawrence. De mon côté, j’ai regardé beaucoup de documentaires pour me renseigner sur la bipolarité – même si cette maladie n’est jamais nommée chez Mimi – à commencer par The Not so secrete life of the manic depressive de Stephen Fry qui en est atteint et essaie de la comprendre. Ce dernier y pose la même question à tous les bipolaires qu’il croise : si vous pouviez appuyer sur un bouton qui permettrait d’éliminer la maladie en vous, est ce que vous le feriez ? Et tous disent non ! Car au moment où la maladie les propulse très haut, ils vivent quelque chose d'incroyable, dans un monde parallèle auquel les autres n’ont pas accès. Quelque chose de si fort que cela leur fait même supporter les moments de terrible dépression provoqués aussi par cette maladie. Et Mimi est comme eux. Il y a des moments où elle se sent comme une super- héroïne, où rien ne peut l’arrêter. Elle va quand même jusqu’à faire une prise d'otage dans une prison pour sortir un mec qui allait pourtant être libéré une semaine plus tard, juste parce qu’elle est amoureuse que lui et parce qu’obsédée par la justice, elle trouve insupportablement injuste qu’il soit sous les barreaux ! C’est un personnage sans cesse au bord de l’implosion.
Vous avez beaucoup répété ?
Oui avec Marie- Gaëlle pour bosser sur le texte, comme ma langue maternelle n’est pas le grec mais le français. Ces échanges m’ont permis de lever les doutes sur ce que je comprenais mal et dans ces dialogues et ces situations tellement loufoques et absurdes, Marie- Gaëlle m’a aidé à ne pas succomber la tentation d'en faire trop. Car il y a une droiture chez Mimi. Il ne fallait pas surtout pas tomber dans la minauderie ou la mignonnerie Tout cela a été essentiel pour moi sur le plateau aux côtés de Benoît qui, lui, improvise beaucoup. Au début, forcément, ça déroute. Mais très vite c’est passionnant de jouer ces scènes surtout avec un tel génie qui emmène les situations toujours plus loin. Mais il faut être très concentré, avec des sens très aiguisés.
Qu’est- ce qui vous avez donné envie de devenir comédienne ?
J’ai grandi en Belgique avec mes parents grecs. Toute jeune, j’ai donc suivi des cours de danse traditionnelle grecque et, les dimanches, avec mes parents et leurs amis, on répétait et on montait des pièces de théâtre d'auteurs grecs. Donc, au fond de moi, j’ai toujours su que je voulais faire ce métier. Ca a forcément fait un peur à mes parents qui ont voulu que j’aille à l’université. Mais je n’ai tenu qu’un jour ! (rires) Je suis alors partie à Athènes où j’ai suivi les cours du Théâtre National de Grèce à Athènes. A ce moment- là, je voulais surtout faire du théâtre. Le cinéma est venu plus tard.
On vous a découvert en France en 2017 avec Djam de Tony Gatlif. Comment vous êtes- vous retrouvée devant sa caméra ?
Ca faisait un an que je m’étais installée en France et je galérais parce que je ne connaissais personne et que je ne savais pas par où commencer. Je multipliais les aller- retour en Grèce pour faire des petits boulots afin de gagner ma vie. Et puis j’ai été convoqué pour ce casting. Tony était là. Il m’a demandé : « Est ce que tu sais chanter ? ». Je lui réponds non. « Est-ce que tu sais faire la danse du ventre ? ». Encore non. « Est- ce que tu sais jouer du bouzouki ? » Toujours non ! Alors il m’a demandé de marcher devant lui. Je l’ai fait. Et là il m’a dit « c’est génial, tu marches comme Charlie Chaplin » et il m’a engagée ! Je n’avais pas lu le scénario et de toute façon, celui- ci a changé tous les jours. Avec Tony, j’ai appris le lâcher prise. C’est incroyable, la générosité de cet homme ! Une tornade qui te prend avec lui et emporte tout sur son passage. Djam a tout changé dans mon parcours, m’a ouvert plus de portes de castings
Et en 2021, on vous retrouve dirigée par Paul Verhoeven dans Benedetta…
Voilà encore un cinéaste hors norme. D’une jeunesse inouïe, tout sauf installé dans son statut qui se réinvente en permanence. Il vit le tournage comme un processus démocratique et ne cesse de demander son avis à tout le monde. Quelle chance inouïe d’avoir pu travailler avec un réalisateur dont j’aime autant l’univers. Sa période hollandaise, Turkish delices en tête, c’est quelque chose de dingue ! J’adore son humour et la frontière qu’il ne cesse d’explorer entre le kitsch et le réaliste, le mensonge et la vérité, le film de genre. Le côté déstabilisant de son cinéma.
Jouer dans une série comme OVNI(S) change votre manière de travailler ?
Oui parce qu'on a plus de temps pour développer un personnage, pour l’explorer. On passe plus temps avec lui. Quand je tourne, je sais que mes personnages influent sur ma vie personnelle. Et la Véra d’OVNI(S) par son côté naïf, par son ouverture au monde m’a rendu joyeuse au fil des deux saisons, a éclairé ma vie
Dans quoi vous retrouvera t’on prochainement ?
Je m’apprête à tourner un film sur la jeunesse grecque, cette génération perdue et sacrifiée avec la crise qu’elle a prise de plein fouet au moment d’entrer dans le monde du travail, sous la direction de Vasilis Kekatos qui avait obtenu la Palme d’Or du court métrage en 2019 avec La Distance entre le ciel et nous. Un retour aux sources donc en quelque sorte.
Sur la branche. De Marie Garel- Weiss. Avec Daphné Patakia, Benoît Poelvoorde, Agnès Jaoui… Durée : 1h36. Sortie le 26 juillet.
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