Affiches Films à l'affiche mercredi 5 avril 2023
Pathé/ Universal/ Le Pacte

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
LES TROIS MOUSQUETAIRES- D’ARTAGNAN ★★★☆☆

De Martin Bourboulon

L’essentiel

Sur fond de crise du cinéma français, l’équipe de Papa ou Maman réactive l’idée d’un divertissement lettré et fédérateur. Une mission accomplie avec panache, malgré le poids du cahier des charges. 

Peut-on ressusciter d’Artagnan ? Comment lui redonner vie, après une cinquantaine d’adaptations du roman d’Alexandre Dumas au cinéma ? C’est la question posée de façon très explicite par la séquence d’ouverture de ces Trois Mousquetaires millésime 2023, dans laquelle – on se permet un petit spoiler – l’intrépide Gascon, joué par François Civil, émerge d’un tombeau où il avait été enterré un peu trop hâtivement… Manière pour Martin Bourboulon et les scénaristes Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, non pas d’annoncer une relecture crépusculaire du mythe, mais de signifier qu’il s’agit de le dépoussiérer, de lui donner un souffle nouveau.

Ce plan-séquence lorgnant vers The Revenant donne le ton du film : guidé par l’action, les pieds dans la boue, très chorégraphié, fier de son savoir-faire et de sa direction artistique impeccable, cherchant à retrouver la pesanteur historique des écrits de Dumas. Voilà du cinéma fait par des gens qui prennent manifestement autant de plaisir à admirer un beau blockbuster US rutilant le samedi soir qu’à passer le dimanche à la bibliothèque, le nez dans la correspondance de Richelieu. La seule véritable limite de l’entreprise étant qu’à force de vouloir respecter son énorme cahier des charges, le film, intense, sérieux, oublie un peu de la légèreté, de la notion de pur plaisir, qu’on associe depuis l’enfance à cette histoire. Ce sera au deuxième volet – Milady, attendu le 13 décembre – de porter le coup de grâce. Mais la lame est déjà bien aiguisée.

Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A AIME

L’ETABLI ★★★☆☆

De Mathias Gokalp

Mathias Gokalp adapte ici L’Etabli de Robert Linhart, récit de sa propre expérience de militant. On y voit un fervent marxiste-léniniste (Swann Arlaud), passé par les grandes écoles, se plonger anonymement, en septembre 68,  dans un atelier de confection de 2CV pour éprouver le « calvaire » ouvrier, un monde s’ouvre dont les codes lui échappent. Le bourgeois masqué, habitué à tout dominer se retrouve pris au dépourvu, immédiatement aidé par plus aguerri que lui. Le réalisateur de Rien de personnel (qui auscultait déjà les rouages du monde capitaliste) filme avec minutie cet apprentissage où les gestes dont la répétition impressionne autant qu’elle terrifie, remplacent la parole. Et sa manière de rendre compte de l’enfer du monde ouvrier dans l’immédiat après-Mai 68 résonne brutalement avec notre présent. Une réussite.

Thomas Baurez

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NORMALE ★★★☆☆

De Olivier Babinet

Ce teen movie est centré sur Lucie, gamine menacée d’être placée en foyer si les services sociaux découvrent qu’elle est secrètement devenue le parent de son propre père, affaibli par une maladie dégénérative. Ce film est un étrange objet à la fois appliqué à honorer les balises d’un genre américain, et en même temps comme enivré par un certain nombre d’écarts de conduite, tentations narratives ou esthétiques : romantisme furieux, formalisme arty, comédie musicale. Olivier Babinet (Swagger) ne se refuse rien et si tout ne fonctionne pas forcément, l’ensemble finit par convaincre, au terme d’une espèce de prolifération baroque et sentimentale qui accouche d’un film en forme de grand cœur d’artichaut rapiécé. Un teen movie cabossé, à la fois pouilleux et lumineux, où Benoît Poelvoorde brille d’un beau feu d’étoile déclinante.

Théo Ribeton

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C’EST MON HOMME ★★★☆☆

De Guillaume Bureau

Parfois le classicisme a du bon. Quand un réalisateur comprend qu’il a dans ses mains une histoire suffisamment forte pour ne pas l’abîmer par des effets de manche et des interprètes (ici le trio majeur Karim Leklou- Leïla Bekhti- Louise Bourgoin) à qui il faut laisser de l’espace. Avec son premier long, Guillaume Bureau fait montre de ses talents de conteur, distillant des rebondissements sans que jamais ils ne paraissent factice. Dans ce récit à la Retour de Martin Guerre, une photographe dont le mari a disparu pendant la guerre de 14 croit le reconnaître sur un cliché paru dans la presse. L’homme en question a perdu la mémoire mais en se retrouvant, la flamme amoureuse se ravive… jusqu’à ce qu’une autre femme débarque et assure que le disparu est son mari. Qui dit vrai, qui dit faux ? Par aveuglement ou par intérêt ? Le film embrasse ces interrogations en maintenant l’incertitude jusqu’au bout.

Thierry Cheze

RELAXE ★★★☆☆

De Audrey Ginestet

En 2008, débutait une affaire rocambolesque qui allait s’étaler sur neuf ans et pourrait prêter à sourire si elle n’avait pas foutu en l’air la vie des concernés. L’affaire de Tarnac où neuf habitants de ce village corrézien furent accusés de sabotage terroriste de lignes TGV avant que les faits finissent par prouver que tout ceci n’était que pure fiction ! Liée à une des inculpées par son compagnon, Audrey Ginestet est allée à leur rencontre peu avant le procès décisif. Elle raconte dans ce documentaire les préparatifs de leurs plaidoiries mais aussi et surtout, à travers leur quotidien, la vraie nature de leur engagement politique, loin de la caricature où on les a enfermées. En empathie totale mais jamais simpliste avec ceux dont, le seul tort a été et reste de vouloir un autre projet de société. Celui qu’il tente de défendre dans leur vie, préférant les petits matins aux grands soirs. On en ressort profondément ému.

Thierry Cheze

ABOUT KIM SOHEE ★★★☆☆

De Jung July

Deuxième film de July Jung, neuf ans après A Girl At My Door, About Kim Sohee s’inspire d’un fait divers survenu en Corée du Sud : le stage de fin d’études d’une lycéenne dans un centre d’appels de Korea Telecom avait tourné au drame, à cause de la pression incessante mise sur ses épaules par ses supérieurs... Le film est scindé en deux : une première partie détaille la mécanique de l’affaire, au fil d’un portrait empathique de la jeune fille (la révélation Kim Si-eun) ; puis on suit l’enquête d’une flic (Doona Bae), qui va finir par dénoncer les dérives d’une société qui n’a rien d’autre à enseigner à ses jeunes générations qu’à courber l’échine. Cette dimension « film-dossier », un peu schématique et longuette, est moins convaincante, July Jung en disant finalement plus long dans le premier segment, plus incarné, suggestif et émouvant.

Frédéric Foubert

KOKON ★★★☆☆

De Leonie Krippendorff

Nora a 14 ans. C’est l’été. Il fait chaud. Elle vit dans un quartier populaire de Berlin. À côté, il y a sa sœur aînée et impétueuse. Et il y a sa mère, trop absente, noyée dans les effluves de l’alcool. Pourtant, jeunesse se fait. Nora sort avec sa bande, expérimente, trouve sa culotte tâchée de sang, mate des tutos pour mettre des tampons, affronte le regard des autres, choisit le silence, parfois la rencontre. Elle tend une main à son amoureuse, coupe ses cheveux. S’offre une glace. En deux mois, Nora mute. C’est là toute la grâce du film : restituer un été, un fragment d’adolescence, ensoleillé et tumultueux, vu et revu, sans nous ennuyer. Montrer, via une caméra artisanale et quelques plans tournés au smartphone, comment on s’improvise soi. Atteindre à l'universel. Kokon semble dire que la plus grande liberté est celle de l’âge. De la jeunesse.

Estelle Aubin

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

A MON SEUL DESIR ★★☆☆☆

De Lucie Borleteau

Fidèle à son goût du récit initiatique, qu’elle avait adopté dès son premier long métrage (Fidelio, l'odyssée d'Alice), Lucie Borleteau suit ici les pas d’une jeune femme qui franchit un jour par curiosité la porte d’un club de strip-tease et qui va rapidement devenir une des danseuses incontournables de ce lieu souterrain. La cinéaste filme avec fougue le plaisir qu’éprouve son héroïne, jouée par Louise Chevillotte, à plonger dans une totale liberté à disposer de son corps, laquelle tranche avec les limites plus nettes que s’impose une autre danseuse du club (incarnée par l’excellente Zita Hanrot). Mais en enfermant progressivement ces deux protagonistes dans une intrigue très ordinaire à base d’histoire d’amour interdite, le film s’empêche étrangement de respirer et de se libérer des carcans.

Thierry Cheze

MON CHAT ET MOI, LA GRANDE AVENTURE DE RROU ★★☆☆☆

De Guillaume Maidatchevsky

Habitué des odyssées animalières, Guillaume Maidatchevsky (Aïlo : une odyssée en Laponie) nous emmène au cœur des Vosges…à travers le prisme d’un chaton. Indomptable, Rroû croise la route de Clémence, 10 ans, qui l’adopte et lui fait découvrir les merveilles rurales. Filmée à hauteur d'animaux, c'est bien la fillette rafraîchissante d’innocence qui devient compagnon de route au chat, et non l'inverse. Adapté du roman de Maurice Genevoix, le récit plutôt banal est rehaussé d’un astucieux montage, qui, s’ajoutant au coaching de Muriel Bec, insuffle au chat une personnalité de casse-cou tout en évitant le piège de l'humanisation. Ajoutez à ça des références amusantes à Spielberg, et vous obtenez une douce aventure familiale sur fond de domestication. Le tout rappelle La jeune fille et le renard, mais peine à être aussi émouvant.

Lucie Chiquer

CŒUR ERRANT ★★☆☆☆

De Leonardo Brzezicki

Un cœur errant est forcément à prendre, voire à reprendre. C’est en tout cas comme que s’envisage le protagoniste de ce deuxième long-métrage de l’argentin Leonardo Brzezicki (Noche, inédit en France). Santiago, quadra célibattant (Leonardo Sbaraglia, vu dans Douleur et Gloire de Pedro Almodovar), part en quête d’amour, tente de reconquérir ses anciens amants au risque de déconvenues. Dans cette équation autocentrée, il y a aussi sa fille d’une vingtaine d’années qui veut bien épauler son père mais a aussi besoin de lui pour l’aider à vivre. La mise en scène prend le parti de se mettre au diapason de Santiago et ainsi d’épouser toutes les circonvolutions de son cœur. C’est d’abord très efficace mais le procédé s’épuise face aux redondances d’un récit qui ne cherche jamais à s’élever au-dessus des êtres dont il a la charge. Dommage.

Thomas Baurez

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

SUPER MARIO BROS, LE FILM ★☆☆☆☆

De Aaron Horvath et Michael Jelenic

"Ce n’est pas de la publicité, c’est du cinéma !" hurle Luigi sur son frère Mario, alors que Jumpman (le premier Mario historique) joue à une borne d’arcade rétro dans la pizzeria Punch Out décorée de photos des vieux jeux Nintendo. Le film a commencé depuis moins de dix minutes et il vous intime l’ordre de ne pas le considérer comme ce qu’il est pourtant : une pub géante pour l’univers Nintendo. Comment en aurait-il pu en être autrement ? Les jeux Nintendo sont, par essence, des jeux avant d’être des histoires, des gameplays avant d’être des récits. Il faut donc trouver une sacrée bonne excuse pour transformer Mario en film.

En se contentant d’être un produit officiel Nintendo, Super Mario Bros raconte une histoire à la fois mollassonne (Bowser veut conquérir le Royaume Champignon parce que) et tarte (Mario veut prouver à son papa qu’il vaut quelque chose en tant que plombier -sérieusement ?), le tout rythmé par des tubes des années 80. Rencontre entre le désir publicitaire de Nintendo et la technique Illumination (le studio des Minions), la technique du film -certes jolie et léchée, mais ni plus ni moins que la plupart des blockbusters animés - se résume à des références nostalgiques lourdingues et des petites piques comiques décalées au sein de grandes scènes épiques. Tout est à ce point désinvolte et détaché que le film semble fait pour pouvoir être regardé avec le minimum de taux d’attention possible. Mais est-ce qu’un film Super Mario Bros a besoin d’être autre chose qu’un produit d’appel utilisant tous les trucs et astuces de l’entertainment rétro doudou voulant cartonner aussi bien auprès de la génération des consoles 8-bit que de leurs enfants ? Sans doute pas, et c’est là que l’on sait que le film va être un tabac et, au fond, on est un peu tristes d’être à ce point débranchés.

Sylvestre Picard

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THE FOREST MAKER ★☆☆☆☆

De Volker Schlöndorff

L’agronome australien Tony Rinaudo est ici au centre de tous les plans, ou presque. Tantôt dans une bourgade désertique du Niger, entouré de gentils villageois ultra-attentifs, l’œil presque luisant, tantôt en visio avec des scientifiques à la pointe, ou au sol, touchant la terre ferme et fertile. Celle-là même qui l’a fait devenir le king des arbres en Afrique. Ou, en termes savants, le pionnier de l’agroforesterie, rebaptisé L’Homme qui ressuscite les arbres » dans cette première incursion de Volker Schlöndorff (Le Tambour) dans le documentaire. Un coup d’essai pas franchement convaincant tant tout à son admiration de son sujet, il manque de recul, oublie de couper quelques phrases top sentencieuses en voix- off  et finit par donner parfois, bien malgré lui,  à Rinaudo des airs de Tintin des States venu sauver le pauvre Africain, provoquant plus de gêne que d’admiration

Estelle Aubin

PRINCES ET PRINCESSES- LE SPECTACLE AU CINEMA ★☆☆☆☆

De Legard Bemba- Debert

De l’Egypte légendaire au Japon féodal, quatre charmantes histoires, reproduites sur scène selon la technique originale du film éponyme de Michel Ocelot : les acteurs sont des silhouettes noires se découpant sur des fonds colorés. Peut-être que le spectacle d’origine est chouette (il a tourné pendant dix ans jusqu’en 2018, sous la direction de Legrand Bemba-Debert, ex-héros de la comédie musicale Kirikou), mais sa captation cinéma ne représente guère d’intérêt, tout juste celui d’inciter son public à le découvrir sur scène, que dans cette version filmée qui reproduit le matériau d’origine (à la fois le film et le spectacle, donc, si vous nous suivez bien) de façon plutôt cheap et étriquée. Dans ces conditions, mieux vaut largement revoir le film original d’Ocelot, non ?

Sylvestre Picard

 

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