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Gérard Miller : "Gérard Depardieu est un personnage de roman"

Gérard Miller : "Gérard Depardieu est un personnage de roman"

De votre côté, a-t-il été difficile de rester professionnel et de ne pas porter de jugement personnel sur Gérard Depardieu tout au long de cette enquête ?

Pourquoi diable pensez-vous que rester <em>"professionnel"</em> suppose qu?on se prive de tout jugement ! Mon idéal n?est pas de regarder mes semblables dans les films que je réalise avec le détachement d?un entomologiste observant des insectes. Je ne suis pas un juge, je ne répartis pas les torts et je me m?érige pas non plus en avocat. Mais je n?ai jamais eu l?intention d?être pour autant un poisson froid.<strong>Tout comme Gérard Depardieu avec Fidel Castro, vous adorez les personnes de pouvoir vous aussi (DSK, Kennedy) qu'est-ce qui vous fascine chez ces personnages ?</strong>Ce qui m?intéresse, ce sont les destins. Le destin de tout un chacun quand je suis dans mon cabinet, le destin des personnages publics quand je réalise un documentaire en prime-time. Et quand un psychanalyste regarde ce qui se passe derrière le miroir où va se promener Alice, il n?y a que des "bons clients", célèbres ou non. 

C'est une question qu'on se pose forcément pendant le documentaire : est-ce que vous aimeriez être le psy de Depardieu ?

Voilà bien une question que, moi, en tout cas, je ne me suis pas posée ! Tous mes patients m?ont formulé une demande et c?est à cette demande que j?ai répondu. Je ne suis pas devenu psychanalyste par gourmandise, pour savourer tel ou tel patient qui me semblerait appétissant. Ni Depardieu ni personne d?autre. <strong>Est-ce que depuis la diffusion du documentaire, Gérard Depardieu a réagi d'une manière ou d'une autre ?</strong>Il m?a appelé la veille de la diffusion du film puis le lendemain matin. Nous ne nous connaissions pas (il n?avait pas répondu à ma demande de le rencontrer) et nous avons parlé longuement. J?ai la faiblesse de penser qu?il a eu le sentiment que notre film ne le trahissait pas.(propos recueillis par Mathias Averty) 

Les proches et les collègues de Gérard Depardieu se sont-ils prêtés facilement au jeu de l'interview ?

A deux exceptions près, tous ceux et celles que je souhaitais interroger pour ce film (et il y en a beaucoup qu?on ne voit pas à l?image) m?ont dit oui. Les deux exceptions sont <strong>Fanny Ardant</strong> et <strong>Carole Bouquet</strong>. Je ne connais pas leurs raisons.<strong>Partagent-ils votre avis qui est que Gérard Depardieu n'a jamais vraiment changé et est toujours resté ce même personnage à la fois excessif, énigmatique et insaisissable ?</strong>Je ne peux pas parler à la place de ceux que je n?ai pas interrogés mais ce qui est sûr, c?est que ses deux amis d?adolescence qui témoignent dans le film, <strong>Michel Pilorg</strong>é et <strong>Hervé Brossard</strong>, ont le sentiment que, cinquante ans plus tard, il est le même, oui.<strong>Comment vivent-ils les récentes déclarations et les "frasques" de Gérard Depardieu ?  </strong>Ceux qui m?en ont parlé considèrent qu?on ne peut le réduire à ce que vous appelez ses <em>"frasques"</em> et gardent de lui un souvenir autrement plus positif. Ce n?est pas qu?ils lui pardonnent tout, c?est qu?ils n?ont pas envie de le juger. <strong>Jean Benguigui</strong> l'a très bien dit :<em>"On peut tout dire de Depardieu sauf qu?il est minable : c?est un seigneur !"</em>

Comment vous est venue l'envie de réaliser ce documentaire ?

On dit que <strong>Freud</strong> a commencé à s?intéresser au président des Etats-Unis <strong>Wilson</strong>, auquel il a consacré tout un livre, le jour où il a découvert que celui-ci était né la même année que lui. Eh bien, disons que ma curiosité pour <strong>Depardieu</strong> a commencé à être aiguisée le jour où j?ai découvert que nous sommes nés tous les deux la même année et qu?en plus? nous nous sommes allongés (moi beaucoup plus longtemps que lui) sur le même divan, celui du psychanalyste <strong>Claude Conté</strong>.<strong>Pourquoi Gérard Depardieu est-il si intéressant pour la psychanalyse ?</strong>Sans doute parce que c?est un personnage de roman. A la différence de la plupart des êtres humains qui ne terminent jamais ce qu?ils commencent, les personnages de roman, eux, vont jusqu?au bout de ce qui les aimante, au péril de ce qu?on appelle le bonheur, et qui se confond souvent avec la paresse. Jusqu?au bout de leurs amours, jusqu?au bout de leurs haines, jusqu?au bout d?un désir qui les consume et avec lequel ils ne négocient pas. C?est pourquoi la chute, voire la mort n?est jamais loin des héros de fiction, car c?est le pire qui conclue avec le plus d?évidence les histoires qui sortent du quotidien. 

Quelles sont les risques qu'on rencontre lorsqu'on explore la psyché de Gérard Depardieu ?

Le risque, c?est de croire qu?on en sait beaucoup sur lui parce qu?il s?est souvent montré, alors même que son paradoxe est justement d?avoir su se cacher en pleine lumière.<strong>Qu'avez-vous appris sur Gérard Depardieu grâce à ce film ?</strong>Ce que je crois avoir compris de <strong>Depardieu</strong> c?est pourquoi, lui, est devenu un grand acteur. Il est devenu un grand acteur parce qu?il est resté l?enfant à qui son père n?avait jamais dit non, à qui sa mère avait toujours laissé la porte ouverte. N?ayant été programmé par ses parents pour rien, il s?est retrouvé au théâtre et au cinéma disponible pour tout.<strong>Le cas Gérard Depardieu nous donne-t'il une leçon sur la célébrité et les médias selon vous ?</strong>A partir d?un certain degré de notoriété, chacun devient inévitablement la caricature de lui-même. Du coup, plus les médias parlent de vous, plus le malentendu prospère?

Après Tu disais… Mai 68, Rendez Vous Chez Lacan, ou encore DSK, L'homme qui voulait tout,  le célèbre psychanalyste est reparti faire un tour derrière la caméra pour explorer les multiples facettes méconnues de Gérard Depardieu. Interview. La semaine dernière, Gérard Depardieu, passait sur le divan de Gérard Miller, l'incontournable psy du petit écran, à travers un documentaire très intime : Depardieu, l'homme dont le père ne parlait pas. Sans jugement de valeur, loin des scandaleuses bourrasques venues de l'Oural, Gérard Miller a exploré la psyché tortueuse et l'enfance difficile du monstre sacré du cinéma français afin d'expliquer son comportement profondément énigmatique. Fil rouge de son enquête : qu'il soit working class hero, provocateur tragique ou glouton magnifique, Gérard Depardieu est toujours resté le même. Avec nous, Gérard Miller est revenu sur la genèse de ce portrait.