Toutes les critiques de Alila

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Trois femmes hantent ce film. Une amante, une harpie et une mère. Trois regards sur le monde, trois investissements dans la société israélienne.
    Avec ce long-métrage, Amos Gitaï, renoue avec quelque chose d'essentiel. Dans ses tentatives de mettre à l'écran l'histoire d'Israël, le cinéaste s'était parfois un peu perdu. Si Kippour a fait date, on regrette encore Kedma et encore plus Eden. Les connaisseurs pariant sur le passage à vide de l'artiste et repérant ses essais ont eu raison de patienter. Si Alila, dans la lignée de Yom-Yom, tient des propos retentissants sur le conflit moyen-oriental, c'est avant tout une histoire d'humains confrontés à leurs idéaux et qui tentent de s'en sortir.Sublime, Gabi ressemble à une voiture volée : perruque rouge, talons aiguilles et démarche chaloupée. Sur commande de son amant, elle se rend dans leur appartement secret. Elle ne doit rien dire à personne de sa relation et il lui est interdit de parler à ses voisins. Elle fait tout ce que l'homme lui demande sans pour autant l'aimer. Ce qu'elle recherche c'est l'excitation de l'interdit et du caché. Comme si là était la vraie vie et qu'il fallait toujours et sans relâche jouer à se faire peur, comme s'il était impossible d'être en paix avec l'autre. A vouloir toujours prouver qu'on est capable de tout, on ne peut s'accorder la moindre épargne. Cherchant à être parfaite sous tous rapports, Gabi ne demande jamais rien, ni jouissance, ni attention. Bombe sexuelle, elle explose à mesure du film pour finalement se retrouver sans armure.Incarnée de manière parfaitement épidermique par Ronit Elkabetz, l'hystérique en veut au monde entier et le crie sur tous les toits. Elle tente d'ailleurs de se faire construire une terrasse, non loin de l'appartement secret. Commissaire de police, elle terrorise ses voisins en menaçant de dénoncer leurs petits secrets. Sorcière échevelée, c'est la reine du contrôle et de la marche en avant écrasant tout sur son passage. A trop vouloir en faire plutôt que de se laisser faire, elle se retrouvera vaincue par forces telluriques et intempéries.Mali est la mère. Son personnage s'efface au profit de son ex-mari, Ezra, et de son fils. Bien qu'elle tente de refaire sa vie avec un homme de passage, elle ne pourrait exister sans eux. La question de la parenté et de la filiation s'expose ici dans toute sa crudité. Entre le père de son fils et cet adolescent qui fuit les turpitudes de son pays, c'est toute la tragédie et la complexité de l'héritage idéologique - de la responsabilité des générations envers celles qu'elles font naître - qui apparaîssent.Le film s'ouvre sur un long travelling avant à bord d'une voiture traversant Tel-Aviv. Père et fils discutent de l'avenir, l'un tentant de rassurer l'autre : « Mais si, tu vas la finir l'armée ». La question de savoir comment, reste en suspens. Bien sûr viendra un temps où le jeune homme ne fera plus son service militaire. Rentrera-t-il mort, blessé, terrorisé ? Revenu des sacrifices des générations qui l'ont précédé, il décide alors secrètement de déserter, quitte à bouleverser ses parents. Les adultes doivent assumer les conséquences de ce geste. S'ils dénoncent leur enfant, ils le verront certes sous leur emprise mais il ira en prison. Ils le voient donc en cachette, dans les bas-fonds de la ville. « C'est moi qui lui ai dit que tout était permis » se morfond son père, cherchant l'erreur commise dans l'éducation de son fils, la faute originelle. Dans la ville, coups de feu, alarmes et explosions ponctuent le quotidien - Pourquoi et comment se battre quand les fronts semblent être partout ? Pour le pays ? Qu'est-ce que cela signifie ?Adaptant le roman Returning Lost Loves, Amos Gitaï donne sa pleine mesure à ce titre. Retour des amours perdus. Lavés par une pluie diluvienne les personnages s'échappent finalement de ce qui les enfermait. Lâchant les armes et la petitesse de leurs combats, ils s'affirment enfin - Père, mère, fils, amante et sorcière ne sont donc plus des rôles mais des êtres libres, capables d'assumer leur existence.Alila
    Un film de Amos Gitaï
    Avec Yael Abecassis (Gabi), Uri Klauzner (Ezra), Hanna Laslo (Mali), Ronit Elkabetz (Ronit).
    France-Israël / 2002 / 120'
    Sortie nationale le 1er Octobre 2003
    - Lire la chronique de Terre promise, (Amos Gitaï, 2004)
    - Lire la chronique de Eden, (Amos Gitaï, 2001)
    - Lire la chronique de Kedma, (Amos Gitaï, 2001)
    - Lire la chronique de Kippour, (Amos Gitaï, 2001)
    - Le site perso d'Amos Gitai