Toutes les critiques de Fix Me

Les critiques de Première

  1. Première
    par Frédéric Rivière

    Au cinéma, le mal indicible qui incite le héros à consulter et à épuiser un à un les praticiens puis les membres de sa famille peut converger vers la comédie (Woody Allen), l’autobiographie (Nanni Moretti dans Journal intime), l’abstraction (le jeune homme mystérieusement incurable de La Rivière, de Tsai Ming-liang) ou se révéler carrément un faux prétexte (Safe, de Todd Haynes, avec une Julianne Moore malade de la superficialité de son existence). Au lieu de choisir l’une de ces pistes, Raed Andoni, héros de son propre documentaire dédié à son hypothétique guérison, les explore toutes. Il se retrouve avec un film gigogne sur les bras, mais en cela, il réalise qu’il lui faut accepter d’abandonner son statut de cinéaste démiurge et considérer les avis des autres s’il veut savoir pourquoi il va mal. Comme tout travail thérapeutique,
    Fix Me (« répare-moi ») s’avère donc aussi rocambolesque, laborieux et discutable que parfois nécessaire et même passionnant.

Les critiques de la Presse

  1. Chronic'art
    par Guillaume Loison

    Même moqué, cet art du contre-pied n'en demeure pas moins appliqué à la lettre. Toujours en mouvement, le film est prêt à contredire ou compléter l'image précédente, à dépasser sa nature même d'objet narcissique. Une manif anti-mur de Cisjordanie réprimée au gaz lacrymo se termine par une discussion débonnaire avec une vieille connaissance du cinéaste, les arrêts aux check-points sont l'occasion d'une mini-bravade : continuer à filmer le plus longtemps possible. Globalement, Fix me est très à l'écoute du monde extérieur, plus généreux que son dispositif ne le laisse entendre. C'est très criant lors des scènes de famille, où le cadre se remplit des réflexions croustillantes de la mère et des cousins pendant qu'Andoni, quasi muet, pianote sur son ordinateur, sourire aux lèvres, comme s'il avait conscience d'avoir capturé une bonne scène à ce moment précis. En cela - et en cela seulement -, Andoni est à l'opposé d'Elia Suleiman, voisin (à Nazareth) et grand frère spirituel, plus calculateur, plus flamboyant que son cadet - il est notamment bien meilleur acteur -, mais aussi plus assujetti à son dispositif burlesque, un peu grippé par sa superbe cannoise. Il semblerait que sur l'échelle de l'insubordination, le natif de Ramallah, plus frais, plus souple, ait quelques longueurs d'avance.

  2. Brazil
    par Eric Coubard

    Raed Antoni a effectué un voyage intérieur. Ses migraines n'ont peut-être pas tout à fait disparues, mais il connaît désormais leur provenance et comment y faire face. Son âme est déjà sauvée et son film est un message à tous ceux qui cherchent à se réconcilier avec leur être ou faire la paix avec les autres.

  3. Les Cahiers du cinéma
    par Ariel Schweitzer

    La réussite de Fix me réside dans la capacité du cinéaste à transformer ses interrogations en véritables questions de cinéma : comment filmer l'intimité, comment parler de la lutte collective, et, enfin comment trouver l'équilibre entre les deux ? Sans prétendre à des réponses, la manière si originale de poser ces questions témoigne de la maturité d'un cinéaste et offre ainsi une belle perspective pour le cinéma national palestinien.

  4. Le Monde
    par Jacques Mandelbaum

    Il ne faut donc pas croire que Fix Me est un film à thèse, sentencieux et passablement lourdingue. C'est tout le contraire. Il s'agit plutôt d'un work in progress en quête de légèreté, d'élégance, d'apesanteur, qui enrage de tourner en rond. Un gag visuel impliquant la voiture rouge le montre très bien : passant en trombe sur une route qui longe le mur de séparation, Raed Andoni fait s'écrouler un pan entier de celui-ci, bien après avoir disparu de l'écran. Ce gag à combustion lente n'en affirme pas moins que la vitesse est la clé de l'émancipation : il importe de ne jamais être à la place où les autres vous attendent.

  5. Le JDD
    par Alexis Campion

    Cinéaste documentariste palestinien, Raed Andoni a notamment signé, en 2006 pour Arte, un beau portrait des musiciens du Trio Joubran. Cette fois, sous forme de long métrage, il assume un scénario très personnel, centré sur ses migraines! Pour ce faire, il nous présente des proches comme sa mère ou son neveu qui a grandi aux Etats-Unis en rêvant de Palestine libre, délivre quelques visions et va jusqu’à faire filmer sa psychothérapie. Ce dispositif original rappelle les journaux filmés de Nanni Moretti ou Avi Mograbi.

    Mais parvient à installer une atmosphère qui est bien la sienne, insolite, drôle, caractéristique sans être démonstrative. Suivre une thérapie est rare en Palestine, mais peut aviver bien des souvenirs et des rêves malmenés par une situation d’occupation et de résistance sans fin…

  6. Positif
    par Vincent Thabourey

    Abusant parfois d'une excessive distanciation, il propose cependant un questionnement inédit par rapport à bon nombre de fictions et de documentaires tournés en Palestine.

  7. Chronic'art
    par Guillaume Loison

    Il y a du Elia Suleiman, en plus bricolé, dans cette mise en abyme acide et truculente, qui scanne autant son auteur qu’il dessine, en creux, la conscience d’un peuple.

  8. L'Express
    par Julien Welter

    Parfois drôle et pertinent sur la société palestinienne, le film est surtout très bavard.

  9. Télérama
    par Samuel Douhaire

    Le militant devenu réalisateur a perdu beaucoup d'illusions, mais son propos n'est jamais cynique. Grâce à une certaine bienveillance - il met en garde son jeune neveu très politisé contre l'obsession de la lutte armée, mais sans chercher à le décourager. Grâce aussi, et surtout, à l'humour. La référence burlesque à son compatriote Elia Suleiman (Intervention divine) est évidente quand Raed Andoni fait s'écrouler le funeste « mur de séparation » par le seul souffle de sa voiture, qui n'a pourtant rien d'un bolide. Mais son ironie, qui n'épargne personne - à commencer par lui-même -, fait davantage penser aux autofictions caustiques de l'Israélien Avi Mograbi (Comment j'ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon). Le contexte est palestinien, mais le propos est universel : comment s'intégrer dans une société tout en préservant son individualité ? Dans un territoire où règne le culte de la force, Andoni revendique le droit d'être faible, de douter. Et la liberté pour un réalisateur de tourner sans que tous les problèmes du monde ne lui « prennent la tête »...