Première
Contre
La cellule familiale explosive est le genre number one du cinéma français, manque peut-être ici la grosse maison à la campagne avec les bibelots afférents et la vaisselle cassée dans tous les coins. Question de classe sociale. Reste toutefois quelques beaux apparts avec vue sur un Paris tristoune. Maïwenn, à la fois au scénario et devant la caméra, en connaît un rayon, elle qui avec Pardonnez-moi, s’était mise nue comme personne. Roschdy Zem tente avec ce nouveau long-métrage en tant que cinéaste l’auto-analyse voire l’acte de contrition de l’acteur autocentré qui à force de ne parler que de lui n’a pas entendu ce que les « siens » avaient à lui dire. Est-ce que cela fait un bon sujet pour autant ? Pas sûr, d’autant, que le cinéaste-comédien voit son égo forcer le cadre malgré lui et envoie à la rescousse des dialogues multipliant les rappels à l’ordre lourdingues : « Tu ne fais pas attention à nous ! », « Tu te prives de bons moments... » Dès lors, l’entourage ne peut être envisagé que comme une tribu forcément sympa et soudée, où chacun tente d’exister en accentuant sa distinction (la sœur trop sympa, le frère un peu maladroit, les ados malins...) Il y a toutefois l’élément déclencheur, ce frère qui après un choc sur la tête, dit ses quatre vérités au reste de la famille (Sami Bouajila, parfait dans un registre pourtant casse gueule) Problème, il ne dit pas autre chose que ce que le film s’échine à démontrer par ailleurs (l’égoïsme est un vilain défaut...) On se dit tout de même que le versant de la comédie pouvait sauver les meubles, malheureusement le film ne parvient jamais à trouver la bonne mesure, préférant retomber sur les pattes d’une comédie familiale qui ne peut pas mal finir. Roschdy Zem se retrouve en bout de course sans trop de ressources, bien obligé d’effacer la note dans un geste rassembleur et fédérateur. On y croit moyen.
Thomas Baurez
Pour
C’est précisément par la fin qu’on a envie de commencer pour célébrer le nouveau Roschdy Zem. Une scène symbole de ce que le film raconte – dans un cocktail savoureux d’émotions aux antipodes, capable de passer du fou rire aux larmes sans jamais vous tordre le bras – et du moment d’exception qu’est en train de vivre son auteur. Zem y fend l’armure comme on vient de le voir le faire, dans Les Enfants des autres et L’Innocent, en allant là où on ne l’attend pas dans des gestes d’une fluidité parfaite. Car en s’inspirant d’une histoire vécue par son frère, il boucle une boucle, seize ans après Mauvaise foi, sa première réalisation où il mettait déjà beaucoup de lui mais sans comme ici le revendiquer. Et cet exercice d’introspection où il ne se fait pas de cadeau en se donnant le rôle le plus hors- sol de cette tribu ne bascule jamais dans l’auto- centrisme. Parce que ce qu’il y exprime sur la famille, lieu enveloppant jusqu’à l’étouffement dont il faut s’extirper pour en apprécier les vertus, en évitant le prisme culturel et religieux trop attendu, parle à tous. Et par le regard généreux que ce grand directeur d’acteurs porte sur ses partenaires. Quand on aime les actrices et les acteurs, comment ne pas adorer Les Miens où, de Bouajila à Rachid Bouchareb (pour ses débuts – emballants – devant la caméra) en passant par sa fille Nina (une révélation), les toujours parfaits Meriem Serbah et Abel Jafri ou Maiwenn dans un registre apaisé qui lui va à merveille, Roschdy Zem a réuni sa famille de sang et de cœur pour raconter cette histoire, laissant à chaque personnage la place pour exister et donc à chaque comédien la place pour jouer sans jamais abimer la choralité de son récit. Nulle place ici cependant pour une démonstration. Zem est tout sauf un donneur de leçons. Il invite simplement au partage. Son sixième long est le plus ambitieux et le plus emballant. On fait volontiers nôtres les siens.
Thierry Cheze