Première
par Thomas Baurez
Monos débute haut perché, au niveau des nuages, dans un endroit sauvage et nu, loin du tumulte. Il y a une grande étendue caillouteuse avec une sorte de monolithe gris au milieu (on croirait l’endroit où fut shooté la pochette du mythique Who’s Next des Who). Des adolescents aux visages poupins jouent. Ils portent des surnoms pop : Bigfoot, Rambo, Lady... C’est le temps d’une certaine innocence. Rien n’est grave. Sauf que si. On met un peu de temps à comprendre qu’il y a une otage parmi eux et que les jouets sont en réalité de vraies armes. Cette tribu de rebelles colombiens va être bientôt obligée de faire l’expérience du feu, de redescendre vers la terre ferme – la jungle en l’occurrence – afin d’entrer dans le réel. Au-delà du miroir, on reconnaît des signes du monde d’avant, mais les images et les visages commencent à se brouiller. Il y a comme dans toute (micro)société, les pleutres, les traîtres, les suiveurs, les chefs en devenir... Que nous dit le cinéaste colombiano-équatorien Alejandro Landes que nous ne savions déjà ? Pas grand-chose au fond et il y a une certaine afféterie dans sa mise en scène qui laisse peut-être douter de la complète honnêteté de l’entreprise. On citera Sa Majesté des mouches de Brook voire Aguirre, la colère de Dieu d’Herzog, pour flatter l’ego, mais ce film n’appartient qu’à lui-même. Là où il sonne juste et fort c’est quand il reste dans sa bulle, où l’espace et le temps semblent hors de portée. Les jeunes héros se perdent alors avec eux-mêmes et créent une sorte de chaos fiévreux.