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Cette fable grave et digne sur la trahison est traitée avec une retenue presque austère. Le rôle symbolique des éléments s’en trouve renforcé, particulièrement celui du soleil, qui dessèche le coeur et aveugle la raison, et de l’eau, qui, lorsqu’elle est confinée dans les limites rassurantes de la piscine, donne l’illusion d’une sécurité immuable. La morale de l’histoire, c’est que pour affronter la réalité, il faut sortir de son cercle de confort. Et ce n’est pas par hasard si le film se termine au bord du fleuve qui, lentement mais sûrement, emporte tout. Tout, sauf les regrets.
Toutes les critiques de Un homme qui crie
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Drame familial, social et politique, le film touche par sa sobriété et son style épuré.
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Allergique à toute forme de sensationnalisme, Haroun conte son histoire avec sa pudeur habituelle : pas ou peu de mouvements de caméra, de longs silences, quelques notes d'accordéon et le bruit du vent dans la poussière. Certains plans statiques dans une cuisine, au raz du sol, évoquent les drames « domestiques » d'Ozu : c'est là que se joue, à mi-mot, le conflit entre le père et le fils, et donc le destin d'une famille. Un zoom sur le visage d'Adam, soudain, vient perturber l'enchaînement presque mécanique de ce drame dépouillé, presque dépourvu de chair. Un peu trop sûr de la puissance mythologique de son récit évoquant le Job de la Bible ou Ibrahim dans le Coran, et du charisme naturel de ses acteurs qu'il filme comme des statues, Haroun étouffe au maximum le cri du vieux lion. Le final, magnifique virée donquichottesque aux paysages de western, sauve le film de l'asphyxie en ouvrant ses perspectives minimalistes et asséchées vers un horizon émotionnel.
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Sous le style calme et serein de ce film mijotent une douleur, une colère, une rage que l’on sent palpiter au fond des plans. Après les très beaux Abouna et Daratt, Un homme qui crie confirme que l’Afrique est dans le mouvement de l’histoire (contrairement à ce que suggérait un certain discours d’un certain bouffon de notre politique nationale), que les bons taux de croissance sont réels, mais ne profitent pas à l’ensemble des populations et qu’Haroun est un cinéaste important, par son talent d’abord, mais aussi en ce qu’il permet aux Africains (ici, les Tchadiens) de s’approprier leur histoire et leur image.
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Chômage, corruption, guerre civile : le cinéaste inscrit son récit dans une réalité politico-sociale actuelle, parlant des blessures de l'Afrique. Ses multiples allusions bibliques (le sacrifice d'Abraham...) alliées à une mise scène distante et poétique donnent force et personnalité à cette quête rédemptrice dont la seconde partie peut toutefois sembler un rien longuette.
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Avec, en toile de fond, une critique sur ces entreprises qui disposent de leurs employés comme de pions, Un homme qui crie s'impose vite comme une fable sur la peur, les silences et le fatalisme comme unique porte de survie. Même si le scénario se délite dans sa troisième partie, cette problématique a visiblement touché le jury du dernier Festival de Cannes, qui lui a décerné le prix du jury. Après Darratt, saison sèche (2006), qui avait obtenu le prix spécial du jury à la Mostra de Venise, Mahamat-Saleh Haroun est plus que jamais un artiste à suivre.
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A l'instar de ses prédécesseurs, Un Homme qui crie sonde ce poison filial, vécu ici comme une compétition, dont les règles se voient perverties par le chaos social. Cette marotte semble même avoir gagné en nuance. A mesure que la tragédie progresse, l'ascétisme habituel cède sa place à un lyrisme discret, mais surtout inhabituel chez Haroun. Plutôt que de céder à la démagogie de l'expérience traumatique comme argument d'autorité, Haroun préfère brandir sa mise en scène comme un rempart à tout pathos. Un Homme qui crie pèche peut-être trop par humilité ; il n'en reste pas moins bouleversant.
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Mise en scène de manière épurée, frontale, presque rugueuse, cette idée confère à Un homme qui crie une dimension à la fois intemporelle et universelle, qui fait s'entrechoquer, à travers le thème de la filiation, l'archaïsme des premiers temps de l'humanité et l'apocalypse qui menace de l'engloutir. Une bonne image de la guerre, qui ne dévore jamais que ses enfants.
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On voudrait la mise en scène épurée et tout en retenue ; elle est sage et quelque peu désincarnée. On souhaiterait l'histoire atteindre une dimension universelle ; elle ne parvient pas à transcendant ni les motifs qu'elle utilise, ni les intentions du cinéaste.
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Le plus : Le réalisateur fait partager la peur que génère une guerre toute proche sans jamais montrer directement la violence. La beauté formelle du film est évidente dans la façon dont il passe de paysages poussiéreux à de gros plans sur les visages de personnages dans la tourmente. Les rapports entre les différents protagonistes se révèlent crédibles ce qui génère une véritable émotion. Haroun renoue avec le charme des contes africains.
Le moins : La naïveté chronique de l’intrigue finit par porter sur les nerfs et l’ennui pointe souvent son nez car l’ensemble est très (trop) lent. L’ensemble est très prévisible et ne brille pas par son originalité.