Quelques minutes après minuit
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En 2015, Première rencontrait le réalisateur sur le tournage de Quelques minutes après minuit.

Quelques minutes après minuit reviendra ce soir sur TF1 Séries Films. Première avait rencontré son réalisateur, Juan Antonio Bayona, sur le plateau, avant d'avoir un coup de coeur pour ce film à sa sortie. A ne pas manquer, donc.

En seulement trois films sublimes, L'Orphelinat, The Impossible, et maintenant Quelques minutes après minuit, Juan Antonio Bayona s'est imposé comme l'un des réalisateurs contemporains les plus importants. Nous l'avons rencontré en janvier 2015, avec sa fidèle productrice Belén Atienza, lors du tournage de Quelques minutes après minuit, quelque part dans la banlieue de Barcelone, dans un hôpital abandonné qui sert de studio de cinéma. Bayona n'était pas encore annoncé comme le réalisateur de la suite de Jurassic World mais comme celui de World War Z 2 : Quelques minutes après minuit était donc son dernier film avant de faire le grand saut du blockbuster américain.

Critique : Quelques minutes après minuit est un grand conte bouleversant

Comment avez-vous obtenu le boulot de réaliser ce film ?
C'est Sergio Sánchez, le scénariste de L'Orphelinat et de The Impossible, qui m'a parlé du livre, il y a plusieurs années. J'ai eu beaucoup de projets, mais je n'arrêtais pas de revenir sur ce livre. Mon agent m'a envoyé le document du scénario de Patrick Ness et je le relisais sans cesse... C'est une histoire de passage à l'âge adulte (coming of age), ça explique comment nous utilisons la fiction pour comprendre la réalité -ce que nous, réalisateurs, faisons au quotidien. Pourquoi aimons-nous raconter des histoires ? C'est le sujet du film. Ajoutez à cela la relation mère-fils et vous obtenez le film idéal pour moi.

Vous voyez donc vos trois films comme une espèce de trilogie ?
En quelque sorte, oui. Encore la relation d'un fils et d'une mère, avec la mort à l'horizon... C'est le genre d'histoire qui me plaît. Mais il ne fallait pas traiter ce sujet comme un drame. Il fallait le faire décoller, l'emmener vers d'autres horizons, lui injecter de la vie, trouver la lumière au bout du chemin. Cet enfant veut affronter le deuil à travers l'art : je me suis retrouvé moi-même, à son âge... Quand j'étais gamin, je n'arrêtais pas de dessiner. Certains dessins que vous verrez dans le film sont de ma main. L'art nous connecte à l'inconscient de son artiste.

Comment avez-vous choisi Liam Neeson pour faire la voix du Monstre ?
Il fallait un acteur à la voix très noble, avec une profondeur mythologique. C'est aussi un Jedi, il a toute la formation nécessaire... Il a également l'âge idéal (NDLR : 62 ans au moment du tournage) pour le rôle. Par ailleurs il a assuré la performance capture de ses mouvements. Je ne peux pas vous garantir qu'il a adoré faire ça, les mouvements du Monstre étant par nature limités. Ce qui est amusant, c'est qu'on associe ce genre de technologie à des films à très grand spectacle, des scènes d'action dingues, des grands paysages incroyables... Là, on réduit tout ça. Ca se déroule dans le jardinet d'une maison de grand-mère (rires). En termes d'acting, tu peux tout refaire, tout réimaginer. Ceci dit, trouver le ton juste du Monstre a été très difficile.

C'est-à-dire ?
Le film doit aussi être une grande aventure de fantasy pour les enfants. Il y a plusieurs couches de récit, en fait, sur l'identité, sur le storytelling... Ce sont des couches plus profondes que le public plus mature doit pénétrer. Le design du monstre devait exprimer ces différentes couches. Le Monstre est la totalité du film. Le reste du récit est très simple, très direct, en fin de compte.

Vous avez aussi utilisé des éléments "en dur" pour le monstre.
Oui, un bras articulé, un pied géant... Il fallait des éléments pour donner plus de physicalité aux effets. Au-delà, plus l'histoire de Patrick partait dans la fantasy, plus je sentais qu'il fallait que j'insère des éléments de réalité pour mieux ancrer l'histoire, comme le personnage de Sigourney Weaver, par exemple. Je me souviens : quand j'étais petit, le château en haut de la montagne dans Dracula de Terence Fisher m'a marqué. Ce décor -évidemment faux- au loin, inaccessible, comme la promesse d'un autre univers. C'est le cimetière dans Quelques minutes après minuit.

On a entendu sur le plateau de la musique par haut-parleur... C'était quoi ?
Je diffuse de la musique pour mettre l'équipe dans l'ambiance. Aujourd'hui, c'était la bande originale de Coeur de Lion par Jerry Goldsmith. Une musique de fantasy épique pour motiver les troupes. Du Ennio Morricone, sinon.

Il y a trois contes dans le film, qui seront faits en animation...
Je ne veux pas trop en parler... Mais sachez que pour les séquences en animation, je ne voulais pas qu'on voie les yeux des personnages. Les yeux expriment la personnalité, alors qu'ils ne sont que des marionnettes dans un conte. Leurs designs sont extrêmement expressifs en soi.

Avez-vous dessiné le storyboard ?
Non. Je dessine sans cesse, mais j'ai une équipe de quatre ou cinq personnes qui dessinent le storyboard à ma place. Sur le plateau, je n'aime pas l'utiliser. Je crie : "Qui a ramené le storyboard ? Virez-moi ça !" (rires) Je veux comprendre le film directement à travers la caméra. Hier, on a fait un plan sublime de Conor qui regarde à travers un trou de serrure, la lumière tombe sur son oeil... J'ai changé l'échelle par rapport au découpage mais le plan est meilleur.

Le livre original était très visuel. Avez-vous réutilisé ces illustrations ?
Pas vraiment. Dans le livre, le Monstre ressemble beaucoup à un arbre. On a fait 200 dessins différents du Monstre avant de le trouver. Je voulais qu'il ressemble plus à un homme. Pour montrer à quel point il s'agit d'un aspect de la personnalité de Conor.

Quelques minutes après minuit : Du livre au film

En parlant de Conor, comment avez-vous trouvé Lewis MacDougall ?
On a fait 5 mois de recherches, on a auditionné 800 gamins... Je ne peux même pas vous dire pourquoi lui. C'est une question de look. Tu le sens tout de suite. Voilà, c'est lui, c'est Conor. Pareil pour Felicty Jones. Concernant le reste du casting, Geraldine Chaplin (NDLR : qui joue la directrice de l'école pour une scène) est mon... comment dites-vous ? Talisman, voilà. Et Sigourney Weaver... Au départ je pensais à Judi Dench mais elle faisait justement trop grand-mère. Il nous fallait une jeune grand-mère. Elle plus Felicity, ça faisait un duo intéressant : tout de suite tu sais qu'elle a eu Conor jeune, que ça a causé des problèmes dans le passé, etc. Un choix de casting qui raconte une histoire sans mots. Pour revenir à Lewis, il y a un an il ne connaissait rien au métier d'acteur. On avait la responsabilité de lui apprendre tout ça. Je ne lui ai pas donné de films à voir, ni de livres à lire... Il avait un coach, et on a tourné dans l'ordre chronologique -ce qu'on a déjà fait dans mes deux films précédents.

Pourquoi aimez-vous tant tourner avec des enfants ?
Mmm. Parce que je me sens toujours gamin, je crois. Il y a toujours la mort à l'horizon, dans mes films. On parle d'idées très fortes, très puissantes. L'enfance est l'angle idéal pour les aborder.

Entretien réalisé conjointement avec Chris Hewitt du magazine Empire.

Bande-annonce de Quelques minutes après minuit :

 


Groot a-t-il inspiré l’arbre géant de Quelques minutes après minuit ?