En plein festival d'Annecy, France 4 rediffuse des films d'animation de qualité.
En 2003, Les Triplettes de Belleville, film d’animation pour adultes et en 2D, signé Sylvain Chomet, faisait sensation aux Oscars (nommé pour l’Oscar du Meilleur film d’animation et pour celui de la Meilleure chanson). Après ce succès, le réalisateur s’est installé en Ecosse, où il a ouvert ses propres studios d’animation : Django Films. C’est là-bas que le Frenchy a conçu un nouveau film d’animation dans la veine des Triplettes : L’Illusionniste.
Il s’inspire en fait d’un scénario de Jacques Tati, jamais tourné. D’où cette ressemblance frappante entre le personnage principal et le cinéaste. Mais Sylvain Chomet ne s’arrête pas là : il a cherché à adopter le style visuel du maître, en privilégiant les plans larges aux gros plans.
En 2010, le film se payait même le luxe de devenir le projet cinématographique le plus cher de l’histoire de l’Ecosse (11 millions d’euros de budget). Du coup, quand le producteur du film, Bob Last, expliquait au Herald Scotland à quel point L’Illusionniste était un challenge, on ne pouvait s’empêcher de le croire sur parole : "C'est un challenge immense d’un point de vue technique et créatif, pas seulement parce que les films en 2D n’ont plus la main mise sur l’animation. Mais surtout en termes d’animation des personnages et d’attention aux détails".
Alors que le festival international du cinéma d'animation d'Annecy 2023 bat son plein, France 4 rediffuse ce film, qui avait conquis Première à sa sortie. Voici notre double critique.
L'avis d'Emilie Lefort : Huit ans après Les Triplettes de Belleville, Sylvain Chomet décide de rendre hommage à Jacques Tati. Basé sur un scénario du cinéaste, on y suit un vieux magicien confronté aux changements de son époque (l’arrivée du rock). Pour Chomet, c'est le moyen de payer son dû à l'artiste qui l'a le plus influencé, mais c'est surtout une manière d'opposer deux formes de cinéma. Le dialogue quasi inexistant, la prédominance de la musique et du geste, la lenteur du récit rendent hommage au burlesque. A contrario de ce que l’animation et l’émergence de la 3D nous propose aujourd'hui (esthétique flashy, au scénario et au cut soi-disant incisif). Du coup, si on redécouvre le Tati de Mon Oncle ou de Monsieur Hulot, c'est surtout une autre forme de cinéma que réinvente Chomet, un art de la poésie et de la tendresse.
L'avis de Christophe Narbonne : Réalisé avec la bénédiction des gardiens du temple (feu Sophie Tatischeff et Jérôme Deschamps), L’Illusionniste réussit le prodige d’être à la fois du pur Tati et du Chomet garanti : le sens du détail et du cadre de l’un, des seconds rôles borderline et des récits initiatiques de l’autre. Sans compter une attirance commune pour le cinéma muet, pour une forme d’aboutissement esthétique et pour des mélodies accrocheuses. Tout pour plaire, me direz-vous ? Oui, sauf que la minceur et la désuétude de l’intrigue (rien d’inattendu) finissent par devenir une source de frustration, presque d’ennui.
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