Les réalisateurs Nick Bruno et Troy Quane nous racontent les coulisses de leur long-métrage d'animation mort et ressuscité.
Tout fraîchement arrivé sur Netflix, le film d’animation Nimona se déroule dans un univers médiéval futuriste, où un chevalier accusé à tort d’assassinat (doublé par Riz Ahmed) fait équipe avec une adolescente métamorphe (Chloë Moretz). Au festival d’Annecy, nous avons discuté avec les réalisateurs Troy Quane et Nick Bruno, qui nous racontent comment ce long-métrage à la base destiné au cinéma est revenu d’entre les morts.
Comment vous êtes-vous retrouvé aux commandes de Nimona ?
Troy Quane : On a fini de réaliser Les Incognitos chez Blue Sky à Noël 2019. Le studio nous a lors demandé de venir aider à peaufiner l’histoire, sur laquelle ils travaillent depuis deux ans. On avait un oeil extérieur, qui a été mis à profit durant un an… avant que la pandémie ne commence et que Disney ne ferme Blue Sky. Coup de massue. Mais on a mis à profit la période Covid pour continuer à travailler sur Nimona et mettre au point une ébauche. Puis on a eu la chance de trouver la productrice Megan Ellison [patronne d’Annapurna Pictures], qui a été un soutien indéfectible pour réussir à faire sortir le film du coffre-fort de Disney.
Vous avez fait le tour de tous les studios d’Hollywood pour tenter de ressusciter le film ?
TQ : Non, en fait beaucoup de gens sont venus vers nous dès la fermeture de Blue Sky. Il y avait une forme d’excitation. La semaine où Blue Sky a fermé, on devait projeter notre ébauche à toutes les équipes le jeudi. Mais le mardi, on a appris la nouvelle… On a quand même fait la projection et à ce moment-là, on a tous compris qu’on avait mis le doigt sur un truc spécial. Ce qui nous donné l’énergie de nous battre et de refuser de laisser le film mourir. On y croyait trop.
Nimona est l’adaptation d’une bande-dessinée avec laquelle vous prenez pas mal de libertés…
Nick Bruno : Son créateur, ND Stevenson, vous dirait que quand il a commencé la BD en tant que webcomic, c’était surtout pour se mettre lui-même à l’épreuve, pour voir s’il pouvait le faire. La forme était plus que libre et il ne pensait même pas vraiment raconter une histoire. Mais quand on a lu la bande dessinée compilée en format papier, on a tout de suite vu que c’était une lettre d’amour aux incompris, ceux qu’on éloigne parce qu’ils sont différents. Il est aussi très vite devenu évident que tout ça parlait de la communauté LGBTQ. Donc on a essayé d’extraire l’essence de la BD et ses thèmes, ainsi que les sentiments qu’elle nous provoquait à la lecture. Pas si simple de mettre tout ça dans un film à la fois fun et inédit dans sa forme ! Mais le personnage de Nimona est fascinant et très éloigné des archétypes habituels de l’héroïne, et ça nous a beaucoup aidés à trouver le ton juste. Elle est au centre de tout.
TQ : Et on s’est rendu compte qu’il y avait quelque chose d’universel dans le destin de ces personnages.
NB : Au départ, on croyait qu’on allait faire un film sur l’acceptation de l’autre. C’était l’évidence. Et puis en fait, petit à petit, on a pigé qu’au fond ce qui est vraiment important, c’est qu’on puisse nous voir tel qu’on est. On a le droit de ne pas m’aimer, mais à partir du moment où a compris qui je suis réellement.
Visuellement, quel était le point de départ ?
TQ : Je ne vais pas vous mentir : faire un film qui se déroule dans un futur médiéval est un challenge dingue ! On a fait appel à des éléments de l’imagerie du conte de fées et de la fantasy, de Merlin l’enchanteur à La Belle au bois dormant, mais comme l’histoire se déroule dans le futur, il fallait que visuellement tout soit très contemporain. C’est là qu’est venue l’idée de la « 2D ½ » faite par ordinateur, un style à la fois dans la nostalgie et la modernité pure. Et ça collait parfaitement avec cet univers, une société très avancée mais dont le mode de pensée est un peu resté bloqué dans le passé.
La patte graphique de Nimona fait penser à la série Arcane, en plus anguleux. Un hasard ?
NB : Complètement ! Qui sait qui a commencé à travailler le premier sur son projet… Mais c’est intéressant votre question, parce que je crois les artistes apprennent tout juste à utiliser la technique de l’animation 3D différemment. On fait des découvertes tous les jours en matière de possibilités graphiques, et c’est super excitant. L’imagination n’a plus de limites, et on n’a fait qu’effleurer la surface.
TQ : La technologie est si avancée qu’on peut maintenant se permettre de jouer contre ses propres règles. C’est fascinant.
Sans spoiler, la fin de Nimona appelle une suite. Je verrais bien une série d’animation pour continuer d’explorer l’univers.
NB : Et pourquoi pas ? Nimona existait bien avant nous et existera bien après nous. C’est toujours un peu bête de dire ça, mais ces personnages deviennent réels pour nous à forcer de travailler dessus. J’adorerais voir une suite.
TQ : À la fin, sans trop en dire, on brise littéralement les murs et on ouvre la porte à un nouveau monde. De quoi sera-t-il fait ? Et puis il a aussi la nature de métamorphe de Nimona offre une infinité de possibilités.
NB : En tout cas si vous voulez une suite, envoyez des courriers à Netflix !
Nimona, de Nick Bruno et Troy Quane, disponible sur Netflix.
Mis à la trappe et miraculeusement sauvé : que vaut le film Nimona sur Netflix ? [critique]
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