La comédienne raconte sa première expérience sur grand écran dans ce rôle de passionnée de cross- bitume qu’elle a pour partie inspiré à sa réalisatrice Lola Quivoron.
Quel était votre rapport au cinéma plus jeune ?
Julie Ledru : J’y allais une fois par semaine environ, voir des comédies, des gros films américains ou des films d’horreur, ma passion. La Mouche fut le premier. Je l’ai vu en K7 ! (rires) Et j’avais adoré… Mais je n’ai jamais envisagé alors même une seconde de devenir actrice. Une de mes copines avait ce rêve- là et, pour tout dire, je me foutais un peu de sa gueule car ça paraissait totalement inaccessible quand on grandit dans le 95 sans le moindre contact
Et comment l’impossible est devenu possible pour vous ?
Grâce à Lola (Quivoron) ! Elle m’a contactée un jour via Instagram car je pratiquais le cross- bitume et j’avais acquis une notoriété sur ce réseau- là. Elle s’est abonnée à mes publications où je posais avec ma moto dans ma chambre transformée en garage, avec un établi et une bouteille de rhum dans le cadre. Quelque chose de très pirate, de très sauvage. Puis un jour, elle m’a envoyé un message en m’expliquant qu’elle souhaitait me rencontrer car elle était en train d’écrire un film et voulait étoffer les caractéristiques de son personnage principal pour le rendre plus réaliste. Je n’ai pas répondu tout de suite mais on a fini par se rencontrer sur un banc de la gare de Persan- Beaumont. On a passé toute la journée à échanger, à parler de tout et de rien. Et j’ai très facilement réussi à m’ouvrir car j’étais dans une période où j’avais besoin de rencontrer quelqu’un et de me lâcher. J’ai rencontré la bonne personne au bon moment. Ca a matché immédiatement entre nous
Vous vous êtes revues tout de suite ?
Non, on a laissé traîner les choses. Mais elle revenait vers mois régulièrement et on se voyait tous les deux ou trois mois. Mais si elle s’inspirait de ce que je lui racontais pour nourrir son scénario, il était évident pour nous deux que je ne jouerai pas dans le film. Ce qui me convenait parfaitement !
Comment vous êtes vous retrouvée à le faire, alors ?
Quelques mois avant le tournage, elle m’a expliqué qu’elle avait appelé le personnage Julia, qu’il collait vraiment à moi et que ça lui ferait plaisir, si j’étais OK bien sûr, que je l’incarne.
Et quelle a été votre réaction ?
J’ai accepté immédiatement, comme le prolongement de l’amitié que nous avions construite. Son regard m’a tellement portée dans cette période de ma vie que je me suis dit que si elle croyait la chose possible, c’est qu’elle devait forcément l’être. Je savais qu’elle m’accompagnerait, me porterait, me protègerait
Comment avez- vous travaillé à partir de là ?
On a commencé par deux semaines de préparation hors Île- de- France pour trouver le personnage. Tout était programmé avec Antonia (Buresi), sa compagne, qui joue aussi dans le film. Le matin, on commençait par une séance d’étirements pour sentir son corps puis on partait en balade dans la forêt. Et en parallèle, on travaillait sur ma voix et la manière dont Julia se déplace pour entrer dans la peau de ce personnage.
Comment vivez- vous ce travail inédit pour vous ?
Tranquillement car en confiance. C’est comme si en allant à la découverte de Julia, je m’étais rencontré moi- même et mieux comprise. Julia étant portée par un sentiment de colère, j’ai dû par exemple accepter et faire face à cette colère qui était aussi en moi. Et à la fin de la deuxième semaine, quand j’ai vu la photo qu’Antonia venait de prendre de moi, ce n’était plus moi ! C’était mon corps et mon visage mais la posture n’avait plus rien à voir. C’est là que j’ai compris que j’étais devenue Julia, presque sans m’en rendre compte.
Lola Quivoron vous conseille des films à voir, en parallèle ?
Oui, j’ai découvert ainsi Rosetta et Fish tank. Deux films dont les héroïnes partagent la même énergie que Julia, cette idée d’un personnage qui fuit la caméra chez les Dardenne et cette brutalité chez Andrea Arnold.
RODEO: LA BATAILLE DU RIDE [CRITIQUE]Quel souvenir gardez- vous du premier jour de tournage de Rodéo ?
Je ne peux pas l’oublier : intoxication alimentaire toute la journée ! Et ce alors que je ne ressentais pas de stress, même si forcément voir tout ce monde impressionne… Et puis, très vite, j’ai compris qu’il fallait être patiente et que personne n’allait me juger, que chaque personne présente sur ce plateau avait des choses à faire. Je suis quelqu’un de pudique or mon personnage se balade en brassière- short la plupart du temps. Mais je me suis toujours sentie à l’aise
Jouer quelque chose proche de soi n’est jamais simple…
Tout cela avait été évacué lors de la préparation. Et je m’étais fixée une règle : quand je mettais le short et la brassière, je n’étais plus Julia !
Qu’avez-vous le plus aimé dans votre collaboration avec Lola Quivoron une fois sur le plateau ?
Il y avait ce plaisir immense d’avoir cette relation amicale sur quelque chose de très sérieux. J’ai surtout vu qu’il n’y avait aucun changement chez elle par rapport à la préparation. A une exception près très rigolote : dans les prises d’action ou avec un enjeu énorme, elle était si concentrée comme transcendée par ce qu’elle vivait
Dans ces scènes d’action justement, il y a beaucoup de différence avec ce que vous faîtes dans la « vraie » vie ?
Oui et non. Ca me fait toujours du bien de monter sur une moto. Mais il fallait être extrêmement vigilante car je me trouvais la plupart du temps à quelques centimètres des roues arrière de la moto qui nous filmait. Parfois, je me suis vue freiner alors que je ne devais pas. Il m’a fallu un peu de temps pour me lâcher et pour bien me mettre en tête que ce sont des professionnels qui s’en occupaient. C’était une question de confiance et cela s’acquiert au fil des prises, naturellement. Et pour cela, j’ai surtout pu m’appuyer sur une extraordinaire chef machino qui était le prolongement de Lola et avec qui on avait tout un code. On a fini par ne se comprendre qu’avec les yeux.
Comment est née si jeune votre passion pour la moto ?
Grâce à ma maman qui en faisait dans sa jeunesse. Un jour, je suis tombée sur une vieille photo d’elle un peu jaunie sur une moto. Elle m’a raconté ses histoires. Avec mon frère, on ne se lassait pas de l’écouter et on a commencé ensemble. Je n’ai jamais arrêté
Et Rodéo vous a donné envie de continuer à jouer ?
Oui, je suis devenue accro ! J’ai désormais un agent, Fanny Mainvielle chez UBBA. Cannes a bousculé les choses. Des réalisateurs se sont depuis approchés de moi, des sociétés de production aussi. Il y a des projets en cours et j’ai hâte de voir ce qui va se concrétiser.
Quelle est votre actrice préférée aujourd’hui ?
Zendaya et particulièrement dans Euphoria. J’adore cette série. C’est tellement profond et l’interprétation de tout le casting est dingue
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