Porté par les brillantes Melissa Barrera et Jenna Ortega, le nouveau Scream fait bien son job, mais sans génie, avec un fond théorique discutable.
L’idée la plus forte de ce Scream VI n’est pas de dépayser la franchise à New York : le film a été tourné à Montréal, et ne propose de fait aucun point de vue sur la ville réduite à un plan d’ensemble en ouverture et à une scène de métro (très sympa, ceci dit). Non, la vraie bonne idée, c’est de sortir un an après que le reboot de la franchise avec le cinquième Scream. Un an seulement, et déjà ! La preuve peut-être que Scream peut devenir un rendez-vous annuel, où l’on se réunit autour du slasher de la fin de l’hiver, voir des jeunes (et des vieux) se faire étriper par les nouveaux avatars de Ghostface. Pas un film surproduit du MCU tourné sur fond vert qui vient de passer deux ans à mouliner ses SFX. Moins comme un évènement que comme un jour férié. Pas l’Armistice (la vraie) mais le 11-novembre, soit la perspective d’un moment cool. Et de ce point de vue, c’est une réussite, puisque le film est franchement réjouissant en tant que tel : ça frappe et ça saigne très généreusement. Certaines scènes sont carrément chouettes : outre celle du métro, la baston dans une supérette, le final gentiment délirant qui connecte le film avec tous les précédents… Voilà, c’est du bon boulot de franchise. Sans génie, d’accord, mais on sent tout de même une saine envie de faire plaisir.
Mais quid du point de vue méta ? C’est un peu là où ça coince. Pas de Scream sans son passage obligé où un personnage énumère les règles de cinéma s’appliquant au film en cours. Ici, on affirme les "règles de la franchise", qui stipulent que "chaque film de la franchise doit dérouter" alors qu’une franchise est par définition le lieu de la répétition, de la reproduction (tout comme ce Scream VI qui reproduit quand même pas mal Scream 3 et est farci de musiques des précédents films – on entend deux fois Red Right Hand des Bad Seeds !) ; ou encore en affirmant que les personnages iconiques doivent mourir à l’écran pour que la série de films continue -avec des exemples comme James Bond ou Luke Skywalker… Bref, alors que les films précédents voyaient généralement juste, là, les règles sont complètement à côté de la plaque (petite antisèche : la franchise James Bond a tenu 60 ans sans jamais tuer son personnage principal ; et c’est Han Solo le bon exemple pour Star Wars).
Et que dire de cette prof de cinéma en intro qui dit que les clichés de cinéma d’horreur sont aujourd’hui "revisités par des auteurs" qui "donnent de la voix à ceux qui n’en n’ont pas" ? On se demande surtout si par ce dialogue les réalisateurs de Scream VI (et du précédent, et de Wedding Nightmare) ne parlent pas d’eux-mêmes -et c’est un poil gonflé, quand même. Impossible d’envisager Scream sans discours théorique sur le slasher ? Scream VI fonctionne mieux quand il capitalise sur sa propre micro mythologie -celle de Scream 5 en l’occurrence, et de ses deux héroïnes, les sœurs Carpenter, très bien campées par Melissa Barrera (hantée par le fantôme de son père et toujours sur le point de switcher en folie meurtière) et la déjà star Jenna Ortega. Elles sont tout simplement parfaites, et la nouvelle franchise Scream ferait bien de ne capitaliser que sur elles -et Ghostface, bien sûr- pour le futur. Ça tombe bien, on sait déjà qu’elles reviendront pour Scream 7 : on crée un jour férié pour mars 2024 ?
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