L'ex-patron des studios est ravi de revenir, et n'a cessé de critiquer la direction de son remplaçant depuis sa mise en place.
On a appris le week-end dernier le licenciement de Bob Chapek, qui était à la tête des studios Disney depuis début 2020, et le retour de son prédécesseur, Bob Iger, qui dirigeait la firme depuis 2005. Une surprise sur la forme (annoncer le remplacement immédiat du dirigeant d'une telle entreprise un dimanche est rare), mais pas tellement sur le fond, Chapek multipliant les scandales depuis son arrivée aux commandes de Disney. D'ailleurs, un portrait des deux hommes publié par le Wall Street Journal laisse entendre qu'Iger ne se cachait pas pour critiquer son remplaçant, au travail et en public. Cela lui arrivait même tellement souvent que "ça en devenait gênant", lit-on dans cet article fourni en détails précis. Il n'a d'ailleurs pas hésité à faire part de ses doutes et/ou de sa colère directement à des membres du "board", le comité prenant les décisions majeures chez Disney. Par exemple en leur répétant que son successeur "tuait l'âme de Disney".
Disney + gagne des abonnés mais perd encore beaucoup d'argentOn apprend ainsi qu'Iger n'était pas seulement en désaccords avec Chapek à propos du développement du service de streaming Disney+ au détriment des salles de cinéma (une idée justifiée en partie par la fermeture de ces dernières à cause de l'épidémie mondiale de Covid-19) : il le critiquait aussi pour avoir augmenté les prix des parcs d'attraction lors de leur réouverture. Fervent défenseur de l'idée que Disneyland, Disney World et les autres doivent rester accessibles aux familles de la classe moyenne, il n'a cessé de s'emporter contre Chapek à ce sujet. Ainsi qu'à son souhait de licencier les employés de ces mêmes parcs quand ils ont dû fermer temporairement leurs portes, sans leur offrir de compensation, ni de suivi de leur mutuelle. Cela était pourtant possible aux Etats-Unis en attendant quelques semaines la signature du "Cares Act" par le Congrès américain. Chapek, qui était jusqu'ici en charge de cette branche du studio, ne voulait pas patienter, si bien qu'Iger a fini par prendre cette décision à sa place en convaincant le "board" de ne virer personne avant que cette loi passe. C'était au tout début de la prise de pouvoir de Chapek.
Ce premier désaccord fut donc suivi de celui concernant la mise en ligne de plusieurs blockbusters de la firme sur Disney+, notamment de la production de Marvel Black Widow, qui a entraîné la colère de sa star, Scarlett Johansson. Celle-ci devait toucher des bonus en cas de succès au cinéma, mais les paliers notifiés dans son contrat étaient impossible à atteindre avec ce type de diffusion mi-cinéma/mi-streaming. Faisant ouvertement part de sa colère, elle a poussé Bob Chapek et ses collègues directes à traiter ce conflit rapidement pour ne pas perdre la face publiquement. Sans compter que cette stratégie de la mise en avant du streaming a ses limites : si Disney+ a mieux démarré que prévu, la plateforme ne sera rentable qu'en 2024, car pour l'instant, ses coûts de production sont plus élevés que la hausse de ses abonnements : les séries de Marvel et de Star Wars coûtent notamment cher à produire, ce qui explique cette perte d'argent malgré de bons résultats.
Il y a aussi la polémique liée à la proposition de loi "Don't say gay" en Floride, qui avait été soutenue financièrement par Chapek. En voulant se justifier auprès de ses employés, il s'est pris un retour de bâton important de la part d'artistes de chez Pixar, qui accusaient la direction de toujours chercher à censurer le moindre élément LGBTQIA+ dans leurs films d'animation. Là aussi, le patron a fait machine arrière et quelques jours après, une scène coupée de Buzz l'éclair, montrant un couple de lesbiennes, a été restaurée.
La dernière sortie controversée de Chapek concerne son approche du cinéma d'animation, l'une des branches phares de Disney. En plus de sortir une partie des Pixar récents directement en streaming (Luca, Soul, Alerte rouge), il a expliqué en octobre que selon lui, Disney n'avait pas vocation à faire des films d'animation pour adultes, justifiant dans une interview vidéo au Wall Street Journal : "Je dis toujours qu'une fois que notre public a mis au lit ses enfants, après avoir regardé Pinocchio, Dumbo ou La Petite sirène, ils ne vont sans doute pas se remettre un film d'animation. Ils voudront un programme pour eux." Ces propos ont été reçu par une bonne partie des fans des productions Disney comme prouvant le décalage total entre la vision de l'homme à la tête du studio par rapport à ce que la firme proposait au public depuis des décennies. Et donc par rapport à ce que les spectateurs attendent d'un "film Disney". Sans compter que cette annonce s'est accompagnée d'une autre concernant de nouveaux licenciements imminents en interne.
Toutes ces histoires ont vu chuter Disney en bourse : début novembre, le cours de l'action passait pour la première fois en dessous de la barre symbolique des 100 dollars. Depuis la réembauche d'Iger, celui-ci a réaugmenté de 8%. L'article précise que le "board" songeait à faire remplacer Chapek depuis février, au moment du scandale de "Don't say gay", et que cette décision a finalement été prise dans la semaine juste avant la date de l'annonce, le dimanche 20 novembre. Bob Iger s'est vu offrir le poste le vendredi 18 novembre, et il a accepté dans la foulée, ce qui explique pourquoi l'annonce a été faite durant le week-end. Il a immédiatement écrit à ses équipes, et communique depuis sur son bonheur d'être de retour aux commandes du studio sur les réseaux sociaux, comme par exemple aujourd'hui sur Twitter : "Je suis rempli de gratitude et d'impatience du fait d'être de retour chez Disney."
Filled with gratitude and excitement to be back @WaltDisneyCo! pic.twitter.com/HJYs0FAOVR
— Robert Iger (@RobertIger) November 28, 2022
On ne sait pas encore si les licenciements annoncés il y a quelques jours par Bob Chapek seront maintenus par Iger, qui a pour l'instant viré une personne du groupe : Kareem Daniel, le responsable de son pôle média. A 71 ans, il devrait cependant rester seulement quelques mois aux manettes, le temps de faire le lien avec le ou la futur boss de la firme.
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