La presse US dézingue massivement la nouvelle comédie de la plateforme. À juste titre ?
Seulement 15% d'opinions favorables sur Rotten Tomatoes, ça pique... Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Insatiable n'a pas été chaleureusement accueillie par la critique, depuis sa sortie, vendredi dernier sur Netflix. La nouvelle comédie adolescente déjantée de la plateforme avait pour ambition de frapper un grand coup dans un genre trop souvent aseptisé.
Manque de bol, les reviews y ont vu "une satire absolument inélégante, qui échoue à faire passer le message progressiste qu'elle défend sur l'image du corps et du poids", si l'on en croit Daily Beast. Le problème serait, selon Vanity Fair, "qu'Insatiable est une tentative extrêmement pauvre de traiter de sujets sociaux importants, épineux, endémiques". Plus dur encore, le Hollywood Reporter a été navré en voyant "un humour au ras des pâquerettes, avec des blagues de cul et des blagues gay lamentables, ou des blagues sur le physique de grande classe."
Il faut préciser qu'Insatiable raconte l'histoire de Patty, une jeune adolescente obèse, qui ne pense qu'à se goinfrer. Elle se fait martyriser au lycée... jusqu'au jour où elle perd 30 kilos, se transforme en lolita atomique, et décide de se venger de tous ceux qui l'on fait souffrir, en se lançant dans des concours de miss. Le thème est pour le moins sensible, dans un pays où 65% de la population - et 63% des filles âgées de 11 ans et plus - est en surpoids. Et la créatrice Lauren Gussis (une ancienne de l'équipe de Dexter) a choisi de le traiter d'une manière ostensiblement satirique. Sauf que les Américains ne l'ont pas vu ainsi et ont pris Insatiable "pour un bordel offensant, qui va même au-delà du "Fat Shaming" '(l'humiliation des personnes en surpoids)", accuse Business Insider.
C'est sûr, la blague a été mal reçue. Ou mal comprise. En tout cas, elle fait tellement peu rigoler outre-Atlantique, que l'actrice Alyssa Milano a été obligée de monter au créneau pour défendre le show : "Ce n'est pas pour tout le monde, effectivement", admet-elle dans Vanity Fair. "Mais notre but n'était pas de choquer. Cette série est beaucoup plus que ce que la bande-annonce ne montre. Nous ne faisons pas de fat-shaming sur le personnage de Patty. Au contraire, ironiquement, la série veut montrer qu'il ne faut pas juger un livre par sa couverture. On porte un regard satirique sur ce qui se passe si vous vous moquez du physique des gens, que vous les humiliez ou que vous les intimidez. On montre comment ce traumatisme affecte leur vie. On montre aussi comment le regard des autres peut être trompeur, on travaille sur l'image qu'on a de son corps, cette obsession d'une validation extérieure et le désir de combler un vide en nous."
Des maux que la créatrice a d'ailleurs connu personnellement, comme elle le raconte au Hollywood Reporter dans une interview confession : "Je voulais aborder tous ces problèmes par le biais de la comédie. Mais j'ai moi-même lutté contre chacun des problèmes rencontrés par ces personnages -allant des troubles alimentaires à la dysmorphie corporelle, à la sexualité (...) C’est la réalité sur ce qui se passe." Et la créatrice de regretter si la réaction affligée des critiques : "Je pense que nous sommes vraiment en danger de censure si nous décidons que nous devons tous raconter des histoires d’une certaine manière pour que tout le monde se sente en sécurité."
Alors Insatiable est-elle le sale comédie lourdingue et ratée que décrit la presse ? Ou une mordante satire incomprise ? Comme souvent, la vérité se trouve certainement entre les deux. Impossible de croire qu'on puisse prendre cette comédie adolescente au premier degré, tant les décors en carton pâte et la direction éminemment grotesque pointent vers une farce pure et dure. Avec ses personnages de cartoon, volontairement caricaturaux, et des intrigues aussi frivoles que loufoques, Insatiable titille de manière évidente le seuil de tolérance du téléspectateur, jouant la carte de la provocation mordante, pour faire passer ses messages.
Sorte d'anti-13 Reasons Why, la série a la même ambition, celle de parler de harcèlement, d'humiliation, de superficialité, de quête d'identité sexuelle, et de mal-être en général. Et pour être entendu, elle mise donc sur du politiquement incorrect. Soit. Là n'est pas vraiment le problème. Il se situerait plutôt à l'autre bout de la polémique. Les auteurs d'Insatiable ne sont sûrement pas allés assez loin dans la satire, pour qu'elle soit aussi percutante qu'ils l'auraient manifestement souhaité. Les répliques sont bien trop molles, la vengeance bien trop gentille et la blague finit par tomber à plat. Reste une petite galéjade inoffensive, rendue attachante par deux ou trois seconds rôles inattendus.
Insatiable - saison 1 - 12 épisodes - depuis le vendredi 10 août sur Netflix.
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