La plateforme Peacock se lance avec une adaptation somptueuse et très ambitieuse d'Aldous Huxley, même si elle a encore besoin de donner du sens à son propos.
On a du mal à imaginer que cette histoire a été écrite il y a près d'un siècle. Et pourtant, c'est bien en 1931 - dans le sud de la France - que le Britannique Aldous Huxley imagine ce Meilleur des Mondes, son grand roman d'anticipation adapté aujourd'hui en série par Peacock. Brave New World est la série à gros budget censée aider la petite nouvelle du streaming à prendre son envol. En effet, depuis le 15 juillet (seulement en Amérique pour le moment), il y a nouvel acteur sur ce marché déjà bien saturé. Développée par NBCUniversal, Peacock va essayer de se faire une place aux côtés de Netflix, Amazon, Disney + et autre HBO Max, grâce à quelques créations originales. A commencer par Brave New World, dont la première saison (en 9 épisodes) a été mise en ligne le jour du lancement.
Transposition relativement fidèle du roman de Huxley, elle nous emmène à New London, dans une société futuriste, qui a totalement changé les règles de la vie en société, telle que nous la connaissons. La reproduction et la maternité ont été abrogés tandis que les êtres humains sont tous créés en laboratoire, les embryons conditionnés au moment de leur développement, ce qui les prédestine à telle ou telle caste allant des Alphas (les leaders grands, forts, intelligents) aux Epsilon (de la main d'oeuvre pas très éclairée). Ce déterminisme poussé à l'extrême permet d'assurer une stabilité totale au sein de ce monde qui ne connaît plus de violence, de pauvreté, et offre à tous ses citoyens un bonheur total permanent, grâce au Soma, une petite pilule magique. Ainsi, chaque élément de la société est heureux et ne revendique rien. La monogamie et a fortiori la famille et le mariage sont interdits, mais la solitude est perçue comme une attitude suspecte. D'ailleurs, il est fortement recommandé de participer pleinement à la vie sociale, en prenant son pied avec autant de partenaires que possible... A l'extérieur de New London subsiste un monde sans Soma, dans lequel des "sauvages" continuent à vivre au sein de l'ancien monde, délimité par de hautes barrières électrifiées. Ils ont gardé ce mode de vie primitif que l'élite de New London vient visiter de temps à autre, comme on fait un safari.
Le roman de Huxley était incroyablement révolutionnaire lorsqu'il a été publié il y a 90 ans. Aujourd'hui, ces thématiques d'un futur utopique ont déjà été largement explorées par la télé et le cinéma. Si l'on ne peut pas dire que Brave New World soit d'une folle originalité, elle n'est reste pas moins un exercice de SF réussi et fascinant. D'abord parce que la série est visuellement magnifique. Le monde d'après-demain, dessiné ici dans les moindres détails, est tout simplement beau. On explore avec envie cette société du futur aussi alléchante que flippante.
Même si la mise en scène est parfois ostentatoire, surtout lorsque le show empile les scènes de partouze, toutes les 5 minutes, comme pour prouver que Peacock est bien une plateforme de streaming et que ses séries originales peuvent dire "fuck" et montrer des gens nus. La narration aussi a quelque chose de schématique, notamment dans la représentation de ses castes ou de ses héros, qui préfèrent "ressentir" plutôt que de rester dopés au bonheur du matin au soir. On comprend très vite où les scénaristes veulent en venir, à travers l'évolution de Bernard Marx et Lenina Crowne, les protagonistes du roman original repris par la série. Mais on se laisse guider béatement dans cette ambiance SF pur jus, qui progresse avec rythme. Le solide casting (tiens, revoilà Demi Moore) y est pour beaucoup, de Harry Lloyd (l'ancien Vyseris de Game of Thrones) à Alden Ehrenreich (l'ancien Solo de Star Wars), en passant par Jessica Brown Findlay (l'ex-Sybil Crawley de Downton Abbey).
Et puis sous la houlette d'un ancien de Black Mirror (le réalisateur et producteur Owen Harris) - vers laquelle Brave New World lorgne manifestement - la série Peacock étale ses thèmes dystopiques excitants. Elle a beaucoup à dire et ouvre une immense discussion sur l'aseptisation de notre société et le monde que nous voulons léguer à nos enfants. On regrette cependant que les auteurs n'aillent pas véritablement au bout de leurs idées. Trop frileuse sur le fond, on ne sait pas vraiment, à l'arrivée, ce que Brave New World veut nous dire, ni ce en quoi elle croit. Un peu embêtant, pour un conte futuriste aux accents tellement politiques.
Brave New World n'a pas encore de diffuseur en France.
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