DR

True Detective S02E02 - Review : un vrai putain d'épisode

Avec Night Finds You, les choses sérieuses commencent enfin pour la saison 2 de True Detective. Attention, spoilers.On ne va pas se mentir, le premier épisode de la saison 2 de True Detective nous avait sacrément cassé les joyeuses, avec son enfilade de personnages clichés (le flic alcoolo, le vétéran aux cicatrices) ou over the top (Antigone et son background complètement taré à base de père gourou et de sœur pornstar, coucou la sur-écriture), une implication grossière des premiers rôles (Taylor Kitsch trouve le cadavre en roulant au pif dans le noir - sérieusement ?). Une grosse déception par rapport à la première saison du show où l'ouverture était un modèle de mélange savamment dosé d'exposition et d'excitation. Mais là, boum. Enfin un vrai épisode. Enfin de l'écriture, de la mise en scène, bref de la direction. Et une vraie envie de voir la suite. Après un prologue entre chien et loup, très long et plutôt beau, où Vince Vaughn se livre à Kelly Reilly à travers une confession nocturne.Une belle transition plus tard - on passe du visage de Vince à celui d'un corps aux yeux dévorés par l'acide -, autour de l'autopsie du cadavre de Ben Caspere, une série de flash-backs consacrés à l'implication des trois flics (Colin Farrell, Rachel McAdams et Taylor Kitsch) dans l'enquête permettent de voir à peu près où on se dirige. La scène où se déploient enfin l'enjeu que la saison nous promet en bon avatar pulp, donc dégénéré, de The Wire : l'autopsie d'une ville imaginaire au bord de la banqueroute, d'un bout de béton de Los Angeles un peu pourri. Ni plus, ni moins que les autres. Pas surprenant, tout y est corrompu de façon normale - des enfants jouent dans un réservoir inondé de flotte toxique, et un chef mafieux deale avec le maire autour de casinos et d'argent sale sans que personne n'y trouve à redire. La ville de Vinci prend mieux forme, à travers des plans aériens récurrents qui captent un peu de la beauté étrange de L.A., ville-Moloch qui paraît infinie, plantée d'usines illégales et de maisons qui prennent la flotte. On a déjà vu ça un peu partout mais qu'importe, ça marche. Et Paul (Taylor) prend enfin une meilleure dimension que dans l'ouverture, avec son passé brutal de mercenaire (et pas soldat, ce qui change pas mal de choses) en Afghanistan enfin évoqué et son homosexualité enfin mise en évidence.L'épisode confirme certes quelques craintes de l'ouverture : la caricature référentielle des seconds rôles - le maire alcoolo (joué par un acteur de Luck qui semble encore noyer dans la picole l'arrêt de la série de Michael Mann), la gentille serveuse balafrée venue de Jane the Virgin, Rick Springfield dans une version pervertie de son rôle dans le soap Hôpital Central. Et sans oublier la marque de fabrique de la série, de longues discussions en bagnole entre les héros - ici Antigone et Ray - qui copient évidemment celles de la Saison 1 entre Rust et Hart, sans en atteindre la densité (on y apprend l'opinion de Colin sur la cigarette électronique, qui "ressemble trop à sucer la bite d'un robot"). OK, on tolère ça sans trop d'ennui car l'enquête progresse peu à peu, tout en ressemblant à un joyeux pompage de David Simon (l'autopsie par le serial, le QG des héros qui évoque la Saison 1 de The Wire) et de James Ellroy (Le Grand Nulle Part, bien sûr). Les choses prennent corps, des visions apparaissent - les dents en or d'un mafieux gravées des lettres FUCK YOU. Et alors que l'avant-dernière scène fait écho à celle du premier pour nous faire nous sentir encerclés (le bar dépressif et sa guitare sèche), double boum. Un vrai putain de cliffhanger qui nous frappe à la gorge, par surprise, complètement excitant. Un final intelligent qui pourra se révéler extrêmement payant s'il confirme son audace. La nuit vous trouvera, promet le titre de l'épisode. La saison 2 commence pour de bon et avec un peu de chance, grâce à cet épisode, l'ouverture ressemblera de plus en plus à un vilain rêve.Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)