The Program, de Stephen Frears, sera diffusé ce soir à 20h55 sur Canal +. Rencontre avec son acteur principal.
L'été dernier, Première rencontrait Stephen Frears et Ben Foster juste avant la sortie de The Program, portrait réussi du coureur cycliste Lance Armstrong. Voici le long entretien accordé par le comédien phare du film, à l'occasion de la diffusion ce soir du film sur Canal +. Depuis, le réalisateur a tourné Florence Foster Jenkins, avec Meryl Streep en cantatrice qui chante faux, qui est sorti mercredi au cinéma.
Ben, que représentait Lance Armstrong pour vous avant qu’on vous propose de l’incarner dans The Program ? Rien du tout. J’avais vaguement entendu dire que c’était un grand champion, qu’il avait gagné le Tour de France… J’ai eu très peu de temps pour me préparer pour le film. J’ai rejoint un centre d’entraînement dans le Colorado, avant de rencontrer des gens qui avaient côtoyé Armstrong : son nutritionniste, son mécanicien… J’ai cherché à comprendre le « Programme ». Puis à appliquer le « Programme » sur moi.
C’est à dire ? Transformer mon corps, trouver la bonne posture sur le vélo, ne faire qu’un avec le bitume. Essayer des produits dopants – en toute sécurité, hein. Il fallait que je le fasse, que je comprenne ce que les produits dopants font sur l’organisme. Mais je préfère ne pas trop entrer dans le détail, parce que je n’ai pas envie de faire de la pub pour ces drogues. Je n’ai pas fait ça n’importe comment, j’étais sous surveillance médicale. Mais je peux le dire : ces trucs sont efficaces. The drugs work !
The Program fait de Lance Armstrong un grand personnage de cinéma
Et Armstrong lui-même, vous en pensez quoi ? C’est un salaud, un héros, les deux à la fois ? Au début, j’étais obsédé à l’idée de l’approcher, de lui parler. J’avais du mal à envisager travailler sur ce rôle sans lui. J’ai joint certains de ses proches, de ses conseillers, et je sais qu’il était dans la pièce à côté d’eux quand je leur parlais, je pouvais l’entendre murmurer à l’autre bout du fil. Je comprends qu’il n’ait pas souhaité me rencontrer, je ne peux pas lui en vouloir. J’ai fini par me faire cette image-là de lui : c’est un homme qui a survécu au cancer, qui a affronté la mort. C’est comme revenir de la guerre : ta perspective sur la vie n’est plus du tout la même. Vous imaginez ? Voici un type ressuscité, revenu d’entre les morts, qui soigne des malades et des miséreux, puis accomplit des exploits incroyables… C’est Jésus Christ ! L’Amérique ne pouvait que tomber amoureuse de ce mec. C’est presque impossible d’avoir un jugement moral sur Armstrong : oui, il a parfois été menaçant pour protéger son empire. Mais en même temps, sa fondation sauvait des vies ! Plus je me documentais, plus l’histoire prenait des proportions mythologiques. Et moins j’avais envie de le juger. Ça m’a fasciné.
Stephen Frears décrit Armstrong comme un « psychopathe »…Mouais. C’est un peu réducteur, non ? Je suis sûr que Stephen dit ça en rigolant. C’est juste une preuve supplémentaire de son sens de l’humour tordu… Réduire un être humain aussi complexe qu’Armstrong a un mot comme « psychopathe », c’est simpliste. Idiot.
Stephen Frears : "Lance Armstrong est un genre de génie du crime"
Il y a cette scène fascinante dans le film, à l’hôpital, face à l’enfant malade, où vous passez en un clin d’œil du cynisme à la compassion… Comment on joue ça ?C’est le moment où les masques tombent. C’est en effet le thème du film qui me passionne le plus – la dualité. J’aurais bien aimé qu’on s’attarde un peu plus là-dessus d’ailleurs. J’ai rencontré des gens qui m’ont dit que leur enfant cancéreux avait reçu un coup de téléphone d’Armstrong qui avait duré deux heures. Deux heures ! Ça en dit beaucoup sur la force de son engagement, sur sa foi dans la volonté humaine. Ceci dit, je devais aussi garder en tête l’idée que, d’une certaine façon, Lance est le meilleur acteur du monde…
Justement, vous avez étudié ses « performances » d’acteur ? Sur les plateaux télé, en conférence de presse, dans le doc Le Mensonge Armstrong ?J’ai tout vu. Tout. Mais je n’ai pas envie de m’attarder là-dessus. Lance Armstrong n’a pas besoin de savoir comment j’ai mis la main sur certains de ses home-movies…
The Program fait de Lance Armstrong un grand personnage de cinéma
Le film est réalisé par Stephen Frears, écrit par John Hodge (le scénariste de Danny Boyle), et raconte l’affaire du point de vue de David Walsh, journaliste au Sunday Times. On sent tout au long du film l’ironie d’une bande d’Anglais qui se foutent de la gueule d’Américains rendus mabouls par le désir d’être les meilleurs. Vous le voyez comme ça vous aussi ? Si je le vois comme ça ? J’avais ces Anglais sur mon dos pendant tout le tournage ! Ils se foutaient de ma gueule QUOTIDIENNEMENT ! « Ah, vous, les Yankees, avec vos drogues, votre esprit de compétition à la con » Etc, etc. Ils ne se sont pas gênés. Du coup, en réaction, j’ai eu envie de défendre ce goût de la compétition. Je n’avais pas envie de m’excuser pour les Américains. J’ai épousé le point de vue de Lance.
Mais, personnellement, vous avez cette rage de gagner en vous ? Non, je n’ai pas envie d’être le numéro 1. Mais je veux être le meilleur à mes yeux. Mon moteur, c’est : est-ce que j’ai trouvé des réponses aux questions que je me posais avant le tournage ? Est-ce que j’ai compris quelque chose ? A quoi ça m’a servi de prétendre être quelqu’un d’autre ? Je n’aime pas spécialement gagner. Juste raconter des histoires. Interview Frédéric Foubert
The Program de Stephen Frears avec Ben Foster, Guillaume Canet, Chris O'Dowd sort le 16 septembre.
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