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Après le monumental Un prophète en_2009, fi lm somme qui synthétisait les obsessions de son auteur et creusait un fossé insondable avec la concurrence, on se demandait quelle direction allait bien pouvoir emprunter Jacques Audiard. Face à un chef-d’oeuvre aussi terrassant, on connaît des cinéastes qui seraient restés muets, tétanisés, ou qui auraient passé le reste de leur carrière à bégayer. Pas lui. Trois ans plus tard (à son rythme, donc), il revient avec un nouveau long métrage en forme d’uppercut. Le titre sonne comme celui d’un polar, mais il s’agit en fait d’un mélo pur et dur, tourné sous le soleil d’Antibes et noir comme le charbon. Une love story patraque et détraquée, comme si son auteur, dix ans après, reprenait les ingrédients de Sur mes lèvres pour les chauffer à blanc, les porter à une forme d’incandescence paroxystique. Une fois encore, Audiard filme le récit de la rencontre de deux solitudes, de deux éclopés de la vie, comme on dit sur les quatrièmes de couverture des romans de gare. Sauf qu’eux sont littéralement éclopés. D’un côté, une dresseuse d’orques amputée des deux jambes à la suite d’un accident dans un parc aquatique ; de l’autre, une armoire à glace qui bousille ses poings et sa gueule dans des combats de boxe clandestins. Boy meets girl : elle veut se reconstruire, il ne sait que démolir. On imagine très bien le genre d’effrayante romance tire-larmes qu’un autre aurait pu tirer de cette histoire de destins fracassés. L’un des coups de génie du cinéaste consiste à plonger cet argument romantique dans un récit gigogne et dynamique, insaisissable, qui change de braquet en permanence, flirtant avec les ombres du fi lm noir et du drame social hardcore, mais sans jamais s’y abandonner totalement. Dans De rouille et d’os, on ne sait pas vraiment où on est, où on va, ni à quoi va bien pouvoir ressembler la scène suivante (un indice : elles sont toutes plus couillues les unes que les autres). Cette matière narrative monstre, toujours en mouvement, Audiard la malaxe avec un art qui n’appartient qu’à lui, celui d’un maître très sûr de ses effets et sans égal en France : direction d’acteurs tuante, économie et musicalité inouïes des dialogues, puissance infernale du montage, capacité à planter un décor en quelques notations impressionnistes foudroyantes... Le tout au service d’un nouveau portrait rageur et brutal de la condition humaine, qui laisse le spectateur vidé, sonné, exsangue. K.-O. debout
Toutes les critiques de De rouille et d'os
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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La révélation de Bullhead (Matthias Schoenaerts) + le réalisateur d'Un Prophète + une belle histoire d'amour + Marion Cotillard = tous au cinéma !
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Audiard fait rimer poésie et réalisme, larmes et fous rires, cris et silences. Porté par la maestria de sa mise en scène, De Rouille et d'Os redonne au mot émotion souvent galvaudé toutes ses lettre de noblesse. Jusqu'ici les films d'Audiard impressionnaient. Pour la première fois, l'un d'eux nous touche. Profondément, puissamment. Ineffaçable.
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Il a du style, Jacques Audiard. Nerveux, grinçant, sans fioritures. Une façon de faire bouger sa caméra à hauteur d'homme, de jouer avec la lumière et les flous, d'aller à l'essentiel, de rythmer les images sans perdre une seconde. "De rouille et d'os" (...) est âpres, brutal, sensible. Une belle histoire d'amour, toute en émotion et en noirceur (..)
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De rouille et d’os est un film impressionnant de maîtrise, d’intensité et, finalement, de simplicité.
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Une nouvelle fois, Audiard impressionne. Pas seulement pour l’émotion que suscite cette confrontation entre l’apparence animale et l’authenticité du cœur, clin d’œil au mythique « Freaks », de Tod Browning. Sublimé par deux splendides comédiens, « De rouille et d’os » impose un lyrisme, celui de la musique, celui d’une image étrange, extravagante, expressionniste (...), qui prend le pouvoir sur un réel tragique, jusqu’à l’ennoblir.
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Comme dans les grands films hollywoodiens d'hier (John Huston) et d'aujourd'hui (Clint Eastwood), c'est le sort des héros qui passionne. Audiard est grand dès lors qu'il suit à la trace les corps blessés de ses deux paumés.
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Jacques Audiard filme ces deux destins cabossés avec le talent qu'on lui connaît pour tirailler nos émotions en scrutant l'âme de nos contemporain. (...) flirtant avec le pathos sans jamais y tomber malgré un sujet difficile et parfois d'une violence à la limite du supportable, le réalisateur capture ici la vie dans ses moindres craquements.
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Un hymne à la vulnérabilité traverse le cinéma d'Audiard dans De Rouille et d'Os. Le jury cannois risque de s'y montrer sensible. Comme nous.
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Emaillé de scènes violentes et de purs moments de grâce, le film d'Audiard bouscule autant qu'il chavire et laisse comme un goût amer. On en sort la boule au ventre, mais que ce mélodrame, méditation douloureuse sur la vie et l'amour et bon et lumineux !
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Par pudeur et par instinct, Audiard exprime l'essentiel entre les lignes et entre les images. Avec une évidence que l'on rencontre rarement, il capte des morceaux de vie dans un hasard organisé (...). A bien des égards, Audiard envisage le cinéma comme une réinterprétation du monde. Son inspiration est sombre, son art lumineux.
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Une fois encore avec "De rouille et d'os", servi par une éblouissante maîtrise de récit et de rythme, [Audiard] dit comment des héros très discrets mais seuls, amputés du bonheur, vont réagir et se réparer. (...) De battre, devant ce film âpre et sensuel, nos coeurs ne sont pas près de s'arrêter.
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Après "Les Adieux à la reine", de Benoît Jacquot, "De rouille et d'os", de Jacques Audiard, devient le second meilleur film français de l'année. (...) Marion Cotillard est magnifique, Matthias Schoenaerts intense, l'intrigue charrie un romanesque à la fois doux et rugueux (...). Du mélo revisité, assumé, sublimé.
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Une ombre de "Strada", un reflet de "Fight Club", une pincée de frères Dardenne, le tout shaké par l'énergie cinématographique d'Audiard, et vous aurez une petite idée de ce cocktail de "rouille et d'os", et de talents.
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Inspiré par deux nouvelles de Craig Davidson, Jacques Audiard pousse tous les curseurs à fond et revendique la fable "expressionniste" sur fond de difficultés sociales et de temps de crise. Il signe un superbe long métrage porté par deux acteurs hors normes, Marion Cotillard, à fleur de peau, qui se dépasse une fois encore, et Matthias Schoenaerts, force de la nature, innocent, et follement attachant. Un grand film bouleversant sur un formidable retour à la vie.
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Concentré sur ses personnages qu'il filme de très près, le cinéaste ne s'attarde pas sur des paysages, mais sculpte d'abord les corps et des blocs de couleur (...) Esthétiquement, le film fait penser au fauvisme et assume ainsi son caractère de mélodrame flamboyant.
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Aux larmes, à l'émotion Audiard préfère du brillant, de la stylisation, mais aussi du brutal, comme aurait dit son père, Michel, de deux personnages bigger than life qui "enchantent le réel".
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Tout est bien dans "De rouille et d'os", sauf cette petite faute de goût qui ternit tout : c'est un chef-d'oeuvre. C'est du moins dans cet esprit qu'il a été conçu et c'est naturellement cet esprit qui l'empêche de l'être.
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La roublardise et le maniérisme du réalisateur ne se sont pas miraculeusement évaporés, son goût pour les effets un peu chic et mode non plus. Tout au plus trouve-t-on dans "De rouille et d'os" une forme d'optimisme salvateur qui viendrait faire la nique aux improbables coups du sort qui s'acharnent sur les héros de ce drame souvent trop démonstratif.
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On retient son souffle à l'image de nos deux acteurs qui fluidifient un scénario un peu mécanique. On apprécie la mise en scène magistrale qui finit de convaincre sans pour autant enthousiasmer.
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Après le choc d'Un Prophète, Audiard frappe fort avec ce film d'un réalisme cru et brutal. Cotillard sans make-up, se met à nu, au propre comme au figuré. On ressort de cette singulière histoire d'amour groggy, mais heureux.
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La manipulation est totale, et sous la joliesse des détails de mise en scène, ne recule devant aucune contradiction : finalement aussi inconsistant que son personnage, ce film-là est "opé".