Première
par Frédéric Foubert
C’est un film qui donne l’impression d’avoir été conçu dans la foulée des Filles du Docteur March version Greta Gerwig. Littérature, sororité, place des femmes dans l’histoire des arts… L’époque, post-MeToo, se pose des questions et se tourne vers les grandes héroïnes du XIXème siècle, Jo March ou Emily Brontë, pour mieux y répondre. Mais Emily est tout sauf un film de circonstance. C’est au contraire un dream project que nourrit depuis longtemps son autrice, l’actrice Frances O’Connor (croisée dans Mansfield Park ou A.I. Intelligence artificielle), passionnée par Les Hauts de Hurlevent, le chef-d’œuvre de Brontë, depuis l’adolescence, et qui réalise pour la première fois. Les spécialistes tiqueront sans doute devant certains libertés prises avec la vérité historique (la romance passionnelle décrite ici entre Emily Brontë et un prêtre sexy joué par Oliver Jackson-Cohen est apparemment sujette à caution) mais une scène au début du récit, flirtant avec le fantastique, indique d’emblée que nous ne sommes pas face à un biopic lambda, plutôt une évocation poétique, où l’écoféminisme se teinterait de magie, des passions qui dévoraient l’âme de la jeune écrivaine, morte à trente ans, en 1848. L’arme fatale du film, c’est son interprète, Emma Mackey, de qui O’Connor semble totalement éprise, captant en gros plans obsédants son magnétisme frondeur, ses yeux intimidants qui expriment si puissamment la haine de la bêtise et du conformisme. Grand film d’actrices, des deux côtés de la caméra.