Première
par Thomas Baurez
C’est une histoire d’amour. Une histoire d’amour pas comme les autres, pourrait-on préciser. Mais puisque ça ne veut pas dire grand-chose, on s’en passera. Un mélodrame, c’est par essence au-dessus de tout, des conventions, des humeurs, de la morale... En cela, le long métrage de Danielle Lessovitz (son premier) pourrait paraître presque conventionnel. Soit l’histoire de Paul (Fionn Whitehead découvert dans Dunkerquede Nolan), un white boy qui tente de joindre les deux bouts à New York et se retrouve ainsi à racketter de mauvais payeurs. Paul rencontre Wye par hasard. Elle danse, elle est belle, elle est noire, elle vit au sein d’une famille « voguing » qu’elle s’est recréée. Il l’observe un peu à distance, forcément. Coup de foudre. Traversée du miroir. Voilà Paul enfin admis dans une famille. Et puis vient le temps des révélations (le job à la con de Paul, la vraie identité de Wye) et donc, des déceptions. Tout ça est filmé très près des corps, dans l’intimité cloisonnée de petits appartements de Harlem. Port Authorityest un film immensément charnel où le désir s’exprime avec intensité. Dommage que Danielle Lessovitz divise en revanche son scénario, traçant une frontière peu poreuse entre des Blancs hétéros bas du front et une faune interlope forcément plus humaine. Reste Paul qui évolue, perdu, d’un monde à l’autre. Face à lui, Wye (formidable Leyna Bloom, mannequin et actrice transgenre) sait où est sa place, du moins celle qui lui sert de port d’attache pour poursuivre ses rêves. Le film, présenté lors du dernier Festival de Cannes, est une réussite.