- Fluctuat
Le dernier Mocky est une adaptation d'un roman noir de William Judson qui imagine que les grands de ce monde, actuels et passés (hommes politiques, papes ) morts dans des conditions inexpliquées, ont en fait été assassinés par une communauté de justiciers à l'apparence aussi inoffensive que bonhomme vivant au coeur de la forêt et ne sortant de leur Eden que pour accomplir leurs funestes tâches.
On l'aura compris, le sujet est un pretexte en or pour faire décliner sous nos yeux la foire aux " monstres humains ". Personne n'echappe au scalpel du caricaturiste mordant qu'est Mocky : ceux qui régissent les différentes instances de pouvoir (petits arrangements, intérêts personnels) comme ceux qui réagissent de façon sanguinaire à cela. On pense à Solo dans lequel le réalisateur met les choses au clair avec une certaine jeunesse anarchiste engagée dans l'action terroriste. Le plaisir de mettre en scène le polar de Judson est visible et l'on assiste à un défilé de " gueules " accompagné d'une sirupeuse ritournelle, la musique et la drôlerie humaine utilisées comme un contrebalancement ironique à la noirceur du propos. Mocky-Daumier force le trait, s'amuse tout en traitant de la conscience politique au sens large (la vie de la cité).Le réalisateur est un boulimique de travail. Attentif à l'actualité, un fait divers peut l'amener à élaborer un film. Le genre utilisé est souvent celui de la comédie ou du polar, registres dits mineurs mais qui se prêtent avec efficacité au contact du public ( "Le genre policier permet un enchevêtrement de péripéties, basées sur des faits réels ou inventés, qui en font un spectacle plaisant pour tout public quel que soit son niveau intellectuel"). D'où cet attachement à la série B. Mieux vaut un très bon steak haché frites qu'un plat fin raté, a-t-il dit. Tout est calme n'échappe pas à la règle, il possède même toutes les particularités du film mockien puisqu'en plus il est peu distribué (cinq salles dont la sienne, le Brady, à Paris).En attendant une rétrospective dans laquelle on pourrait découvrir ou revoir des petits bijoux de causticité comme Snobs, Chut, Le Roi des Bricoleurs, les aficionados de Mocky peuvent lire Jean-Pierre Mocky de René Prédal (L'Herminier, éditions des quatre vents) et Jean-Pierre Mocky-Gaston Haustrate, Dialogues (Edilig) dont voici un extrait :
" En fait, je crois que je suis l'un des derniers, sinon le dernier pamphlétaire du cinéma français. Ca n'est plus possible d'être et de rester un cinéaste en colère, que si on se distingue du confort où s'engluent la plupart des cinéastes d'aujourd'hui. L'art doit s'élaborer dans la difficulté. Croyez-vous que c'est un discours qui puisse être entendu des jeunes cinéastes de demain ? ".Stéphane LepreuxTout est calme
De Jean Pierre Mocky
Avec Julie Fournier, Julien Gueris, Jean-Pierre Mocky, Patricia Barzyk
France, 1999, 1h20.
Tout Est Calme