Pour fêter 2010, tous les jours jusqu'au 31 décembre, Premiere.fr revient sur l'année cinéma avec ceux qui l'ont faite. Aujourd’hui, rencontre avec le cinéaste Jaco Van Dormael .Par François Grelet“ Je n’avais pas réalisé à quel point le cinéma était une industrie impitoyable”Jaco, Mr Nobody a coûté un peu plus de 30 millions d’euros, au final il a fait moins de 150 000 entrées/France, Vous avez mis la barre assez haute en terme d’échec financier là, non?C’est un échec financier. Mais de mon point de vue, le film est tout sauf un échec. C’est le film dont je suis le plus fier, celui que je considère comme le plus apte à faire évoluer le langage cinématographique. Ce qui est la raison pour laquelle je fais des films. Je ne dis pas que le film est une révolution, mais une évolution. Maintenant, les financiers, je pense que eux l’ont mauvaise, mais je ne suis pas sûr qu’ils ont tout fait pour que la sortie soit un succès ...C’est à dire...Leur rôle de l’industrie est de créer en permanence du flux. Le mien est de faire un film, un seul. Quand le film a été refusé à Cannes, les financiers se sont mis a paniquer et m’ont obligé à leur remettre une version courte du film... qui était pourtant terminé, y compris la version française, et qui ressemblait comme deux gouttes d’eau au script qu’ils avaient validés en amont.“Obligé” ? Avec quels moyens de pression ?Le film était programmé à Venise, pour la Mostra, et Pathé et Wild Bunch m’ont dit : “si tu ne coupes pas, on retire le film du festival”. Ce qu’ils ont fait. Alors j’ai remonté le film en une après-midi. Et ils l’ont réinscrit. Bon et malgré cette sélection le buzz n’a pas pris.Je crois que personne n’y a vraiment cru. La critique a été en grande majorité très négative. Le film s’est planté. Du fait de son échec en France, il n’est pas sorti en Angleterre ni en Italie. Il a une carrière atypique. Il y a quinze jours, quand il a eu le prix du public aux European Films Awards, j’étais le premier surpris. En même temps Mr Nobody est un objet semi expérimental, ca parait absurde de viser l’unanimité avec un objet pareil. Vous vous doutiez que la critique et le public seraient partagés en leur proposant une expérience comme ca, non?Faire un film, c’est comme jeter une bouteille à la mer. On ne sait jamais qui va la trouver. Moi, je pense toujours quand je fais un film que tout le monde va l’aimer. Même si je sais que les critiques ne s’adressent pas à moi, c’est quelque chose qui peut faire mal dans la chair. Après c’est vrai que le récit en arborescence est un truc assez particulier qui ne pouvait pas plaire à tout le monde. Avec le recul et les retours je m‘aperçois que le film résonne surtout chez les jeunes entre 15 et 25 ans.Vous l’expliquez comment?Peut-être parce que c’est l’âge des bifurcations, où la question des choix qu’on fait et qui déterminent ce que sera votre vie est omniprésente. C’est aussi une génération qui a grandi avec les jeux vidéos et qui est familière avec le récit en arborescence du film – structure rejetée par d’autres qui ont une habitude de linéarité du récit.Oui. Les gens qui n’aiment pas Mr Nobody lui reproche de ressembler à une accumulation de scènes d’exposition, comme s’ils ne saisissaient pas les connexions et ne voyaient pas l’harmonie de leurs enchevêtrements. Mais c’est difficile de leur en vouloir, c’est comme une illusion d’optique particulièrement sophistiquée que certains ne verront jamais.Un jour j’ai vu Stalker au cinéma et c’est devenu instantanément l’un des mes films préférés. Mais pendant la séance je me suis subitement souvenu que ce film, je l’avais déjà vu quelques années auparavant et que j’étais sorti de la salle au milieu du film. Le film n’avait pas changé, c’est moi qui avais changé. Donc j’ai une certaine facilité a relativiser ce genre de choses. Des gens apprendront peut-être à aimer Mr Nobody avec le temps, d’autres finiront par trouver qu’il perd son pouvoir de fascination. Tout ça ne m’appartient plus. Ca ne m’a en fait jamais appartenu.Bon et du coup vous êtes allé un peu au cinéma cette année ?J’ai voyagé en Asie où j’ai vu des films comme A Year Without A Summer de Tan Chui Mui . J’ai vu aussi Oncle Boonmee que j’ai trouvé superbe, et dont certains points communs avec Mr Nobody m’ont troublés. En Belgique j’ai vu.... hum, attendez. je ne me souviens plus trop. A Single Man . Quoi d’autre? Je ne sais plus. Je ne me sentais pas très bien quand j’allais au cinéma cette année, c’était un peu spécial.Vous étiez amer vis à vis de l’industrie ? Oui, un peu. Quand je payais ma place, et que je me retrouvais devant la machine à pop-corn, je me disais dans mon for intérieur, “au fond c’est à ça que tu sers, à vendre du pop-corn”. Je n’avais jamais réalisé à quel point le cinéma était une industrie impitoyable avant l’aventure Mr Nobody. C’est bien. Ca m’a ouvert les yeux. Je ferai des films non industriels.
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EXCLU - TOP 2010 : Mon bilan 2010, par Jaco Van Dormael
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