Retour au dur, sexe, drogue et rock’n’roll.
Une chambre d’hotel luxueuse. Denzel devant une hôtesse de l’air à poil finit sa vodka avant de s’envoyer un rail de coke. Cut. Aviator et costume de pilote vissés sur la tête, le D sort de la chambre sur les riffs de rock énervé. Quand on on voit apparaître son ange gardien diabolique (joué par le génial Goodman) sur Gimme Shelter et que, un peu plus loin, Denzel bourré entend une affreuse reprise lounge de With a Little Help from My Friends, la messe est dite. Au moment où Robert Zemeckis vient d’enterrer son projet d’adaptation mo-cap du Yellow Submarine (lâché par Disney), il signe avec Flight son film le plus Stones. Retour au dur, sexe, drogue et rock’n’roll, Flight est un film qui bouscule beaucoup de choses dans la carrière du Zem. Un OVNI mal élevé avec un sujet provoc qui ne ménage ni son héros ni le spectateur. Une embardée vers le gang de voyous de mèche avec le diable, plutôt qu’une promenade de santé avec les quatre garçons dans le vent.
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Let me introduce myself
Pourtant, Zemeckis est a priori de l’autre bord. Sorti en 78, son premier film annonce toute sa filmo. I Wanna Hold your Hand (c’est ça, comme la chanson de 64) raconte les aventures de six ados du New Jersey qui veulent assister à la première tournée américaine des Beatles... Tout est là : la verve comique, le défi conceptuel, l'ironie et surtout les Fab Four. IWHYH pose clairement les Beatles en figure tutélaire du cinéaste et annonce les références à venir (depuis les emprunts musicaux jusqu’à la « présence » de John Lennon dans Forrest Gump). Hommage à ceux qui l’ont influencé ? A la sortie de Gump, dans le magazine Positif, Bob reconnaissait : « ce fut un groupe qui a marqué toute ma génération ; quant à moi, leur musique à été l’inspiration la plus forte que j’aie connue. Aucun artiste ne m’a plus bouleversé, ce fut comme la foudre ». On est bien d'accord avec vous : ça ne veut pas dire grand chose…
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Melodie
Au fond, ce qui agite sa filmo, c’est la narration. Il a beau être un surdoué de la technique, Zemeckis est d’abord un incroyable storyteller. Ses pitchs ont la simplicité des mélodies Beatles. Rien de sauvage ni d’énervé (comme chez les Stones), mais une douceur mélancolique qui confine à la pureté classique (pas un hasard s’il n’arrête pas de réclamer l’héritage Capra). Zemeckis, comme la bande à Macca, contrôle et fait du sentiment. Sans la perversité de Mick. Mais l’autre aspect Beatles du cinéaste, c’est la manière dont il a fondu ses plus grandes expérimentations formelles dans le cadre du mainstream. Comme les Fab Four qui coulaient leur révolution musicale dans des mélodies grand public, zemeckis a repoussé les limites du cinéma dans des films oscarisés et des blockbusters triomphants. Il explose les frontières physiques du « digital » dans des OVNI pour kids ; réussit des envolées techniques IMPOSSIBLES (le plan du miroir de Contact qui annonce les délires de Fincher) dans des films SF ou colle un plan qui défie la grammaire cinéma dans un thriller anecdotique (le plan de la baignoire dans Apparences). Il réussit au fond la fusion parfaite entre forme et fond. Tranquillement. Sans avoir l’air d’y toucher.
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Paint it black
Pourtant, depuis quelques années, les choses bougent et Flight vient s’écraser sur la piste de son amertume jusqu’ici contenue. Ses déconvenues hollywoodiennes (fermeture de son studio, annulation de tous ses projets) ont sans doute infusé un peu de la colère qui nourrit ce dernier film. Comme si cette fois-ci, Bob était Out of Time - comme provoquait Mick - plutôt que Getting Better. Héros en perdition, craquages monumentaux, scènes sous drogues… On n’attendait pas ça de lui. Pourtant, en y regardant de plus près, ses films ont toujours leurs moments infernaux ou leurs sous-entendus infernaux – Gump qui tire son nom d’un membre du Klu Klux Klan, les portraits de zélotes de Contact ou le vitriol de La Mort vous va si bien. Ses expériences mo-cap ont accentué le trait et rapproché le Zem de Lucifer et de ses inclinaisons Stones. Les visions hallucinantes et hallucinées de Scrooge, le village de Noel dans Le Pole Express… tout cela peuple des films mo-cap qui ne sont plus habités, mais hantés, des œuvres où l’humain est finalement dévoré.
Flight au fond est à la croisée des chemins. Comme son héros, entre humanisme et arrogance, entre déchéance et rédemption, entre Beatles et Stones. Un point de Contact entre le spirituel et l’infernal.
Flight est en salles depuis une semaine. Et vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Gaël Golhen
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