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stephanie branchu / stephanie branchu

Le premier film d’Émilie Noblet réunit notamment Louise Bourgoin et Xavier Lacaille. Une réussite.

Présenté en compétition au dernier Festival de l'Alpe d'Huez, Bis Repetita est une pépite, le genre de comédies qu’on aimerait voir plus souvent dans les salles. Drôle, émouvant, intelligent, suprêmement incarné. C’est un sans faute qui doit autant à ses interprètes, qu’à son scénario, sa réalisation et un peu à… Amélie Oudéa-Castera.

On le sait bien : en matière de cinéma, le timing des sorties est en partie guidée par le hasard. Mais il faut tout de même saluer l’exceptionnel sens de l’agenda de cette présentation à l’Alpe d’Huez : alors que la ministre de l’éducation nationale s’enferre dans ses mensonges et pousse assez loin le mépris envers les enseignants, Émilie Noblet débarque avec son film qui brasse et réfléchit (en filigrane mais de manière intelligente et précise) aux vertus de l’enseignement, au séparatisme scolaire, à l’élitisme et surtout au mal-être des profs. Hola ! On vous entend grommeler depuis votre salon : et la comédie dans tout ça ? C’est la vertu première de Bis Repetita : sur un sujet très sérieux que le film n’essaiera jamais d’esquiver, il réussit à être à la fois une vraie comédie romantique, un teen movie (les cinq gamins sont EXCEPTIONNELS), un portrait de femme à la dérive et une pure comédie de profs. La prouesse de Noblet ? Parvenir à tenir en équilibre sur tous ces registres. 

Et maintenant, au tableau. 

Le turbo comique Xavier Lacaille

Delphine (Louise Bourgoin aussi radieuse que phénoménale) est prof de latin dans un lycée d’Angers. Elle a cinq élèves qu’elle occupe pendant quelques heures hebdomadaires. Lycéens et prof sont d’accord : le latin ne sert plus à grand chose, alors autant s’accorder sur le résultat. Contre une paix royale (et la possibilité de faire ses courses en ligne dans sa classe), la prof leur colle d’office un 19 de moyenne. Et au fond, qui pour la blâmer ? Tout irait bien si, par hasard, sa classe n’était pas sélectionnée dans un concours d’excellence à Naples. Les cinq branleurs et leur enseignante démissionnaire vont donc devoir représenter la France à cette compétition. Ils sont accompagnés dans leur voyage par Rodolphe le neveu de la proviseure (Xavier Lacaille, turbo comique imparable), qui se révèle être un khâgneux un peu chiant, obsédé par sa thèse de latin. 

Arrivé dans le palais napolitain où les équipes de latinistes en herbe s’observent et se défient (ambiance coupe de feu d’Harry Potter), Delphine va devoir : 1/ gérer l’universitaire bêllatre et dragueur qui organise ce concours, 2/ contenir l’enthousiasme benêt de Rodolphe, et 3/ tout mettre en œuvre pour que sa classe gagne in fine le concours. Tout, y compris la triche…

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Céline Dion en latin

Bis Repetita réussit donc la prouesse d’être constamment drôle et touchant. Les gags sont écrits (ET joués) à la perfection, les personnages évitent tous la caricature (sauf ceux qui sont de purs ressorts comiques comme l’universitaire italien) et, mieux, Noblet tente toujours de faire du cinéma. Très écrite, sa réalisation sait jouer des moindres accidents et semble se nourrir des impros de ses comédiens en surchauffe. Partie à Naples, elle s’autorise quelques embardées antonioniesques avec une Louise Bourgoin dont la beauté n’est pas sans rappeler celle de la Vitti. Vous avez bien lu et si vous vous posez la question, sachez que, oui ! on vient de voir un film qui réussit l’hybridation contre nature entre P.R.O.F.S, Le Désert rouge et Les Beaux gosses

On le disait, l’une des clés du satisfecit réside dans l'équilibre de la distribution où, sans basculer dans les clichés, chaque membre du troupeau acnéique tient parfaitement sa place. L’ado spleenatique, la lycéenne douée mais branleuse, la renfermée, le fashionista et le marlou sont éblouissants. Sens du timing, de la vanne et du jeu collectif, ces cinq acteurs sont incandescents. Mais il ne faudrait pas oublier les adultes.  Xavier Lacaille peaufine son slapstick étourdissant et s’impose comme le petit frère d’Etaix et d’Amalric – avec un sens de la vanne plus moderne. Louise Bourgoin est fantastique dans un rôle où elle doit souffler constamment le chaud et le froid, la dérive existentielle et la reprise en main autoritaire et, Noémie Lvovsky n’a qu’un second rôle mais elle impose son talent « disruptif » notamment dans une scène de diner (avec un risotto raté) du tonnerre. 

On allait oublier le plus dingue : il est aussi question d’une reprise de Céline Dion en latin… Bref, vous avez compris : on a été emballé par ce film canon. 

De Emilie Noblet. Avec Louise Bourgoin, Xavier Lacaille, Noémie Lvovsky… Durée 1h26. Sortie le 20 mars 2024