A (re)voir ce soir sur Arte.
1932 - Après un exil de 10 ans aux Etats-Unis, Jimmy Gralton rentre au pays pour aider sa mère à s'occuper de la ferme familiale. L'Irlande qu'il retrouve, une dizaine d'années après la guerre civile, s'est dotée d'un nouveau gouvernement. Tous les espoirs sont permis… Suite aux sollicitations des jeunes du Comté de Leitrim, Jimmy, malgré sa réticence à provoquer ses vieux ennemis comme l'Eglise ou les propriétaires terriens, décide de rouvrir le "Hall", un foyer de jeunesse gratuit et ouvert à tous où l'on se retrouve pour danser, étudier ou discuter. Le succès est immédiat. Mais l'influence grandissante de Jimmy et ses idées progressistes n'est pas du goût de tout le monde au village. Les tensions refont surface.
En 2014, Jimmy’s Hall était attendu au tournant. D’abord parce que huit ans après sa palme d’Or pour Le Vent se lève (et 17 ans après Hidden Agenda, l’un de ses meilleurs films), Ken Loach retournait sur les origines de la guerre entre l'Irlande et l'Angleterre. Mais on attendait Jimmy’s Hall surtout comme la fin de partie du vieux cinéaste. Loach avait annoncé son envie d’arrêter la fiction et tirait donc sa révérence sur une dernière danse irlandaise... Sauf que depuis, le cinéaste a tourné deux nouveaux films, Moi, Daniel Blake, pour lequel il a reçu une nouvelle Palme d'or en 2016, et Sorry We Missed You, en 2019. Voici notre critique de Jimmy's Hall, rediffusé ce soir sur Arte.
Jimmy’s Hall raconte l’histoire vraie de Jimmy Gralton, leader communiste exilé aux US qui, au milieu des années 30, revient au pays, reconstruit une salle de bal et brave les interdits religieux et réactionnaires pour faire vivre son rêve d’une nation irlandaise plus juste et plus unie. Dès le générique, on voit bien où veut aller Ken Loach. Le film s’ouvre sur des images d’archives de clubs new-yorkais où Noirs et Blancs s’épuisent dans des danses libératoires. Puis, il coupe sur des plans de la lande irlandaise, tranquille, éternelle, d’où s’extraie lentement une charrette. Jimmy’s back in town. Pendant que les compagnons de Jimmy lisent Yeats et s’échauffent sur des rythmes diaboliques, ce sont les forces réactionnaires qui étudient, professent, châtient et lisent (Marx pour savoir ce que pense l’ennemi, la Bible pour donner sens au monde). Le message est clair : on peut être de gauche et joyeux, changer le monde en faisant la fête. De la part d’un cinéaste porté vers la dialectique et le prêche, c’est une promesse alléchante…
Le sujet et le contexte historique sont de fait passionnants. L’enjeu séduisant. L’ennui c’est que rayon mise en scène, Loach continue de mener sa barque de cinéaste trop démonstratif. La première demi-heure laisse de l’espoir. Il filme la lande, les gens, les maisons avec inspiration, chaque plan sonnant comme des déclarations d'indépendance. Une scène de bal promet une bacchanale irlandaise… Son arme fatale - Barry Ward, « Christ » socialiste parfait – est impressionnant. Mais tout s'alourdit vite dans la dialectique. L’Eglise et l’Etat sont les agents caricaturaux de la répression. Les scènes de messe punitives sont des caricatures. On est loin, très loin de la force de ses premiers films, diamants bruts de réalisme social, modèles d'incandescence révolutionnaire. A l’écran, il n'atteint jamais ce qu’il vise vraiment : une ode à la liberté, à la joie et à l’humour. Tout est prévisible, calculé, un peu guindé. Même si elles ne sont pas des modèles de réalisation (aucun plan sur les pieds ou les jambes), les deux scènes de danse donnent de la vie, mais les scènes de comédie paraissent forcées et grotesques (la descente de flics ressemble à un générique de Benny Hill). Malgré lui, malgré ses efforts, Jimmy’s Hall reste une leçon d’histoire dialectique qui ne bruisse jamais du vent de liberté que vise le cinéaste et qui fait l’Irlande. La sélection de Jimmy's Hall, suite non officielle de sa Palme d’Or et dernier long d’un cinéaste cannois, ressemble au fond à un cadeau de pré-retraite.
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