15 évènements de Cannes 2024
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De Coppola à Kevin Costner en passant par Noémie Merlant et Leos Carax, voici ce qui nous attend de mieux (on espère) lors de la 77ème édition du Festival de Cannes.

Francis Ford Coppola fait tapis avec Megalopolis

Qui se souvient de Tetro (2009) ? Ou de Twixt (2011) ? Les derniers films du réalisateur culte des années 1970 n'ont pas laissé une marque indélébile sur le 7e art. Cela fait d'ailleurs 15 ans que Francis Ford Coppola n'a plus rien réalisé. Son come back à Cannes sera forcément un événement majeur, d'autant qu'il vient de filmer un projet passion : le script de Megalopolis était dans ses tiroirs depuis presque 40 ans. Personne ne voulait le produire. Alors il a mis ses fonds propres sur la table. On parle de 100 millions de dollars investis de sa poche, pour permettre à cette chronique politique et sociale - située dans un New York alternatif surnommé "Nouvelle Rome" - de voir le jour. Avec le seul Adam Driver comme superstar au casting. À 85 ans, le cinéaste ne serait-il pas en train de miser sa légende à la Croisette ?

George Miller, fast & Furiosa

Vroum vroum, Furiosa vient rouler sur la Croisette. Présenté hors compétition, le film de George Miller sera un préquel de Mad Max : Fury Road, avec Anya Taylor-Joy dans le rôle-titre et Chris Hemsworth dans la peau du terrible Dementus. Forcément surexcitant, d’autant que les deux stars et le réalisateur feront le déplacement. Pensez bien à réserver votre 15 mai, date de la projection à Cannes : "Oh, what a day… what a lovely day !"

George Miller décrypte le trailer de Furiosa : Une saga Mad Max
Warner Bros.

Un roman russe par Ben Whishaw

Adapté d’un livre d’Emmanuel Carrère, Limonov : The Ballad confirme que Kirill Serebrennikov a désormais son rond de serviette dans la compétition cannoise. Après LetoLa Fièvre de Petrov et La Femme de Tchaikovski, ce nouveau film retracera le destin du sulfureux Edouard Limonov – romancier, dandy, voyou, révolutionnaire, clochard, agitateur politique, qui fut prisonnier des geôles de Sibérie, écrivain mondain dans le Paris des années 80 et même majordome à New York. Le livre est français, le réalisateur russe, et c’est un acteur anglais qui tiendra le rôle de l’écrivain globe-trotter : Ben Whishaw, qui a déjà joué les poètes à Cannes – dans Bright Star, de Jane Campion, où il était John Keats.

Kevin Costner ressuscité

Il y a encore 15 ans, tout le monde prenait Kevin Costner pour un has-been. L’ex-superstar des années 80 et 90 enchaînait les films de golf ou de base-ball dans l’indifférence générale. Aujourd’hui, il est la plus grosse tête d’affiche de la télé yankee grâce au hit Yellowstone. Et Cannes s’apprête à rappeler au monde qu’il fut, aussi, un réalisateur prodigieux, l’auteur des magnifiques Danse avec les loups et Open Range (et du gros four Postman, mais c’est une autre histoire). Horizon : An American Saga est le premier volet d’une tétralogie western, rien que ça, dont Kevin Costner rêve depuis des années – son Megalopolis à lui. Dans le film (qu’il écrit, produit, réalise et interprète), on le verra partir à la conquête de l’Ouest. Sur la Croisette, c’est avec son propre destin de grand cinéaste américain que Kevin Costner a rendez-vous.

Horizon Kevin Costner
Warner Bros.

Les retrouvailles Richard Gere - Paul Schrader

Richard Gere retrouve Paul Schrader, son réalisateur d’American Gigolo – 44 ans après la sortie du film qui avait fait exploser les ventes de costards Armani et de singles de Blondie. Mais l’heure n’est pas à la fête, plutôt au crépuscule : Oh, Canada, adapté d’un roman de Russell Banks, racontera l’ultime interview d’un célèbre documentariste condamné par la maladie, qui veut rétablir la vérité sur sa vie auprès de l’un des ses étudiants. Schrader, qui a médiatisé ses propres ennuis de santé ces derniers temps, a déjà insisté sur les dimensions autobiographique et « terminale » de ce film qui le voit revenir à la compétition cannoise, qu’il n’a plus fréquenté depuis Mishima et Patty Hearst dans les années 80. Au générique du film, on retrouvera aussi Uma Thurman et Jacob Elordi, révélation d’Euphoria, admiré récemment dans Saltburn et Priscilla, qui, s’il était né à une autre époque, aurait fait un beau gigolo américain.

Sebastian Stan devient Donald Trump 

Découvert à Cannes en 2018 avec l’ovni Border, l’Iranien Ali Abbasi  revient avec The Apprentice, un film « très américain », dixit Thierry Frémaux. Sebastian Stan s’y glisse dans la peau d’un jeune Donald Trump dans les années 70, alors qu’il est encore entrepreneur immobilier. Un biopic sur un apprenti et son mentor qui racontera la comment l’avocat Roy Cohn (Jeremy Strong de Succession) a influencé Trump. Si The Apprentice réussit à être aussi ludique qu’éclairant sur la personnalité de l’ancien président américain, on devrait passer un bon moment.

The Apprentice Ali Abbasi Cannes 2024
APPRENTICE PRODUCTIONS ONTARIO INC. / PROFILE PRODUCTIONS 2 APS / TAILORED FILMS LTD. 2023

Toutes en scènes avec Audiard

Blague ou pas ? Thierry Frémaux faisait mine d’avoir du mal à se rappeler le nom de Selena Gomez en annonçant la sélection officielle d’Emilia Perez. Bon, on le comprend : pour lui, c’est le nouveau film de Jacques Audiard (Palme d’or 2015 pour Dheepan, par exemple) avec un des seconds rôles de The Dead Don’t Die de Jarmusch (en ouverture de Cannes 2019, et pas le meilleur choix). Mais pour le reste du monde, c’est la réunion cinéma de Selena, alias l’une des femmes les plus puissantes de la culture (et ses 430 millions de followers Insta) avec Zoe Saldaña, de chez Avatar et des Gardiens de la Galaxie. Réunies dans une comédie musicale où elles aident un chef de cartel à devenir enfin la femme qu’il rêvait d’être. Dit comme ça, c’est aussi excitant que casse-gueule. A ce jeu-là, l’excitation l’emporte.

Tout Carax en 40 minutes (environ)

En parlant de comédie musicale, la dernière fois qu’on a vu Leos Carax à Cannes, c’était pour le flamboyant Annette avec Adam Driver et Marion Cotillard (et la musique des Sparks) en 2021. Le revoilà avec C’est pas moi au titre insolent : "Un film au format libre, un autoportrait, qui revisite plus de 40 ans de la filmographie de Leos Carax et interroge les grandes stations de sa vie, tout en saisissant les tremblements politiques de l'époque", promet le synopsis officiel. On retient surtout que le film dure une minute par année de filmo, donc 40 minutes au total ("environ", précise le distributeur). Soit même pas la moitié de la durée d’Holy Motors. Tout nouveau Carax est bon à prendre, même (et surtout) si ce C’est pas moi lui tient lieu d’épitaphe. Ceci dit, il paraît qu’il aimerait bien faire un autre film avec Driver…

La love story de Yórgos Lánthimos et Emma Stone

Alors que Pauvres Créatures avait triomphé à Venise l’année dernière, Yórgos Lánthimos fait des infidélités à la Mostra. Tant mieux pour nous, tant pis pour les Italiens : Kinds of Kindness réunira Emma Stone (les deux ne se lâchent plus), Jesse Plemons, Willem Dafoe ou Margaret Qualley. Annoncé comme une « fable en triptyque » (jolie façon de dire « film à sketches »), ce long-métrage en compétition ne devrait pas dérouter les fans du réalisateur grec : il y sera question d’une personne au pouvoir spécial, d’un homme voulant reprendre le contrôle de sa vie ou d’une femme disparue en mer qui revient étrangement… Si on pouvait déjà réserver nos billets, on l’aurait fait.

Kinds of Kindness
Searchlight Pictures

Fargeat II : la revanche

"Pour faire du cinéma de genre, pour que ça marche, il faut qu’on soit un grand cinéaste", a affirmé Frémaux lors de l’annonce de la sélection de The Substance en compétition. Avant de saluer Julia Ducourneau, bien sûr. Le point commun avec la Palme d’or Titane ? The Substance est un film de genre réalisé par une femme, en l’occurrence Coralie Fargeat, autrice du rape and revenge sanglant, bien nommé et justement remarqué Revenge en 2017. Sept ans plus tard, voilà The Substance, avec Margaret Qualley, Demi Moore et Dennis Quaid -sans qu’on sache vraiment si ce dernier remplace le regretté Ray Liotta, qui avait été casté en février 2022 dans le film, trois mois avant sa mort. De toutes façons, même si on a très envie de voir ça, l’intrigue est toujours top secret : c’est paraît-il un film de body horror. Coucou Ducourneau, coucou Cronenberg (aussi en compèt’ cette année avec The Shrouds sur le deuil de sa femme) ! Et hop, une nouvelle catégorie cannoise : le film de body horror féminin qui a l’air de garantir la sélection. Même pas besoin d’être un grand cinéaste "pour que ça marche", alors ?

Surfin’ Cage

Après la calvitie de Dream Scenario, le nouvel accessoire de cinéma de Nic Cage est une planche de surf. La Croisette n’est pas tellement connue pour son break de folie, tout comme le réalisateur Lorcan Finnegan pour ses chefs-d’œuvre (on s’est poliment ennuyés devant Vivarium avec Jesse Eisenberg, sélectionné à la Semaine de la critique 2019), mais qu’est-ce qu’on ne donnerait pas pour voir un Cage à Cannes ? Il était déjà là pour Sailor et Lula, Arizona Junior et Dog Eat Dog de Paul Schrader -autant dire qu’on ne s’est jamais ennuyé avec lui (là, il joue un surfer qui se cogne à des jeunes pour savoir à qui appartient une plage australienne). Et puis, son tonton (appelons-le Francis Ford pour respecter son intimité) est là, aussi, donc si on entend parler d’un repas de famille, on fera tout pour s’incruster.

The Surfer
Arenamedia

Les retrouvailles Merlant / Sciamma

On l’attendait (aussi) dans le rôle- titre du Emmanuelle d’Audrey Diwan (qui devrait cependant monter les marches comme… co- scénariste de L’Amour ouf !) mais on devra sans doute patienter jusqu’à la Mostra. Et c’est comme réalisatrice (trois ans après Mi iubita mon amour, présenté à Cannes en séance spéciale) que Noémie Merlant sera présente en sélection avec son deuxième long métrage, Les Femmes au balcon, dont elle tient avec Souheila Yacoub et Sanda Codreanu l’un des trois rôles féminins principaux. Une comédie flirtant joyeusement avec l’horreur, co- écrite avec Céline Sciamma, sa réalisatrice de Portrait de la jeune fille en feu, dans laquelle trois co- locatrices s’immiscent dans l’appartement de leur mystérieux voisin, source de fantasmes. Un programme idéal pour une séance de minuit hors compétition.

Grande première pour Lellouche

Six ans après la présentation de son premier long en solo, Le Grand Bain, Gilles Lellouche revient comme réalisateur sur la Croisette mais change de catégorie en accédant à la compétition avec L’Amour ouf, libre adaptation de Neville Thompson qu’il a en tête depuis 15 ans. Un geste fort de la part de Frémaux tant Lellouche n’a pas la fameuse « carte » qui vaut immunité critique à Cannes et qu’il s’est régulièrement et gratuitement fait étriller par certains journaux qui doivent déjà aiguiser leur fiel. Nous, on a, à l’inverse, hâte de découvrir cette fresque amoureuse sur plusieurs décennies (à la BO qui promet d’être dingue) centrée sur le duo Adèle Exarchopoulos- dont les personnages sont incarnés, adolescents, par Mallory Wanecque (Les Pires) et Malik Frikah

François Civil et Adèle Exarchopoulos dans L'Amour ouf de Gilles Lellouche
Cédric Bertrand

George reçoit enfin la Palme

C’est presque trop beau pour être vrai : George Lucas reçoit la Palme d’or d’honneur du Festival lors de la cérémonie de clôture, samedi 25 mai. Dans le public, son vieil ami Francis Ford Coppola, qui l’applaudit à tout rompre… avant de recevoir sa troisième Palme d’or pour Megalopolis ? Là, on fantasme totalement, mais on se souvient avec émotion du moment où Francis, George et Steven (Spielberg) ont remis l’Oscar du Meilleur réalisateur à leur copain Martin (Scorsese) pour Les Infiltrés. Ça faisait quand même une super photo pour les livres d’histoire. Bon, laissons de côté ce dream scenario : au moins, on est sûrs que Lucas aura la Palme, et c’est bien mérité. Il avait donné en 2002 la première projection numérique du Festival (avec L’Attaque des Clones) et dévoilé en avant-première mondiale son dernier film en date (La Revanche des Sith). Ah, il avait aussi (avec Francis) permis à Akira Kurosawa de terminer Kagemusha, vainqueur de la Palme d’or en 1980. A George, la Croisette reconnaissante.

George Lucas sur le plateau de Game of Throne Saison 8
Jason LaVeris/FilmMagic

Un portrait de femmes signé Paolo Sorrentino

Sorrentino à Cannes, en soit cela n’a rien d’exceptionnel. L’italien fait partie des habitués de la Croisette et revient ici comme à la maison. La grande nouveauté, l’événement voire même l’excitation tient plutôt à la nature de son nouveau projet. S’il a su sublimer les femmes (pensez à Laura Chianti dans L’Ami de la famille ou à Kasia Smutniak dans Silvio et les autres), le cinéaste n’a pour l’instant filmé que des (vieux) personnages masculins en proie aux doutes, à la solitude existentielle ou aux effrois de la nostalgie (Jep Gambardella, Titta di Girolamo, Fred Ballinger ou Berlusconi pour ne citer que ces quatre là). La sublime photo révélée dans la foulée de la conférence de Frémaux ainsi que le synopsis écrit par Paolo himself, indique qu’il vient donc de mettre en scène sa première héroïne. On suivra donc Parthénope (qui tient son nom de l’une des sirènes de L’Odyssée, et reste une figure tutélaire de Naples) de sa jeunesse à sa vieillesse, des années 50 à nos jours. Femme libre, victime de sa beauté et naviguant dans les ressacs du temps, Parthénope fait penser sur le papier à une version féminine et moins cynique du Gambardella de La Grande Bellezza ou à une version live et napolitaine de Millenium Actress (le rêve, le temps qui passe, le cinéma…). Mélange de sensualité, de voyage temporel, d’évocation mythologique et littéraire (Gary Oldman joue un écrivain)… Parthénope ressemble déjà à un très très grand Sorrentino.