Affiches sorties de film mercredi 30 mars 2022
Sony Pictures Entertainment/ Metropolitan Filmexport/ StudioCanal

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
MORBIUS ★☆☆☆☆

De Daniel Espinosa

L’essentiel

Le "vampire" de Marvel, incarné par Jared Leto, manque de mordant. Morbius se révèle bien moins divertissant que Venom

Troisième film du "Sony's Spider-Man Universe" et première adaptation du personnage de Marvel, 24 ans après son caméo coupé dans Blade, Morbius attisait sur le papier notre curiosité à l’idée de voir Jared Leto revenir dans un comic book movie - après le souvenir douloureux de son passage en Joker charcuté au montage dans le Suicide Squad de David Ayer - et de le retrouver pour la première fois en tête d’affiche d’un film à gros budget

Pour cet amoureux des compositions hautes en couleur, il y avait du potentiel avec ce personnage de scientifique qui se transforme en vampire en tentant de se guérir d’une maladie rare grâce à du sang de chauve-souris. Mais, surprise, l’acteur de 50 ans (qui en fait 15 de moins) est étonnement – et sans doute même un peu trop - sobre dans la peau de Morbius. Pas de quoi en tout cas réveiller un film écrit et monté avec si peu de soin qu’on s’interroge constamment sur la logique des évènements et l’enchainement des scènes qui le composent.

Manquant cruellement d’originalité, y compris dans ses effets spéciaux, Morbius souffre des mêmes maux que son grand frère Venom. A savoir ceux d’un super-vilain qu’on maquille en anti-héros, en appuyant grossièrement sur sa dualité et son absence de responsabilité, tout en lui affublant un antagoniste caricatural pour montrer qu’il n’est finalement pas si méchant. Sauf que Venom faisait au moins l’effort de nous divertir en osant le ridicule, là où Morbius se montre désespérément sérieux et pénible.

Edouard Orozco

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PREMIÈRE A ADORE

FREAKS OUT ★★★★★

De Gabriele Mainetti

Freaks Out nous installe d’emblée au beau milieu d’une piste aux étoiles vintage. On y croise un sympathique M. Loyal à la barbe poivre et sel, un albinos qui sait causer aux insectes, un colosse entièrement recouvert de poils, un nain qui aimante tout ce qui passe et une jeune fille qui allume des ampoules en les plaçant délicatement entre ses lèvres. Le ballet dure comme ça pendant une dizaine de minute. Un morceau de bravoure qui annonce que Freaks Out sera à la fois un spectacle total, un film de bande, et, lorsque les mitrailleuses allemandes débarquent, un point de collusion stupéfiant entre la fantasmagorie et l’Histoire –celui que Tarantino visait pour ses Basterds. Freaks Out s’inscrit dans cette veine de cinéma où il est avant tout question de plaisir, de surprises, de vignettes BD et de nazis massacrés. Le goût de la citation y est compulsif, avec un titre qui place le film sous le haut- patronage de Tod Browning, avant d’organiser la rencontre entre les X-Men, le Pinocchio de Comencini et Les Aventuriers de l’arche perdue.

Mais c’est l’esprit de troupe qui constitue le super-pouvoir du film. Le spectacle ne vaut le coup que parce qu’il y en a plusieurs, et n’éblouit que parce qu’ils s’entremêlent. Le grand tour de passe-passe effectué par Gabriele Mainetti (On l’appelle Jeeg Robot), c’est que son récit choral n’a rien de bien démocratique et que l’égalité du temps du parole y est complètement piétiné. Les trois garçons forment un tout un peu indivisible. Mais parce que son super-pouvoir la prive de tout contact physique et traduit donc un rapport au monde profondément solitaire, la jeune Matilde, seule fille et seul physique « standard » de la bande, se distingue vite. Elle sera à la fois l’ancrage émotionnel du film et sa révélation la plus soufflante (Aurora Giovinazzo, timbre éraillé, grand yeux mangas). Et tout au long de celui- ci, on ne cesse de se demander par quel alignement de planètes un metteur en scène italien de 45 ans a bien pu accoucher d’un spectacle pareil, ressuscitant une idée de cinéma que les Européens ne savent plus fabriquer et qu’Hollywood ne veut plus imaginer.

Romain Thoral

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

ICARE ★★★★☆

De Carlo Vogele

Avec Icare, Carlo Vogele signe un film d’animation mythologique et lumineux dans la Crète antique. Et dans cette version à peine révisionniste de la légende de Thésée (il y est un connard arrogant et Ariane, une princesse un brin manipulatrice), vue du point de vue du fils de Dédale, on lit les reflets des visions labyrinthiques et crépusculaires de Fumito Ueda (Shadow of the Colossus,). Passé chez Pixar, où il a travaillé sur Toy Story 3 ou Rebelle, le réalisateur semble ici avoir voulu jouer absolument contre la prudence rassurante et les démonstrations de force d’une production familiale d’un gros studio. Épopée mythologique chuchotée, portée par un véritable sens de la tragédie et du cinéma (la musique baroque en contrepoint, l’animation poussée dans ses retranchements…), Icare n’est pas très loin du sans faute.
 

Sylvestre Picard

 

PREMIÈRE A AIME

EN CORPS ★★★☆☆

De Cédric Klapisch

Cédric Klapisch aime la danse depuis toujours ou presque. Et cette passion qui s’était déjà exprimée à travers divers documentaires et captations passe ici pour la première fois par le prisme de la fiction. Le récit tient ici volontairement en une phrase : après une grave blessure, une danseuse classique de 26 ans, tente de se réparer alors qu’on lui annonce sa carrière terminée. En corps n’a rien d’un suspense sur sa capacité à exercer ou non de nouveau son art. Ce qui intéresse Klapisch c’est le processus de reconstruction, les passerelles entre deux mondes – la danse contemporaine et moderne – que tant jurent irréconciliables. Son œil connaisseur et la caméra à l’affût d’Alexis Kavyrchine (Adieu les cons) donnent naissance à une oeuvre enveloppante mais jamais mièvre et parsemée subtilement de moments de comédie comme Klapisch sait si bien les trousser. Mais cet édifice s’effondrerait comme un château de carte sans la prestation lumineuse dans le rôle central de Marion Barbeau, une danseuse étoile qui fait ses débuts d’actrice. Un coup d’essai façon coup de maître.

Thierry Cheze

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ARISTOCRATS ★★★☆☆

De Yukiko Sode

La présence des réalisatrices dans l’histoire - passée et présente - du cinéma japonais est quasi nulle. On découvrait récemment, sidérés, l’œuvre brève mais isolée de Kinuyo Tanaka (six merveilles réalisées entre 1953 et 1962). Plus proche de nous, le nom Naomi Kawase est, on le devine, un arbre qui ne cache pas grand-chose. L’arrivée de Yukiko Sode, 39 ans, avec ce magnifique Aristocrats (dont c’est déjà le troisième long-métrage) est un évènement en soi. Le film adapté d’un roman de Mariko Yamauchi, ausculte justement la place des femmes dans la société nippone d’aujourd’hui, prisonnières selon leur classe sociale d’un schéma de vie déterminée. Avec une douceur et une grâce dingue, Sode fait se croiser des personnages dans un Tokyo cloisonné de l’intérieur où chacun(e) cherche sa place et surtout une épaule pour affronter un réel dépourvu de perspectives. Magnifique.

Thomas Baurez

LE MONDE D’HIER ★★★☆☆

De Diastème

Peut- on être plus ancré dans l’actualité ? Le nouveau débute peu avant le premier tour de l’élection présidentielle. La Présidente (Léa Drucker, remarquable)- qui a choisi de ne pas se représenter – apprend par son Secrétaire Général (Denis Podalydès, éblouissant) qu’entre les deux tours un scandale lancé par un site d’information… russe va éclabousser son successeur désigné et propulser à l’Elysée le candidat de la droite extrême. Le Monde d’hier raconte les trois jours qui peuvent changer la donne avec en filigrane la question centrale de jusqu’où aller dans l’illégalité pour contrecarrer cette ingérence extérieure. Ici la mise en scène discrète donne naissance à un huis clos étouffant  où chaque face-à- face entre ces protagonistes est un régal de jeu et de partie d’échecs dont nul ne sait qui sortira vainqueur et ce que chacun a en tête. Ce thriller tendu et mélancolique qui assume son classicisme tient en haleine jusqu’à son dernier plan.

Thierry Cheze

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RETOUR A REIMS ★★★☆☆

De Jean- Gabriel Périot

Les belles parenthèses du titre disent beaucoup de l’entreprise. Soit une adaptation fragmentée du texte de Didier Eribon paru en 2009 où l’auteur profitait d’un retour aux sources pour retracer le parcours de sa famille qui se confondait avec celui du monde ouvrier. Si la partie intime du texte a disparu, Jean-Gabriel Périot (Une jeunesse allemande) se concentrant sur la part sociologique et politique du récit, la fulgurance de la pensée est intacte. Les mots dits avec justesse par Adèle Haenel accompagnent des images d’archives hétérogènes (images d’actualité, extraits de films...). La grâce du montage bouleverse. L’histoire d’une classe ouvrière peu à peu pervertie dans ses fondations reprend du poil de la bête avec les combats actuels des Gilets Jaunes qui instaurent le chaos au sein même du film. Preuve que ce « retour » est une formidable matière vivante.

Thomas Baurez

VEDETTE ★★★☆☆

De Claudine Bories et Patrice Chagnard

Après avoir traité du droit d’asile (Les Arrivants), de l’emploi (Les Règles du jeu) et de la crise de la démocratie (Nous le peuple), le duo Bories- Chagnard dresse le portrait d’une vache – Vedette qu’ils ont eu en « cow- sitting » un été - reine des Alpages et chouchoute de ses proprios, alors que se profile pour elle le temps du déclin. Il y a du western dans la manière de la stariser au moment où elle va tirer sa révérence. Mais derrière cette déclaration d’amour jamais mièvre à cet animal qui fascine ceux qui l’approchent, ce docu pose une question centrale : que révèle l’exploitation animale par l’homme quand un tel est lien est tissé ? L’inhumanité dénoncée par certains se métamorphose t’elle en la plus grande des humanités ? Et comment aller au bout de son amour quand Vedette passera de vie à trépas : en la donnant à consommer à d’autres ou en la mangeant soi- même ? Passionnant et émouvant de bout en bout.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

AZURO ★★☆☆☆

De Matthieu Rozé

Il faut oublier le texte de Marguerite Duras - Les Petits chevaux de Tarquina – dont le scénario s’inspire et se laisser gagner par l’apparente torpeur qui gagne les esprits de cet Azuro. Ce premier long-métrage du comédien Matthieu Rozé voit des couples de vacanciers prisonniers plus ou moins volontaires d’une petite crique. En cela, on pencherait plus du côté du récent Old de M Night Shyamalan. Ici le fantastique ne tient pas tant sur une accélération anormale du temps qu’à l’usure qu’il produit. Au centre des (d)ébats possibles, il y a Sara (Valérie Donzelli très solaire) qui voit en « L’homme » (Nuno Lopes) un nouvel horizon possible. Rozé filme avec sensualité ces va-et-vient des corps et des consciences, mais peine sur la durée à montrer la noirceur et l’ambiguïté que tout ce manège charrie avec lui.

Thomas Baurez

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

CYRANO ★☆☆☆☆

De Joe Wright

Ce Cyrano-ci est une adaptation de la comédie musicale d’Erika Schmidt, dans laquelle Cyrano de Bergerac ne souffre pas du regard des autres à cause de son nez disgracieux, mais de sa petite taille. Peter Dinklage reprend le rôle qu’il tenait déjà sur scène, et l’interprète avec une sorte d’assurance suave à la Brad Pitt – bonne idée, qui compense le fait qu’il chante de façon plutôt banale. Derrière la caméra, Joe Wright déploie ce goût du baroque ostentatoire et tourbillonnant qui animait déjà son Anna Karenine, mais ne parvient pas à trouver le bon équilibre entre ses désirs de romantisme fiévreux, de fantaisie historique primesautière et d’opéra pop et postmoderne. La faute, en grande partie, à des chansons assez faibles. Il suffit d’ailleurs d’une superbe pop song dans le climax, « Wherever I Fall », pour que le film, enfin, décolle… Mais trop tard. 

Cédric Page

 

Et aussi

Le Grand mouvement, de Kiro Russo

Neige, de Cyril Barbançon et Jacqueline Farmer

Que m’est- il permis d’espérer ?, de Vincent Gaullier et Raphaël Girardot

Sonic 2- Le film, de Jeff Fowler

Le Tour d’un monde, de Damien Faure

Touroulis- Voyage entre le Larzac et le Causse comtal, de Denis Poracchia

Reprises

¡Ay, Carmela!, de Carlos Saura

Deux sous d’espoir, de Renato Castellani

Le Grand silence, de Sergio Corbucci