Cette critique acerbe du monde du petit écran signée Sidney Lumet voilà 45 ans est à l’honneur ce soir de « Place au cinéma », présenté par Dominique Besnehard
Un projet inspiré par un fait divers tragique
Le journalisme peu à peu gangréné par le pouvoir de plus en plus étouffant de l’argent et la course au divertissement. Une rédaction qui tente de maintenir ses audiences sans tomber dans ces dérives. On pourrait croire Network : Main basse sur la télévision contemporain de nos années 2020. Et pourtant c’est bel et bien en 1976 que Sidney Lumet a mis en scène ce portrait acerbe des coulisses du petit écran. Au scénario, on retrouve Paddy Chayefsky, auteur notamment en 1955 de celui de Marty pour Delbert Mann. Et c’est un fait divers tragique - le suicide en direct à l’antenne, le 15 juillet 1974 de la journaliste Christine Chubbuck, précédé par ces mots : « pour rester fidèle à la politique de Channel 40 qui consiste à vous informer des toutes dernières violences, le tout en couleur, vous allez assister à une première : une tentative de suicide » - qui va inspirer Chayefsky. Le personnage central de Network, Howard Beale, présentateur depuis 20 ans d’un JT en perte d’audience, va lui aussi menacer de mettre fin à ses jours à l’antenne avant que son geste de rébellion soit récupéré par la directrice des programmes très ambitieuse de la chaîne puis qu’il devienne totalement incontrôlable, embarqué dans un délire populiste. Sidney Lumet qui sort d’Un après- midi de chien va porter à l’écran ce récit… spontanément très mal accueilli par les grands networks américains visés : aucun n’a accepté d’ouvrir ses locaux pour le tournage qui dut donc se rapatrier au Canada et au siège new- yorkais de la MGM qui le produit
Un casting mouvementé
Pour jouer Howard Beale, Sidney Lumet a d’emblée un nom en tête : Henry Fonda. Mais très vite, celui- ci décline, trouvant le personnage trop hystérique. Il se tourne alors vers James Stewart, dont la carrière s’est un peu ralentie dans les seventies. Mais lui aussi refuse, expliquant qu’il ne sent pas à l’aise avec un vocabulaire aussi peu châtié. Chayefsky, lui, penche pour Gene Hackman ou Walter Matthau. Sans plus de réussite. Et c’est Peter Finch, le shérif de Nottingham du Robin des Bois et ses joyeux compagnons de Ken Annakin qui va finir par remporter ce rôle, malgré la crainte initiale de Lumet qu’il ne puisse pas gommer son accent australien. Beale sera son ultime rôle, Peter Finch décèdera en 1977, à 60 ans. Pour camper la directrice des programmes de Beale, là aussi, une pléiade de noms vont circuler, d’Ellen Burstyn à Natalie Wood en passant par Jane Fonda, le choix de la MGM et Vanessa Redgrave qui a les faveurs de Lumet. C’est finalement Faye Dunaway qui sera choisie et suggèrera le nom de Robert Mitchum pour incarner Max Schumacher, le rédacteur en chef de Beale. Mais Lumet ne sera pas convaincu et optera pour William Holden, appuyé par la MGM après le carton de La Tour infernale.
Un récit adapté sur scène
Battu en meilleurs film et réalisateur par le Rocky de John G. Avildsen, Network est cependant reparti avec 4 Césars : scénario, second rôle féminin (Beatrice Straight), acteur (Peter Finch) et actrice (Faye Dunaway). Georges Clooney eut un temps l’idée d’en faire un remake. Mais c’est au théâtre en 2017 à Londres puis à Broadway que Network a connu une deuxième vie, sur une mise en scène de Ivo van Hove avec Bryan Cranston dans le rôle créé par Peter Finch.
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