À bout de souffle, la satire dystopique de Charlie Brooker ne survit que grâce à une poignée d’épisodes.
« Je ne pense pas qu’on sera un jour à court d’idées », nous assurait il y a quelques années Charlie Brooker, le créateur de Black Mirror. Peut-être pas d’idées, mais de bons concepts, c’est désormais une certitude. Le même Brooker explique par ailleurs refuser de voir Severance afin ne pas rougir de la comparaison. On comprend pourquoi : la saison 7 de Black Mirror peine à retrouver le niveau de cette série qu’on a tant aimée, cherchant à remplacer par le mélodrame les angles saillants et la prescience qu’elle n’a plus vraiment. Faut-il tout de même se donner la peine de regarder ces six nouveaux épisodes disponibles sur Netflix ? Réponse ci-dessous.
Des Gens ordinaires **
Pour sauver sa femme qui se trouve entre la vie et la mort, un homme accepte un traitement médical révolutionnaire qui fonctionne sur abonnement. Mais le prix augmente constamment et devient ingérable pour ce couple modeste…
Plutôt le haut du panier de cette saison, un joli petit épisode qui repose surtout sur les prestations touchantes de Chris O’Dowd et Rashida Jones. Charlie Brooker se moque autant de la politique tarifaire de Netflix (le doigt d’honneur reste timide) que du détestable système de santé américain. Plutôt malin, même si Des Gens bien ordinaires a du mal à tenir sur la longueur, la faute à un scénario très répétitif une fois son concept posé.
Bête Noire **
Maria est responsable du développement dans une entreprise de chocolat. Un jour, Verity, une ancienne camarade de lycée qui était rejetée par tous, se fait embaucher dans son entreprise… et remet en cause toute la réalité de Maria.
Le désormais traditionnel épisode façon Contes de la crypte, presque moins techno que surnaturel. L’ère de la post-vérité trumpienne atteint son paroxysme dans cette démonstration par l’absurde du contrôle de la réalité par les plus puissants : parfois un peu idiot, mais heureusement très conscient de l’être.
Hôtel Rêverie *
L’actrice hollywoodienne Brandy Friday est projetée dans un remake high-tech exceptionnellement immersif d’un film romantique des années 40, et doit s’en tenir au scénario si elle veut rentrer chez elle…
Faut-il réinterpréter les grands classiques du cinéma avec la technologie actuelle ? Question que George Lucas se pose visiblement peu, mais qui agite cet épisode d’autant plus intriguant qu’il invite une actrice noire (Issa Rae) au sein d’un monde d’une blancheur absolue. Malheureusement, Hôtel Rêverie n’en fait finalement pas grand-chose, préférant s’attacher à un concept technologique très difficile à gober. D’autant moins pardonnable que Brooker court désespérément après la beauté de San Junipero, en y injectant une bonne dose de La Rose pourpre du Caire et de Casablanca. Loin d’être suffisant pour égaler son aîné.
De Simples Jouets *
Cameron, un solitaire excentrique qui nourrit une obsession pour un mystérieux jeu vidéo des années 90, est arrêté dans le cadre d’une affaire de meurtre non résolue.
Certains épisodes de Black Mirror ont si peu à raconter qu’ils pourraient durer dix minutes sans aucun dommage. De Simples jouets est de ceux-là : une énième mise en garde sur les dangers de l’IA et les geeks rejetés par la société qui trouvent dans la technologie un nouveau dieu à vénérer. Quarante-cinq minutes interminables où la seule source de distraction est l’improbable perruque de Peter Capaldi.
Eulogie *
Une nouvelle technologie permet d’entrer littéralement dans des photographies. Alors qu’il vient d’apprendre la mort de son amour de jeunesse, un homme solitaire se replonge dans son passé et ses zones d’ombres.
Pleurez, on vous dit ! Pas très subtil, Eulogie tente d’imposer l’émotion par tous les moyens à sa disposition. On n’a sûrement pas de coeur, mais ce micro drame susurré n’a eu aucun effet sur nous. Reste le spectacle offert par Paul Giamatti, toujours impeccablement délicat, qui aide à faire passer le temps.
USS Callister : Au cœur d’Infinity ***
Robert Daly est mort, mais l’équipage de l’USS Callister, désormais dirigé par le capitaine Nanette Cole, doit survivre dans un monde numérique sans foi ni loi.
Suite de l’épisode USS Callister de la saison 4 (si vous l’avez manqué, regardez-le impérativement avant celui-ci, sous peine de ne rien y comprendre). Tout ça n’a plus grand-chose à voir avec Black Mirror, mais on s’en fiche éperdument : fun comme un épisode de Star Trek qui aurait pris conscience de lui-même, cet USS Callister : Au cœur d’Infinity est sûrement le space opera le plus fun vu depuis un bail. Même s’il est vrai que la concurrence est très limitée ces derniers temps.
Black Mirror saison 7, à voir sur Netflix.







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