Vincent Lindon
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Après Les Rois de l'arnaque, le scandale lié à la taxe carbone inspire Xavier Giannoli.

Pour sa première incursion dans l’univers sériel, Xavier Giannoli s’empare de l’arnaque à la taxe carbone
et signe un thriller rutilant qui explore la folie d’un capitalisme vorace. Derrière des personnages hauts en couleur, un polar moral et politique.

"C'est l’intelligence de la rue qui baise l’intelligence des grandes écoles." Cette phrase lancée par un des personnages clés du documentaire Les Rois de l’arnaque résume bien l’escroquerie à la taxe carbone. Au début des années 2000, trois margoulins sont parvenus à détourner à leur profit le marché des quotas carbone conçu pour contraindre les entreprises à moins polluer, avant que les rivalités autour du magot ne débouchent sur un bain de sang. Réalisé par Guillaume Nicloux, à mi-chemin
entre Les Affranchis et un épisode de Strip-tease, ce docu faisait le tour de la question et mettait en scène des personnages littéralement hallucinants.

Deux ans plus tard, et six ans après Olivier Marchal qui, avec Carbone, avait transformé cette histoire en film de voyous, Xavier Giannoli s’empare à son tour du sujet. Loin du doc rigolard de Nicloux, le cinéaste imagine un vrai thriller, plongée vertigineuse dans les arcanes de cette combine fascinante. C’est précisé dès le début : les noms des protagonistes ont été changés, certains personnages ont même été totalement inventés. Il ne sera pas question d’égaler l’abattage délirant de Marco Mouly ou le charisme mou d’Arnaud Mimran. Le réel est trop fort. Alors, Giannoli et coscénariste Jean-Baptiste Delafon vont épouser non pas le point de vue des truands, mais celui du flic Simon Weynachter (Vincent Lindon) qui part sur les traces du trio infernal, de Tel-Aviv au 20e arrondissement. L’intrigue est entrecoupée de son témoignage, face caméra, livré dans le cadre d’une information judiciaire à deux fonctionnaires raides et impassibles.

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STYLISTE. Tout le scope de cette mini-série tient dans cette fusion entre réalisme ultra-documentaire et lyrisme opératique. Giannolli a Mann dans le viseur, et pour une fois dans une fiction française, ce n’est pas ridicule. Il raconte l’histoire d’une équipe de casseurs high-tech qui n’ont peur de rien, même quand ils savent qu’il y a un flic en ville (Lindon dans son registre Pacino) qui ne dort pas la nuit, regarde par la fenêtre les lumières métalliques de la cité, et n’aura de cesse que de briser ses adversaires. Giannoli filme tout cela à la manière des
grands stylistes américains : il enregistre comme un cérémonial l’immersion des états d’âme dans leur environnement sauvagement matérialiste ; il alterne les moments de stases (l’ouverture géniale de l’épisode 3 dans la synagogue) avec les sursauts de folie vulgaires. Il y a Mann, mais on pense aussi à Soderbergh et à L’Anglais pour cette science du montage. Pourtant, on retrouve d’abord le cinéaste des Illusions perdues. Il n’y a pas si loin entre la comédie humaine et le casse du siècle. Jérôme Attias (le personnage de Niels Schneider) ou Alain Fitoussi (Ramzy, dément dès sa première apparition dans le cadre) vont définitivement se perdre dans le manège infernal de leur arnaque.

Tous les personnages jouent la comédie sociale. Ils traversent toutes les strates d’une société mondialisée, tentent leur chance, réussissent ou (se) perdent en fonction des circonstances et d’un destin qu’ils pensent maîtriser dans un monde absolument chaotique. C’est là le vrai sujet de la série : le chaos bouillonnant du monde et les tentatives d’un pauvre flic pour y remédier.

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CHEVALIER BLANC. Weynachter, un peu en retrait au début, devient au fil des épisodes l’axe du show. Il tente moins d’arrêter
les malfrats que de décrypter leur combine, de la comprendre et de remettre du sens dans un monde qui est au bord de se décréer et auquel il faudrait redonner forme (les nombreux plans de Lindon face à son tableau blanc, littéralement cabalistique). La
loi, le judaïsme, la rigueur mathématique : ce chevalier (un peu trop) blanc est le véritable point de vue du cinéaste qui observe à travers lui un capitalisme devenu fou, sans limite et qui dévore le monde. À la fin du sixième épisode, on croit tenir une grande série made in France.


Les Rois de l'arnaque : quand la réalité dépasse la fiction [critique]