Drôle d’objet sériel, Lovecraft Country questionne la ségrégation raciale dans l’Amérique des années 50 en réactivant le folklore horrifique de l’écrivain H.P. Lovecraft. À un cheveu d’être génial.
États-Unis, années 50. Quand on est Noir, pas le meilleur moment de l’Histoire pour se lancer dans un road trip à travers le pays de Lovecraft. Alors que la ségrégation raciale a encore de beaux jours devant elle, Atticus Freeman (Jonathan Majors, sur notre radar depuis Da 5 Bloods de Spike Lee), tout juste revenu de la guerre, n’a pourtant pas le choix : il doit quitter Chicago au plus vite pour retrouver la trace de son père, mystérieusement disparu. Mais, en plus des flics racistes à la gâchette facile et des suprémacistes blancs, les petites routes cachent des monstres surnaturels au moins aussi terrifiants…
Du roman de Matt Ruff dont elle est l’adaptation, Lovecraft Country a gardé l’essentiel, à savoir le parallèle saisissant entre l’horreur réelle (la condition des Noirs alors que les lois Jim Crow sont encore en vigueur) et fictionnelle (le bestiaire « lovecraftien »). Quand ils sont correctement entrechoqués, ces deux points de vue produisent des petits miracles de mise en scène et génèrent des instants de trouille à l’état pur. Comme cette course-poursuite d’une tension dingue avec un policier blanc (on pense forcément à Duel), suivie sans plus de cérémonie d’une rencontre sanglante au milieu de la forêt, où rôdent des créatures aux dents acérées.
Une volonté de rupture de ton délicate à tenir sur le long terme, mais qui fonctionne la plupart du temps grâce à un casting peuplé de seconds rôles réjouissants, à l’image des vieux routards Courtney B. Vance et Michael Kenneth Williams. L’occasion de mettre à l’épreuve le charisme indéfectible de Jurnee Smollett-Bell (Birds of Prey), que la showruneuse Misha Green avait déjà dirigée dans la série Underground. À l’évidence, une grande star en devenir.
Pastiche Country
Armée d’une solide connaissance du folklore lovecraftien et de ses ressorts psychologiques, la série s’envisage comme un malicieux pied de nez à la haine raciale du reclus de Providence, et un hommage sincère au cinéma de genre. Chaque épisode pastiche ainsi un sous-genre différent : film de secte, de vampires, de guerre, de fantômes, de science-fiction… Ce qui en fait un objet hybride déroutant dans sa façon de digérer dans le même mouvement les codes de la saga familiale fantastique et de la série anthologique. C’est à la fois la force et la faiblesse de Lovecraft Country, prise en tenaille entre un classicisme ronronnant et une folle modernité pop.
Lovecraft Country, un épisode par semaine, sur OCS.
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