Soirée classique au programme d'Arte avec la diffusion de Shanghai Express de Josef von Sternberg, sorti en salles en 1932. Plus gros succès public de l'année outre-Atlantique, Shanghai Express est aussi l'un des meilleurs résultats au box-office américain pendant la période de la Grande Dépression, engrangeant en tout 3,7 millions de dollars de recettes, une fortune pour l'époque.Un résultat qui montre l'attrait particulièrement marqué du cinéma américain pour Marlene Dietrich, qui forge peu à peu sa légende au début des années 1930 en alignant les succès en salle. Derrière la star, il y a aussi le travail d'un homme, le réalisateur Josef von Sternberg, Pygmalion de l'actrice et partie intégrante de l'explosion de l'interprète de Lili Marleen à Hollywood, von Sternberg eut en effet, plus que n'importe quel autre réalisateur, une influence décisive dans la carrière de celle qui est devenue sa muse, influence d'ailleurs réciproque.Shanghai Express fut la quatrième des sept collaborations que connurent Marlene Dietrich et Josef von Sternberg en à peine cinq ans, de 1930 à 1935. Sept collaborations qui dessinent l'une des associations les plus productives de sa génération, ainsi que l'une des pages les plus glorieuses du cinéma des années 30. À l'occasion de la diffusion de Shanghai Express ce soir, retour en images sur l'histoire commune, sur et en dehors des plateaux, de deux personnalités emblématiques de l'histoire du septième art.Tout commence à la fin des années 1920. Né à Vienne et installé aux États-Unis depuis ses seize ans, Josef von Sternberg, ancien ouvrier d'une manufacture de dentelle devenu figure du cinéma muet grâce au succès des Nuits de Chicago et des Damnés de l'océan, connaît une période plus délicate marquée notamment par l'échec de L'assommeur, son premier film parlant, en 1929. Le studio allemand UFA l'invite alors à venir tourner un film en Allemagne pour se ressourcer. Le réalisateur va alors retrouver l'acteur Emil Jannings, avec lequel il a connu une première expérience difficile sur le tournage de Crépuscule de gloire, qui avait valu néanmoins à Jannings l'Oscar du meilleur acteur.À la même époque, la jeune Marlene Dietrich n'est encore qu'une comédienne débutante venue du monde du music-hall, qui passa la majorité de la décennie à tourner de petits rôles muets chez des réalisateurs comme Alexander Korda ou William Dieterle. Elle passe alors le casting du prochain film de Josef von Sternberg, au cours duquel ce dernier tombe sous la charme de l'actrice. Malgré les protestations de Jannings, von Sternberg lui offre le premier rôle du film, qui deviendra L'ange bleu avec le succès que l'on connaît.Énorme succès public en Allemagne (avant d'être banni par le régime nazi), L'ange bleu révèle Dietrich aux yeux de la Paramount, qui cherche à l'époque une actrice européenne pour contrer l'émergence de Greta Garbo dans la major concurrente de la MGM. L'actrice s'envole avec von Sternberg à Hollywood et tournera en tout six autres films en cinq ans : Coeurs brûlés, Agent X27, Shanghai Express, Blonde Vénus, L'impératrice rouge et La femme et le pantin. Hormis une incursion chez Rouben Mamoulian, Dietrich ne tournera qu'avec un seul réalisateur durant toutes ses premières années hollywoodiennes.Souvent conçus pour surfer sur le succès des films de Garbo (elle joue les Mata Hari dans Agent X27, Shanghai Express était vendu comme un "Grand Hotel sur roues"), les films de Dietrich pour la Paramount sont pour la plupart d'énormes succès (plus encore que ceux de la MGM), même si les deux derniers se révèlent plus confidentiels. Avec sept films en cinq ans, la collaborations entre les deux artistes reste la plus prolifique jamais connue de l'histoire du cinéma américain sur une si courte période.Von Sternberg va contribuer à façonner l'image de femme fatale sulfureuse de Dietrich, qui ose défier les convenances du cinéma américain pré-Code Hayes, notamment en portant un nœud papillon d'homme et en embrassant une autre femme dans Coeurs brûlés. Réunis par leurs affinités créatives et leur défiance commune face à la montée du nazisme (von Sternberg est juif, Dietrich demandera la nationalité américaine en 1939), les deux artistes connaîtront une relation artistiquement féconde, mais pas toujours des plus harmonieuses.Notamment par son travail légendaire sur la lumière de ses films, von Sternberg a grandement contribué à figer la beauté de Marlene Dietrich dans les mémoires. Une influence revendiquée par le cinéaste, qui déclara à plusieurs reprises que la célébrité de son actrice fétiche lui était principalement due, ce qui provoqua la colère de cette dernière. La relation d'abord idyllique, finit par exploser. En 1936, von Sternberg est renvoyé par la Paramount et Dietrich quitte le studio, attirée par les énormes cachets que lui promet le producteur indépendant David O. Selznick.Dietrich et von Sternberg auront par la suite bien du mal à retrouver le succès de leur association : dans la fin des années 30, la cote de popularité de la première s'effondre et lui vaut même d'être qualifiée par la presse spécialisée de "poison au box office" alors qu'elle enchaîne les flops. Quant à von Sternberg, il ralentit considérablement la cadence à la fin de la décennie et ne tournera que six films entre 1936 et 1952. Peu avant sa mort en 1969, le cinéaste avouera avoir plus ou moins "cessé de faire du cinéma en 1935", date de la fin de sa prestigieuse histoire avec la grande Marlene Dietrich.L'histoire de Shanghai Express : A Pékin, huit personnes prennent place à bord du Shanghai Express, qui s'apprête à traverser la Chine en pleine guerre civile. Il y a là Henry Chang, un Eurasien, Hui Fei, une énigmatique jeune femme, Sam Salt, un plaisantin, madame Haggerty, une vieille dame, le révérend Carmichael, un missionnaire intransigeant, le commandant Lenard, de l'armée française, le capitaine Donald Harvey, de l'armée britannique, enfin la belle Shanghai Lily, toute de noir vêtue. Donald Harvey reconnaît en elle Madeline, qu'autrefois il aima tant... Shanghai Express est diffusé ce soir à 22h40 sur Arte.
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