- Fluctuat
Attention ! Ce film est un piège, une véritable prise d'otage du spectateur. Tout commence tranquillement; une chronique adolescente, pas très éloignée de La Boum, avec son lot de poncifs et de figures imposées:
le spectateur suit les aventures de deux nouvelles amies, la tranquille Delphine Olivia la dégingandée, que les hasards de la rentrée des classes ont jeté l'une vers l'autre. De premières sorties en boîte de nuit en premiers baisés, de première amitié fusionnelle en premières relations sexuelles, l'expérimentée Olivia fait découvrir de nouveaux horizons à une Delphine qui se trouve trop sage.Cette première partie du film peut agacer par un amoncellement de lieux communs propres à provoquer l'écoeurement. Mais si on y regarde de plus près, on se rend compte que ces clichés ne sont pas tant à l'initiative du réalisateur que des personnages. Car, en fait, ce sont les jeunes protagonistes qui fantasment l'adolescence; ils reproduisent inconsciemment des stéréotypes développés dans l'imaginaire collectif. C'est en quelques sortes une mise en scène de l'adolescence par de tout jeunes personnages qui n'ont comme référence qu'un romantisme bon marché péché dans les pires romans à l'eau de rose.
Malin, le réalisateur souligne cela par une esthétique de téléfilm proche de la série Seconde B. Il s'empare d'un vocabulaire volontairement pauvre, propre aux sitcoms et autres produits télévisuels, pour endormir le spectateur dans une réalisation ronronnante. Il peut alors lui asséner le coup de grâce: plonger le spectateur dans l'horreur et le sordide.Et c'est à Todd Solondz que l'on pense alors. Comme lui, Améris montre la perversion tranquillement. Il remue le spectateur, le secoue et le fait grincer des dents tout en gardant une distance ironique (délicieuse Micheline Presle). Il jette en pâture l'innocente mais déterminée Delphine, petit bout de chou de 14 ans, à de jeunes séducteurs apprentis souteneurs. Ce cynisme de la part du réalisateur (il la mène à sa perte, inexorablement et sans remords) peut faire fuir. Mais, même si ce film est une épreuve pour vous, par pitié ne partez pas. Ce n'est que longtemps après l'avoir vu que vous apprécierez ce Mauvaises Fréquentations qui vous a joué un si mauvais tour.Mauvaises Fréquentation
De Jean-Pierre Améris
Avec Robinson Stévenin, Lou Doillon, Maud Forget
France, 1998, 1h38.
Mauvaises Fréquentations