Lalo Schifrin - Opération Dragon : "Bruce Lee était fan de la musique de Mission Impossible"
Warner Bros.

50 ans après sa disparition prématurée, Arte consacre sa soirée à la star, en rediffusant le classique de Robert Clouse suivi par le documentaire Be Water.

Bruce Lee sera à l'honneur, ce soir sur Arte. Pour le 50e anniversaire d'Opération dragon, qui coïncide avec celui de la disparition précoce du comédien, à seulement 32 ans, d'un oedème cérébral, le film ressort en blu-ray 4K.

Première consacre un dossier à cette réédition de la Warner Bros dans le n°544 (avec Napoléon en couverture). En voici un extrait, en attendant de retrouver le film culte à 20h50 sur la 7e chaîne. Nous repartageons également un passage de notre interview de Lalo Schifrin, le compositeur du film, qui avait partagé dans notre magazine ses BO favorites en 2016.

"Bruce Lee était fan de la musique de Mission Impossible, nous confait-il à propos de ce qui l'avaitamené à accepter de travailler sur Opération dragon. J’ai découvert que, à Hong-Kong, il s’entraînait sur cette musique-là tous les jours. Le thème principal l’obsédait. Bref, il connaissait mon travail et quand il a fallu trouver un compositeur pour son premier film américain, il a donné mon nom. J’avais travaillé l’ethnomusicologie pendant mes années d’études donc je connaissais un peu la musique extrême-orientale et comme pour Luke, j’ai voulu mélanger les genres, mêler des éléments asiatiques au jazz dans une partition très orchestrale. J’ai adoré travaillé avec Bruce Lee. Je me souviens que pendant un enregistrement, il s’était tourné vers moi m’avait demandé si je faisais du sport. J’avais répondu "un peu de tennis". Et Bruce m’avait alors dit qu’il fallait me mettre aux arts martiaux. Il a été mon professeur et je suis ceinture noire !"

PRODUCTION / WARNER BROS

Opération Dragon, un film habité par la pulsion de mort

En présentant la réédition de ce classique des films d'arts-martiaux, François Grelet écrit :

"Comme tous les films de Bruce Lee, Opération Dragon est avant tout un véhicule, mais celui-là est un peu plus chromé que les autres. Il est symptomatique d’un certain savoir-faire hollywoodien des 70s qui savait s’exprimer même lorsque l’équipe technique ne rassemblait pas que des cadors (il y a quand même ici Lalo Schifrin, dont la BO orientalo-funky-lounge est devenue un classique). Sorti quelques semaines après la mort de sa star, le film en a toujours porté le deuil et aucun spectateur au monde n’a jamais pu le regarder autrement que comme une expérience totalement mortifère. Cinquante ans plus tard, Opération Dragon est toujours un film habité par la pulsion de mort, et ceci bien plus que les trois longs métrages qui le précèdent dans la filmo de sa tête d’affiche.

(…)

Dans Opération Dragon, pour sa grande première en mondovision, le paradigme changeait soudainement : Bruce Lee incarnait un simili James Bond hongkongais, mais surtout une présence assez fantomatique. Envoyé par le gouvernement sur une île perdue au milieu des eaux internationales, il devait y mettre fin aux agissements de son propriétaire, un dénommé Han, mix improbable entre Jeffrey Epstein, Pablo Escobar et un moine shaolin défroqué.

Si Lee (c’est le nom du héros du film) ne se faisait pas prier, ce n’était pas seulement par bonté d’âme, mais parce que le sbire du grand méchant était responsable de la mort de sa sœur. Comme dans tous ses films, Bruce Lee était guidé par une certaine soif de vengeance, mais dans Opération Dragon, elle ne débouchait sur aucun sentiment cathartique ou libératoire. Dès les premiers instants du film, Lee (le héros comme l’acteur) apparaît un peu défait, contraint, sans illusion face à la mission qui lui est confiée et son destin. Contrairement aux deux autres protagonistes du film, incarnés par les très gouailleurs Jim Kelly et John Saxon, il se refuse à goûter aux plaisirs de la chair et éconduit aimablement les prostituées qu’on lui offre – il préfère écrire studieusement son journal intime. Il semble par ailleurs n’entretenir absolument aucun lien d’amitié ou d’empathie avec ses camarades américains (unis, eux, par la guerre du Vietnam), ni avec qui que ce soit d’autre dans le film, d’ailleurs. Lorsqu’il aura l’opportunité de délivrer quelques jeunes filles camées et encagées, il préférera tracer sa route, et ne pas griller son statut undercover…

C’est toute la spécificité du film et son grand pouvoir d’attraction : quelque chose ici semble s’être éteint chez Bruce Lee, devenu une sorte d’ange de la vengeance miné par une certaine mélancolie, c’est-à-dire le contraire non seulement de James Bond, mais aussi de Bruce Lee."

La suite de notre dossier spécial Bruce Lee s'intéresse à la fabrication particulièrement chaotique d'Opération dragon, ainsi qu'à la sortie d'un coffret anglais édité par Arrow consacré à sa courte filmographie : Bruce Lee at the Golden Harvest. A conseiller à tous ses fans, même s'il n'existe pas en VF.

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Notez enfin qu'Opération dragon sera suivi de Be Water – l'histoire de Bruce Lee. Ce documentaire, qui retrace la difficile ascension de la star chinoise aux Etats-Unis, et sa tentative de briser les préjugés racistes, est déjà visible gratuitement sur le site de la chaîne. Pour ce portrait, Bao Nguyen a recueilli les témoignages de sa veuve, Linda Lee Cadwell, et de leur fille Sharon, entrecoupés d'images d'archives et personnelles.

Opération dragon est également à voir sur Arte.TV, mais seulement de 22h à 6h, comme il est interdit aux moins de 16 ans. pour y accéder, il faut préciser votre âge et vous connecter au site. Ce soir, la diffusion du film en première partie de soirée sera accompagnée d'un tampon "-16", car les chaîne n'ont le droit qu'à très peu de films pour adultes en prime time par an : quatre en tout et pour tout. C'est pour cette raison que Django Unchained, de Quentin Tarantino, est "adouci" dans sa version télé, avec ses plans les plus sanglants coupés, ou qu'Once Upon a Time... in Hollywood a été dévoilé pour la première fois en clair coupé en deux parties, avec un carton prévenant que sa fin (diffusée après 22h) contenait de la violence graphique.

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