Katherine Langford brandit Excalibur dans cette variation "teen" et sans souffle du mythe arthurien.
La légende du Roi Arthur a déjà été maintes fois revisitée sur le grand et le petit écran. La revoilà aujourd'hui sur Netflix en version "teen fantasy", une série intitulée Cursed et imaginée par la star des comics Frank Miller, avec l'aide du scénariste Tom Wheeler (qui avait signé The Cape à l'époque). Une variation développée en même temps qu'un comics, sorti en octobre dernier. Mais ce qui marchait sur le papier peine à prendre vie à l'écran, tant cette adaptation plate et sans souffle a des faux airs de téléfilm sous-budgété.
Cursed raconte l'histoire d'Excalibur par le prisme de la Dame du Lac ou plus précisément de Nimue, une jeune Faë appartenant à cette race de la forêt, vivant en parfaite harmonie avec la nature. Mais l'Eglise en plein essor refuse que ces traditions païennes perdurent sur les terres de Bretagne et mène une véritable chasse aux sorcières, sous les ordres du Père Carden, le leader des Paladins Rouges. Cette milice sème la terreur, brûle, et massacre les clans des Faës, les uns après les autres. Le Roi Uther Pendragon, conseillé par Merlin, est dépassé par la situation. Mais grâce à l'épée de pouvoir que lui a légué sa mère, Nimue va partir en mission, pour tenter de sauver son peuple.
Visuellement, Cursed ne manque pas d'ambition. Sous la houlette du brillant Frank Miller, qui délaisse son classique style noir et macabre, la série arbore une esthétique féerique enchanteresse, qui a de quoi séduire. "C'est bien différent de mon travail habituel, mais en même temps c'est le but d'une carrière, de tenter des choses différentes", nous confiait d'ailleurs le créateur de 300 et Sin City. Cursed embrasse aussi son côté comics, et joue à fond la carte de la fantasy pure et dure, en y apportant une touche de modernité, dans la distribution notamment, puisque la série a pris le parti de caster un Arthur métisse, afro-américain. Un choix audacieux, presque avant-gardiste, qui prend une résonance toute particulière aujourd'hui, alors que le mouvement "Black Lives Matter" s'impose désormais comme une évidence. "Chaque légende est réinterprétée, de génération en génération, et cette génération veut être représentée dans toute sa diversité", insiste ainsi Miller.
Mais malgré ses belles intentions, Cursed peine à convaincre. D'abord parce que l'approche adolescente du mythe prend le pas sur tout le reste. Visiblement calibrée pour un public cible, la série n'arrive pas à sortir d'un canevas manichéen bête et méchant, de petites bluettes mièvres et stéréotypées, et puis balance soudainement quelques moments sanglants, comme pour nous convaincre du contraire. L'écriture de Cursed est sans aucun doute son plus grand mal. Sans rythme, sans souffle, elle semble comme engluée dans les jolis visuels adaptés de ses comics, et s'embourbe ensuite dans une mythologie artificielle vide de sens, à laquelle on ne croit jamais vraiment.
"Cursed n'aurait pas pu exister sans Game of Thrones" [exclu]Notamment parce que les jeunes héros manquent cruellement de charisme. Katherine Langford, aussi brillante fut-elle dans 13 Reasons Why, n'a pas cette aura indispensable pour porter une série d'une telle envergure. Mais elle n'est pas la seule à blâmer. Aucun visage ne ressort vraiment du lot. Difficile alors pour Cursed de prendre sa pleine mesure et d'incarner un prétendant crédible à la succession de Game of Thrones. Car la série lorgne ostensiblement vers l'ex-drama star de HBO, mais est encore loin d'en avoir la densité, la maturité, la sophistication. Même si, par séquences, la fantasy de Netflix n'a pas à rougir des combats épiques qu'elle met en scène ; même si, de temps à autre, on a envie de s'enflammer pour cette guerre sainte entre christianisme et paganisme ; même si, à de rares occasions, Merlin joue joliment de sa magie, on reste froid devant les maléfices de Cursed.
Cursed, saison 1 en 10 épisodes, disponible sur Netflix le 17 juillet 2020.
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