- Fluctuat
Des scénaristes en vacances, un réalisateur à mi-temps, des comédiens vaguement absents, une adaptation d'un génie de la science fiction comme beau prétexte, le nouveau John Woo est arrivé. Aimons le coûte que coûte, envers et contre tous.
Le génie au cinéma ça s'explique ou pas ? A voir. Remettons la question entre les mains de (saint) Matthieu Amalric, qui sait ce que c'est (le cinéma est la préservation réac d'une sacro sainte cinéphilie défunte), et laissons nous aller, baigner, dans un bain de naïveté.. Réclamons nous comme les sublimes bâtards de la cinéphilie, les enfants pas terribles de la télévision, prêts à mourir aussi bien avec le souvenir de James Dean dans Rebel without a cause de Nicholas Ray que celui de Matsuda Ryuhei dans Blue Spring de Toyoda Toshiaki.Paycheck donc. Le nouveau John Woo, réalisateur de chefs d'oeuvre aux noms fracassants : Bullet in the head, Hard Boiled, Face Off. Qu'est-ce qu'il vient faire là ? Cette petite fiction maigrement inspirée du grand K.Dick, maladroitement adapté, dont on a vampirisé la substance sans la virtuosité et le génie de Spielberg, sera toujours plus digne qu'un palmarès des césars. Cette grande course poursuite, ce jeu de piste chic et toc où Michael (Ben Affleck très terne avec une coupe à la Cary Grant) et Rachel (Uma Thurman qui sourit), tentent de conjurer l'avenir pour sauver leurs peaux et le monde, signe autant l'arrêt de mort du suspens qu'un contrat de naïveté absolu entre nous et les images. Il n'y a rien à croire ni presque à voir dans Paycheck, pas de récit haletant, de moment périlleux, de scènes de bravoure virtuose. Pas même de gadgets high tech comme chez Spielberg. Le grand Woo balise son film de ralentis et d'effets joyeusement moches. Et nous assistons à un futur appauvri, simple ou normal, presque sans fantasmes. Tout ce qui compte tient dans une enveloppe. Une vingtaine de babioles, les éléments clés d'un puzzle déjà vu, imaginé, prédit. L'avenir du monde et du film est déjà raconté, plus qu'à attendre que ça se passe. A défaut d'originalité, les myriades de complexification temporelles promises par le scénario se déploient dans une incohérence ou vers un irrationnel qui prêtent à sourire. Même l'action a perdu cette cadence que le Woo mélomane sait pourtant si bien chorégraphié. Malgré tout il faut continuer à y croire.C'est dans ses images les plus mièvres, comme celles où le visage d'Uma Thurman vient se lover dans un écrin de lumière que Paycheck dit le mieux qui il est. Une sorte de croisement attardé et dégénéré entre La mort aux trousses et Minority Report. Un objet ingrat, mal foutu, vaguement travesti. L'autre visage du Woo encensé, le négatif de la star qui a cachetonnée sur des dizaines de productions mineures à Hong Kong avant que Tsui Hark lui face confiance. Le Woo des séries TV U.S, le paresseux de Hard Target ou de Broken Arrow. Celui qui, cherchant quand bien même le moyen de pirater ses commandes, sait qu'Hollywood est et ne peut être que sa terre sainte. Pour que les images virevoltent encore, même n'importe comment ou pour n'importe quoi. Il aurait perdu la mémoire pour palper un gros chèque à l'image de Michael dans le film ? Et alors ? Le cinéma comme le monde n'ont pas besoin d'être sauvés. Il suffit juste d'encore y croire. Pourquoi ne pas commencer ou continuer avec Paycheck ? Après tout, ce n'est qu'une histoire d'amour.Paycheck
Un film de John Woo
Avec : Ben Affleck, Aaron Eckhart, Uma Thurman, Paul Giamatti, Micheal.C.Hall, Colin Feore.
Sortie Nationale le 25 février 2004[Illustrations : DR United International Pictures]
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