Le Comte de Monte-Cristo 2024 en photos
Pathé

Moderne, enlevée et traversant tous les genres, ce Monte Cristo est une réussite

Après les Trois Mousquetaires (partie 1 et 2), voici donc la deuxième pierre du Dumas Cinematique Univers. Le Comte de Monte Cristo. C'était une évidence. Ce roman de Dumas est l’un des grands récits mythologiques de notre littérature. Ce n’est pas le premier à raconter une vengeance, mais c’est le premier à lui donner une dimension universelle. Mythique. Légendaire. On connait l’histoire, alors soyons brefs. Edmond Dantes est un jeune homme bien sous tous rapports jusqu’à ce que des pourris de la Monarchie de Juillet lui piquent tout : son argent, sa promise, ses espoirs. Sa vie. Case prison. Puis résurrection. Aidé d’une improbable fortune, il change d’identité, et ne se consacre qu'à sa vengeance. Ses représailles vont tout renverser, jusqu’aux piliers de la société : le pouvoir financier, le pouvoir judiciaire et le pouvoir militaire.

Depuis des décennies, ce roman obsède donc le cinéma. Le problème est simple : comment éviter d’en faire l’un de ces paquebots ouvragés, coincés entre plus-value kulturelle et patrimoine national. Il suffit sans doute de revenir au livre. On connait la phrase de Dumas : « Commencer par l'intérêt au lieu de commencer par l'ennui, commencer par l'action au lieu de commencer par la préparation.». Dumas, c’est Ford, c’est Walsh, c’est Huston… L’instinct (les guts). Le souffle. La vitalité. La vivacité narrative et la rapidité. Tout est là, prêt à l’emploi. Mieux d’ailleurs. Sans le savoir, son Monte Cristo inventait le superhéros. La fortune, les masques, l’illusion et les supervilains : Dantes / Cristo c’est Wayne / Batman, un type traumatisé par une injustice qui décide de restaurer l’ordre par des moyens totalement illégaux, (voire fascisant?).

Le Comte de Monte-Cristo (2024)
2024 CHAPTER 2 – PATHE FILMS – M6 - Photographe : Jérôme Prébois

Un pur fantasme de cinéma donc. Bonne nouvelle : Delaporte et De la Patellière avaient visiblement tout cela à l’esprit quand ils se sont lancés dans l’aventure. Leur film, très fidèle au texte, à sa langue, épouse à merveille les soubresauts du récit. Sa folie, sa grandeur outrancière. Tout est dit dès l’ouverture. Dans une séquence vraiment épique, en pleine tempête, un marin sauve la vie d’une femme. Il y a du souffle (le film cavalcade tout le temps), de l’exotisme et du thriller. Mais surtout il y a cette idée forte : ici, c'est le personnage qui drive le film. Un peu comme les bons Rappeneau (auxquels on pense beaucoup), ce Monte Cristo n’a qu’un moteur : le mouvement. Celui de Cristo qui veut sa vengeance.

Evidemment, ce qui impressionne tout de suite, c’est Pierre Niney. D’une élégance et d’une fluidité folle. Ses gestes et ses mots sont précis, mortels. Son Dantes est naïf et solaire, mais il plonge son Monte Cristo dans des abymes de noirceur enivrantes. L'incarnation de cette dualité est étourdissante. Belle idée encore : le héros ici n’est pas un acteur qui s’invente une nouvelle identité (lecture traditionnelle du personnage), c'est un créateur de faux-semblants, un batisseur de décors dans lesquels il va piéger ses proies. C’est un metteur en scène qui trompe son monde et dont la pièce se jouera en trois actes. Mortels. Cette version permet aux deux réalisateurs de jouer avec l'anticipation du spectateur, de ménager du suspens. En transformant ainsi leur personnage, ils écrivent le scénario d'une revanche dont il va rester le maître.

Aidé par un casting ébouriffant, cette version du livre est une réussite. Enlevée, intelligente et superbement incarnée.