La réinvention du super-héros mythique de DC Comics n’est pas une révolution mais dépoussière efficacement le genre.
La meilleure scène de Superman n’est pas une baston homérique entre demi-dieux mais une simple discussion dans un salon. Plus précisément la toute première interview accordée par l’Homme d’acier à Lois Lane (impeccable Rachel Brosnahan), sa collègue du Daily Planet et compagne depuis trois mois, qui n’en peut plus de voir Clark Kent nourrir ses articles des propos de son alter ego. La journaliste l’asticote à juste titre sur le dernier fait d’armes de Superman, intervenu de son propre chef pour stopper à lui seul l’invasion d’un pays imaginaire de l’Est - référence à peine voilée au conflit ukrainien. De l’héroïsme à l’état pur, qui pose tout de même de lourdes questions sur l’interventionnisme de l’être le plus puissant de l’univers… « Mais des gens allaient mourir ! », s’époumone le boy-scout joué par David Corenswet, qui campe sur sa position et met fin brutalement à l’entretien.
Superman serait-il au-dessus des lois et des gouvernements ? On aurait beaucoup aimé que le film creuse la piste de la portée géopolitique de son héros, mais le réalisateur/scénariste James Gunn (la trilogie Les Gardiens de la Galaxie, The Suicide Squad) semble accaparé par un cahier des charges quasi intenable : réinventer Supes tout en faisant de lui la rampe de lancement d’un nouvel univers DC Comics, dont le cinéaste est le co-patron. Et avouons que, vu les circonstances, que le bonhomme s’en sort avec les honneurs.
Saison 3
À l’opposé de la vision de Zack Snyder, Gunn gomme l’esprit de sérieux et la parabole christique pour imposer une légèreté pop (presque pulp) au personnage, qui se retrouve autant dans les vannes constantes que dans la colorimétrie. Le film assume son côté vintage, à cheval entre les comics et le cinéma des années 80, et va à la vitesse de l’éclair : dès la première image, un carton nous apprend que les métahumains peuplent la Terre depuis 300 ans. On a parfois l’impression d’avoir démarré une série à la saison 3 (pas le temps de nous raconter les origines des seconds couteaux Green Lantern, Hawkgirl ou Mister Terrific), mais ce choix force une certaine efficacité narrative, et permet de se concentrer quasi entièrement sur la confrontation entre Superman et Lex Luthor (Nicholas Hoult, délicieusement cabotin).
Un milliardaire de la tech timbré, égocentrique et jaloux, bien décidé à détruire son ennemi juré avec un tour de passe-passe scientifique et en manipulant l’opinion publique (les haters des réseaux sociaux sont comparés à des singes derrière leurs écrans - on avoue avoir ri). David Corenswet, lui, tient efficacement la barre dans le rôle-titre : charmant, charismatique sans faire d’effort, doux et dur quand il le faut.
Trouver son âme
Mais le film veut être trop de choses à la fois et peine parfois à tout réconcilier : la dramaturgie en prend un sérieux coup et la grammaire des scènes d’action laisse à désirer, James Gunn se contenant de faire tournoyer sa caméra en grand angle pour donner de l’impact à ses images bourrées ras la gueule d’effets spéciaux numériques. Pourtant, quelques idées visuelles sortent du lot (la verticalité et l’échelle impressionnante de certaines bastons ; une faille géante au milieu de la ville ; le très rigolo chien Krypto lancé dans la bataille…) et Superman finit par l’emporter en trouvant son âme autant dans ses maladresses que ses coups d’éclat. Il y a là suffisamment de tentatives loufoques et d’énergie cinétique pour dépoussiérer le cinéma super-héroïque des dix dernières années. C’est à la fois peu et beaucoup.
Superman, de James Gunn, avec David Corenswet, Rachel Brosnahan, Nicholas Hoult… Durée 2 h 09.







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