Guide du 11 décembre 2019
Apollo Films / Orange Studio Cinéma-UGC Distribution / KMBO

Ce qu’il faut voir cette semaine.

UNE VIE CACHÉE ★★★★★
De Terrence Malick

L’essentiel
Terrence Malick revient à son lyrisme panthéiste et signe un film d’une beauté terrassante sur la foi et le doute.

Écrire sur Terrence Malick est une tâche délicate. Alors, autant revenir aux fondamentaux. Et à quelques certitudes : on n’est pas près d’oublier la projection cannoise d’Une vie cachée. Après quelques images, les yeux mouillés, les pupilles dilatées, on savait qu’on n’oublierait jamais cette séance. Le film suit le parcours de Franz Jägerstätter, paysan autrichien croyant qui refusa de prêter allégeance à Hitler et finit décapité en 1943. Des débuts arcadiens (dans de sublimes paysages) à sa faillite transcendantale et sa fin enténébrée (les scènes dans la prison nazie et l’exécution), on découvrait une fresque sublime, étirée, et qui s’imposait immédiatement comme l’un des sommets du réalisateur. Malick était bien de retour.
Gaël Golhen

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PREMIÈRE A AIMÉ

DOCTEUR ? ★★★☆☆
De Tristan Séguéla

C’est la comédie de Noël et le retour en grande forme de Michel Blanc. Avec son ton sec et sa répartie pince-sans-rire, le comédien est parfait en toubib blasé. Dès la scène d’ouverture, on est dans l’ambiance : SOS médecins, la nuit de Noël, face à une famille adepte des traitements bio et enveloppants, Serge le docteur montre très peu d’empathie et beaucoup d’agacement face à un bébé criard. Le médecin de Noël serait-il une ordure ?
Sophie Benamon

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LE CRISTAL MAGIQUE ★★★☆☆
De Regina Welker & Nina Wels

Accompagnée d’un écureuil, une petite hérissonne part en quête d’un joyau capable de sauver le peuple de la forêt de la sécheresse. Au programme : rencontre avec une bande de loups snobs, un castor bégayant, une grenouille mystique, un royaume d’ours danseurs... Et une morale sympa sur l’acceptation de soi : notre héroïne, orpheline de père et persuadée d’être une princesse, se fait chambrer par ses copains à fourrure et devra prouver que la vraie valeur vient du cœur, ce qui fait toujours plaisir. Cette quête forestière, adaptée d’un livre pour enfants suédois de 1956, est enrobée d’une animation très correcte qui donne une vraie présence physique aux animaux. OK, ce Cristal magique venu d’Allemagne n’est pas le film d’animation de l’année, mais ça passe tout seul et fera vraiment plaisir à vos jeunes enfants si vous les emmenez le voir pendant les vacances.
Sylvestre Picard

LA VIE INVISIBLE D’EURÍDICE GUSMÃO
★★★☆☆
De Karim Aïnouz

Un mélo « tropical » nous dit la communication de ce film brésilien remarqué et célébré lors du dernier Festival de Cannes (prix Un certain regard). C’est peu dire que les éventuels excès de romanesque s’assument ici pleinement. Reste à savoir si ce trop-plein parvient à créer une force propre à réveiller l’émotion du spectateur sans l’ensevelir sous les décombres du sentimentalisme. La Vie invisible d’Eurídice Gusmão est le genre de film qui avance sur le fil du rasoir et parvient, à l’aide d’une mise en scène aussi sobre qu’inspirée, à viser juste, d’autant plus que, la plupart du temps, son scénario s’en tient à une temporalité relativement resserrée et n’essaie pas de nous embobiner à coups d’ellipses convenues. Dans le Brésil des années 50, au cœur des faubourgs de Rio de Janeiro, deux sœurs issues d’un milieu populaire attendent tout ou presque de la vie. L’une se rêve pianiste concertiste en Europe quand l’autre espère trouver le grand amour. Si on se doute que les choses seront compliquées – qui plus est dans une société machiste –, la force du récit inspiré d’un roman de Martha Batalha est de raconter un double fantasme. Bientôt séparées, Eurídice et Guida imaginent chacune à distance la vie de l’autre. Cet espoir niché au coeur d’une infinie tristesse (quand reverrai-je cette sœur adorée accaparée par son merveilleux destin ?) leur donne la force de surmonter blessures et frustrations. Les deux actrices avancent dans cette intimité douloureuse sans jamais s’excuser de porter haut les émotions de leur personnage. Un ravissement.
Thomas Baurez

LOLA VERS LA MER
★★★☆☆
De Laurent Micheli

Certains films dialoguent et se complètent sans l’avoir cherché. Comme ce Lola vers la mer et Girl. Leurs héroïnes sont deux jeunes transgenres en plein processus de réattribution sexuelle. Mais si la Lara de Lukas Dhont vivait cette transition avec le soutien de son père, la Lola de Laurent Micheli se retrouve, elle, isolée avant l’opération, car sa mère qui l’épaulait vient de mourir. À son enterrement, elle retrouve un père hostile qu’elle n’a pas vu depuis deux ans et avec qui elle entreprend pourtant, comme le souhaitait sa mère, un voyage pour disperser ses cendres, au cours duquel ces deux contraires vont apprendre non sans heurts à s’apprivoiser. Malgré ses maladresses, ce premier long mû par une sensibilité à fleur de peau est avant tout porté par un duo magnifique : la révélation Mya Bollaers et Benoît Magimel, déchirant en père dépassé par les événements.
Thierry Cheze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

JEUNE JULIETTE ★★☆☆☆
De Anne Émond

Juliette (formidable Alexane Jamieson) est de forte corpulence mais n’en fait pas une maladie, d’autant qu’elle est entourée d’un père et d’un frère plutôt bienveillants. Le problème, ce sont plutôt les autres qui la renvoient à ses rondeurs. La Québécoise Anne Émond signe un teen movie touchant qui évite certains écueils du genre comme le fat shaming insistant ou le cyberharcèlement d’usage. A contrario, sa maturité et son intelligence supérieure rangent sa « jeune Juliette » dans la catégorie un peu prévisible des freaks scolaires (les gros, les moches, les petits, etc.) qui grandissent plus vite que les autres et qui n’attirent que des gens leur ressemblant. Cependant, en l’état, Jeune Juliette reste une jolie proposition de cinéma, entre chronique douce-amère et portrait d’une génération désenchantée.
Christophe Narbonne

PAHOKEE, UNE JEUNESSE AMÉRICAINE
★★☆☆☆
De Ivete Lucas & Patrick Bresnan

On pense forcément à l’approche de Frederick Wiseman dans cette exploration documentaire d’un territoire précis, sans voix off ni témoignages directs, mais guidée par la justesse supposée du regard. On y pense et on ne devrait pas, car Ivete Lucas et Patrick Bresnan se perdent un peu et ne tiennent pas la distance. Leur film décrit la vie de Pahokee, une ville de Floride peuplée majoritairement d’Afro-Américains, en se focalisant sur différents protagonistes. Sous-titré pompeusement Une jeunesse américaine, le film manque d’équilibre (les exploits de l’équipe de foot US locale phagocytent tout le récit), pose des jalons pour s’en détourner (on ne mesure pas bien les idéaux de ces jeunes) et peine, in fine, à saisir la singularité d’un territoire censé être représentatif d’un pays tout entier. Reste cette impression irremplaçable d’avoir fait un peu partie de ce monde.
Thomas Baurez

LE CHOIX D’ALI
★★☆☆☆
De Amor Hakkar

Le point fort du film réside dans sa maîtrise du non-dit, celui de l’homosexualité qu’Ali préfère taire pour regagner les faveurs de sa famille musulmane, et que le scénario parvient à rendre inaudible sans pour autant la cacher. Dommage que le reste peine à suivre, entre réalisation parfois pataude, acteurs semblant eux-mêmes peu convaincus par leur propre performance – excepté Sophia Chebchoub, incarnant la sœur du héros –, et surtout récit statique se concluant à la hâte sans qu’un développement ne justifie vraiment le choix d'Ali.
Joanna Mutton

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

LES ENVOÛTÉS ★☆☆☆☆
De Pascal Bonitzer

Sara Giraudeau et Nicolas Duvauchelle sont les héros de ce huitième film de Pascal Bonitzer, cinéaste de l’élégance et du dialogue percutant. Le réalisateur de Rien sur Robert creuse cette fois-ci une veine fantastique en adaptant librement une nouvelle de Henry James, Les Amis des amis, dont Truffaut s’était notamment inspiré pour La Chambre verte. Transposée dans la France contemporaine, l’histoire met en scène une journaliste intriguée par un phénomène surnaturel : certaines personnes voient leurs proches au moment de leur mort. Malheureusement, le cinéaste oublie un peu vite son histoire de fantômes pour déployer une romance alambiquée entre faux-semblants et vraies rencontres. La tension qu’il fait régner habilement au début de son drame redescend au profit d’errements un peu lassants. Dommage.
Sophie Benamon

LILLIAN
★☆☆☆☆
De Andreas Horvath

En 1927, Lillian Alling, une Russe vivant à New York, a décidé de rentrer à pied dans son pays et reste toujours considérée comme disparue... Cette information nous est donnée dans le carton final de ce premier long métrage d’Andreas Horvath, qui lui rend ici hommage. Mais elle aurait été bien plus utile en ouverture de son récit, tant on peine à comprendre les tenants et les aboutissants du voyage entrepris par sa Lillian moderne, du pont de Brooklyn au détroit de Bering. Le parti pris de ne donner aucune explication à cette fuite et d’enfermer son héroïne dans un mutisme radical ne manque pas d’audace. Mais il aurait alors fallu nourrir ce road-movie autrement que par une collection d’images d’Épinal sur les USA et fuir ce réalisme sans relief pour proposer une échappée poétique entre rêve et cauchemar. Car ces 2 h 10 paraissent aussi sentencieuses qu’interminables.
Thierry Cheze

 

Et aussi
Black Christmas de Sophia Takal
Leatherdaddy de Nicky Murphy
One mind – Une vie zen d’Edward A. Burger

Reprises
La carrière d’une femme de chambre d’Anne Edmond
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Le diable en boîte de Richard Rush
Stop making sense de Jonathan Demme
Un homme nommé Cheval d’Elliott Silverstein