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Débarrassé des sempiternelles explications sur le fonctionnement du monde des sorciers, il ose même de la création pure en représentant la plus grande peur de Ron ou en illustrant un conte pour enfants sur la grande faucheuse au format mini-film d'animation inspiré des ombres chinoises. Sublime. Quant au monde qu'arpentent désormais nos jeunes héros, il s'est changé en un univers essoré par la peur. (...)Il est loin le temps des jolis thèmes enchanteurs de John Williams. Ce triomphe de la magie noire, c'est le retour à l'essence même de cette grande saga.
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par Emilie Lefort
Toutes les critiques de Harry Potter et les reliques de la mort : 1ère partie
Les critiques de la Presse
Avec le Prince de Sang Mêlé, la malédiction David Yates semblait s’être définitivement abattue sur Harry Potter. Surprise, le cinéaste semble s’être réveillé pour Les Reliques de la Mort partie 1. Après avoir déchaîné la colère des fans en réduisant des évènements fondamentaux (l’importance de Rogue), en inventant des scènes inutiles (Harry draguant une serveuse) ou en ridiculisant certains personnages (Ginny faisant les lacets d’Harry pour le draguer, non mais sans blague), la potence était déjà prête pour ce 7ème film. Pourtant après avoir vu les Reliques de la mort, il ne nous reste plus qu’à ranger goudron et plume. Yates réalise un véritable tour de force en offrant l’une des meilleures adaptations de la saga. L’atout de cette première partie du chapitre final est de nous montrer l’attente et la quête de nos 3 héros qui, interminable dans certains chapitres, est ici tout aussi « longue » mais traitée avec une réelle justesse. Le casting - Radcliffe, Watson et Grint de tous les plans - a pris du poil de la bête à l’image de leurs personnages et la réécriture, rondement menée. Les rares scènes d’actions sont déjà hallucinantes et laissent présager le meilleur pour la grande bataille finale à Poudlard. Bref, Les Reliques de la mort – 1ère partie nous réconcilient avec Yates et nous plongent dans une ambiance lourde et pleine de tension. A l’apparition du mot fin, il ne nous reste qu’une immense frustration et une envie de trouver le sort nous permettant d’arriver au 13 juillet 2011 plus vite.
Cet épisode est, à cette aune, archi emblématique. Impossible à résumer alors qu'il ne s'agit pourtant que d'une moitié de livre, saturé d'un jargon imbitable, le film se révèle paradoxalement très épuré dans ses intentions, en tout cas davantage que dans les autres segments : plus sombre, plus grave, ouvertement mélancolique, là où ses prédécesseurs regorgeaient d'une vitalité un peu mécanique, avalant les rebondissements à un rythme boulimique. On sent bien que la fin imminente de la saga dérègle certains paramètres - le teen movie par exemple, habituellement glissé dans le double fond du récit d'aventures, et qui finit par s'éteindre. Potter se révèle un homme accompli, moins concerné par son corps qui change que par cette intuition de fin de parcours qui gangrène la musicalité habituelle des rebondissements.
Passé une petite heure classique, le film dérive d'ailleurs sur une troisième voie, en pleine nature sauvage. Il n'y a plus que Potter et ses deux acolytes, plus ou moins en cavale, sans savoir très bien comment revenir à l'action pure. Atmosphère vraiment étrange, sorte de cul-de-sac narratif, de trou noir qui, par ailleurs, synthétise l'entière mythologie de la saga, la ramenant à l'essentiel. Les gamins s'observent en chien de faïence, mi-agacés, mi-excités, l'esprit détraqué par un médaillon maléfique dont ils ne peuvent se débarrasser et qu'ils se refilent à tour de rôle, recueillant via un transistor les nouvelles du monde extérieur, tandis que des spectres frôlent leur cachette : des bad guys à leur recherche qui les sentent mais ne les voient pas, une biche luminescente, qui la nuit venue, guide Potter vers une marre d'eau glacée. Ce n'est pas Oncle Boonmee, mais presque : le film se vit comme un prélude iconoclaste à l'affrontement final, séquence un peu fantomatique à la fois marginale et imprévue. Il propose, surtout, une expérience visuelle d'une autre trempe que les sympathiques farces et attrapes servies depuis six films.
Toujours plus sombres, les aventures d’Harry Potter demeurent d’une exceptionnelle qualité grâce à une histoire d’une diabolique efficacité, une réalisation inspirée et un trio d’acteurs toujours aussi attachant.
Alors que les deux précédents opus manquaient d’inspiration, on est surpris – en bien – par la rupture de ton qui survient avec ce chapitre déterminant dans la chronologie des faits. Harry ne s’est pas remis de la disparition de Dumbledore, son mentor. Le meurtre du directeur de Poudlard a permis aux forces du mal d’investir l’école qui l’a vu grandir, ainsi que le ministère de la Magie. Le règne de la terreur a commencé. Harry se sent désarmé, d’autant que le pouvoir de Voldemort ne cesse de s’accroître. Pour accéder à l’immortalité, le sorcier maudit a déchiré son âme en sept morceaux, qu’il a dissimulés dans des objets appelés "Horcruxes". Aidé de ses amis Hermione Granger et Ron Weasley, Harry entreprend de les détruire un par un pour affaiblir son adversaire…
C'est là le paradoxe de ces Reliques de la mort. Avec ses presque deux heures trente, cette première partie veut donner du temps au récit et ses personnages. Pourtant, il ne cesse régulièrement d'embrayer en poussant brutalement l'intrigue, sans que ces brusques accélérations ne soient autrement justifiées que par des pivots narratifs nécessaires à l'avancée du film. On sent une double volonté, hésitante, entre l'obligation du scénario et celle de Yates voulant offrir une dimension plus cinématographique à son matériau. En ressort alors un film bancal, peinant à trouver toujours son rythme, ou traiter de ses enjeux en respectant pleinement les tensions qu'ils soulèvent. Durant la première heure, Les Reliques de la mort est aussi alourdi par sa novlangue potterienne qui, pour ceux ayant décroché d'un épisode à l'autre, devient limite problématique pour la compréhension. Pas très palpitant par son enquête, et peut-être pas assez radical dans son traitement de l'errance, le film tend ainsi à ramer. Plutôt qu'un cheminement de longue date aux routes toujours plus dépressives, s'en dégage le sentiment d'une promesse d'arriver à terme. Rien de déshonorant au final, Yates réussit même quelques scènes d'action tout en donnant instantanément le ton de l'épisode (la fuite, le recentrage sur les trois personnages, leurs relations et responsabilités), mais malgré tout une certaine fadeur qui pour une moitié de final est un peu ennuyeuse.
Mis à part quelques paroxysmes de violence, HP 6,5 se nourrit essentiellement des ruminations des adolescents. Harry se demande s'il est bien raisonnable de laisser des sorciers se sacrifier par dizaines pour sa survie, Hermione a dû tourner le dos à sa famille de moldus et Ron est persuadé que Hermione ne l'aime plus.
Bien sûr, le scénario de Steve Kloves (un homme de talent, qui vient de donner une décennie de sa vie à la cause des sorciers) intègre presque toutes les péripéties du roman. David Yates, le réalisateur, peut ainsi revenir à son décor préféré - le très orwellien ministère de la magie - et faire intervenir de nouveaux personnages. Le Gallois Rhys Ifans et l'Ecossais Peter Mullan rejoignent ainsi l'innombrable cohorte qui a servi dans les rangs des Mangemorts ou du corps professoral de Poudlard (un jeu de société amusant consiste à faire la liste des acteurs britanniques qui n'ont pas contribué à la série - elle est courte). En attendant l'affrontement final, le monde de Potter reste gris-bleu, froid et désespéré.
Cet avant-dernier épisode est sans doute le meilleur de la franchise. En dépit de quelques baisses régimes, la réalisation est foudroyante, les baguettes magiques flinguent à tout-va, les lieux géographiques se démultiplient, les décors sont surmultipliés... Bref, toute la magie d'un beau produit industriel dont on a hâte de consommer la suite...
David Yates s'y connaît en grand spectacle et effets spéciaux. Mais, à force d'aligner, voire d'étirer ses scènes d'action, il lamine leur dramaturgie et le suspense se fait attendre. On espère l'acte final en 3D - dès juillet 2011 - bien plus ensorcelant !
Las, ce téléaste britannique (pléonasme) applique ici les mêmes formules molles que dans les épisodes 5 et 6 – ainsi que, vraisemblablement dans le huitième et dernier qui sortira en juillet.
Incapable de transmettre la frénésie narrative de J.K. Rowling autrement que par d’incessants questionnements (“la baguette de sureau ?, mais c’est quoi ?” ; “une relique de la mort… ah, mais c’est quoi ?”, etc.) qui alourdissent le film à la mesure de l’ingénuité abyssale de ses héros, Yates ne parvient pas non plus à y intégrer la noirceur de jais du roman.
Composant des plans gris sur gris (“je n’veux plus d’ennuis”, comme chantait Johnny), il tue dans l’œuf tout souffle épique, à l’exception d’un prologue assez terrifiant et d’une séquence animée somptueuse.
Comment ne pas ressentir un pincement au cœur, quand on est fan, à l’idée que la fin soit si proche et si peu flamboyante? A l’œuvre depuis l’épisode 5, David Yates signe une illustration fidèle et longuette.
Bien sûr, il y a de bons moments, mais l’ensemble manque de souffle. Même les effets spéciaux semblent avoir un temps de retard après « Avatar » et « Inception ». Restent une thématique passionnante et audacieuse — l’épuration ethnique des Moldus par les Mangemorts — et une envie intacte de découvrir bientôt la conclusion.
Hélas pour le film, orchestré par David Yates (déjà aux commandes des deux précédents épisodes), le côté obscur de la Force est mollement combattu. Qu'est-il arrivé à Harry Potter, ou du moins à son interprète, Daniel Radcliffe ? Aussi lisse et transparent que le verre des fameuses lunettes de son personnage, il se laisse totalement éclipser par ses inséparables comparses, Emma Watson (Hermione), et surtout Rupert Grint, dans le rôle de Ron. Avec son look d'ado british échappé des années 1960, ce dernier fait ce qu'il peut pour réveiller une ambiance franchement lymphatique. Les Ténèbres règnent, le Mal triomphe, et que font Harry et ses potes ? Ils partent camper dans la forêt. David Yates se contente d'enchaîner les états d'âme inutiles au ras de l'humus et les diaporamas de paysages grandioses. Soucieuse d'étirer la lucrative saga, la Warner a « coupé » le dernier livre en deux. Votre Harry Potter 7, deuxième et dernière partie, ne sera disponible qu'en 2011. Cette attente vous sera facturée une place de cinéma...