Toutes les critiques de Jackie Brown

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Ce n'est pas le chef d'oeuvre qu'on voulait attendre d'un Quentin Tarantino, ni celui (en exagérant un peu) que la plupart des critiques pensent avoir vu.
    Les autres sont indulgents. Toujours, les mêmes arguments reviennent : on apprécie que l'auteur aît pris des risques dans ce troisième film, de la distance par rapport aux deux précédents (voir le numéro de Samuel L. Jackson devant le catalogue vidéo, savoureusement ridicule, d'un marchand d'armes), qu'il ne s'en soit pas tenu aux recettes qui avaient fait son succés.Tarantino a pris le parti du classicisme, le pari d'un film linéaire, centré autour d'une seul intrigue. Ce pari est d'autant plus courageux de sa part que le film est en grande partie raté. L'auteur y montre ses limites, un manque d'inspiration que masquaient les découpages hors-normes, les personnages pittoresques, la violence et les dialogues ciselés, tout ce coté excessif et jouissif qui faisait le charme de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction. Le bavardage, ce parler-pour-rien-dire qui nous faisait tant rire, se révèle ici superflu et alourdit nettement la première heure. D'autant plus que tout cela est dit, récité sans la moindre conviction, dilué dans une action inexistante et qui se prolonge au-delà du raisonnable. On est soulagé quand Jackie Brown monte sa machination, on se dit que les choses sérieuses vont enfin commencer. Ici, le film devient un peu plus intéressant.Des intérêts se font jour, de nouvelles relations se tissent entre les protagonistes. Comme toujours chez Tarantino, on se tire dans les pattes. A malin, malin et demi. Mais se fiant désormais à l'intrigue, ne se reposant plus que sur elle, l'auteur délaisse un peu ce qu'il avait ébauché, les personnages manquant de chair et de présence, malgré leurs tics verbaux et le machiavélisme, le cynisme, dont on veut bien les affubler. Certes, Jackie Brown et Max Cherry nous font part autour d'une tasse de café de leurs angoisses existentielles : l'âge et ses avatars, la calvitie naissante de Max Cherry, les fesses un peu trop généreuses de Jackie... On doit passer par là pour croire aux deux seuls personnages réellement humains du film...On pourra nous rétorquer que Jackie Brown n'a pas à s'embarrasser de métaphysique ou de psychologie, qu'après tout, ce n'est qu'un polar et qu'il ne faut pas se prendre la tête. On peut dire ça, on est même autorisé à le penser. Alors enlevons quelques pages de dialogue et une bonne heure à ce film, et il aura le rythme et l'efficacité d'un bon polar. Oui, mais ce n'est certainement pas ce que voulait Tarantino. Virtuose quand il s'agit de détourner les codes du genre policier, Tarantino ne parvient pas à élargir son champ "auteuristique". Le pittoresque de ses personnages trahit parfois la banalité de son anthropologie. Le propos de son film, le noyau dit-il, c'est une histoire d'amour. Mais pour apprécier les relations entre Jackie Brown et Max Cherry, il aurait fallu que l'auteur creuse un peu au lieu de s'en remettre aux facilités de l'intrigue. On appréciera toutefois les derniers quarts d'heure du film et ses acteurs irréprochables : un Robert Foster très convaincant , De Niro, comme toujours, exceptionnel dans un rôle à contre-emploi, presque muet, et Pam Grier vraiment bonne. Elle justifie à elle seule l'achat d'un billet.Jackie Brown
    Etats-Unis - 2h 30mn - 1997
    Réal. : Quentin Tarantino
    Avec Pam Grier, Samuel L. Jackson, Robert De Niro, Bridget Fonda, Michael Keaton...
    Date de sortie : 01 Avril 1998