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Pour marquer la distance avec ses origines théâtrales, le film débute par un jogging en forêt où, en total look Adidas rouge et blanc, Catherine Deneuve s’extasie en minaudant comme une princesse Disney devant les colombes gazouillantes, les biches pures, les écureuils duveteux, sans oublier les lapins, si mignons à voir en train de copuler en levrette. Des transgressions de ce genre, entre flash-back tranquillement dévergondés et fulgurances verbales, la suite n’en manquera pas, d’autant plus irrésistibles qu’elles avanceront masquées avant de larguer leur charge subversive. (...) Connu pour son rendement de poule pondeuse et sa variété d’inspiration proche de la schizophrénie, Ozon a rarement semblé aussi soucieux de partager un de ses films avec le plus grand nombre, aussi attentif à en maîtriser le moindre effet pour ne surtout pas dévier du cap qu’il s’est fixé. Voilà sans doute pourquoi il orchestre ici une reconstitution « historique » digne de faire école.
Toutes les critiques de Potiche
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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(...) Luchini s'éclate en patron irascible, Depardieu joue les syndicalistes romantiques. Et Deneuve, hilarante en bourgeoise coincée qui s'improvise patronne d'usine. Vent de fraîcheur.
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(...) le vrai sel de cette pure comédie de situation vient du choix du casting : Fabrice Luchini et Karin Viard transcendent leurs personnages volontairement stéréotypés, tandis que Catherine Deneuve et Gérard Depardieu s'offrent un touchant pas de deux. Une grâce infinie se dégage de l'hommage rendu à leur longue histoire de cinéma.
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Tels des Atrides giscardiens, ou les Ewing de Dallas, les Pujol se livrent une guerre sans merci, dont la dimension comique masque mal la brutalité. Par un système de clin d’œil et d’écho, le film résonne aussi avec le paysage politique d’aujourd’hui : les guerres fratricides à l’intérieur des familles politiques, le divorce Hollande-Ségo, et surtout l’ascension politique de cette dernière, lorsque, entre autres exemples drôlissimes, dame Pujol évoque pour se faire élire la beauté des oiseaux.
Ozon en profite pour capter une actrice au sommet de sa hypitude. Star du passé investie par de jeunes réalisateurs cinéphiles, actrice d’un pur présent (par ses choix ultra contemporains) plus cool souvent que beaucoup de ses cadettes (posant par exemple en couguar pour le magazine gay Têtu), Deneuve devient dans Potiche une créature du futur antérieur : celle qui, au passé, va changer les choses, modifier les mentalités et la perception de la femme dans une société encore patriarcale.
Ce point de rencontre entre une actrice (atemporelle) et son personnage fait de Potiche non seulement une comédie alerte résonnant avec l’air du temps, mais un sublime manifeste féministe, s’ajoutant à tous ceux déjà réalisés par Ozon. -
Dès la première scène où elle surgit en survêt' rouge, on saisit la subtilité d'interprétation de cette femme dont on va découvrir le vernis coquin et ambitieux sous la dorure des conventions. Qu'elle soit face à sa famille ou à son ex-amant devenu maire communiste, elle joue, chante (du Jean Ferrat) ou danse (sur du Il était une fois) au premier degré avec ce mélange idyllique de classe, d'espièglerie et de naïveté sincère. Et c'est l'empathie qu'elle suscite qui gomme les quelques baisses de régime de l'intrigue. Parsemé de clins d'oeil à Jacques Demy, Potiche est une déclaration d'amour à l'actrice comme à la femme qu'est Deneuve, dont nous sommes les témoins enchantés.
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François Ozon s’amuse avec les personnages de cette comédie adaptée d’une pièce de Barillet et Grédy, créée par Jacqueline Maillant. Belle habilité scénaristique : il situe l’action dans les années 70 afin de retrouver les combats féministes de l’époque. Ses comédiens jubilent devant sa caméra, dans cette pantalonnade vacharde à l’italienne qui balance entre le grotesque et le kitsch. Ni potiche, ni cruche, Suzanne est tout simplement épatante ! Tout comme Catherine Deneuve, magnifique de drôlerie et de trouvailles et qui règne, c’est évident, en reine-mère sur cette histoire et sur le cinéma français. Du montage à la musique, de l’interprétation à la mise en scène, des décors à la reconstitution de cette décennie-là, « Potiche » est un objet parfait et redoutablement efficace. Un irrésistible flashback sur cette parenthèse enchantée que furent les seventies.
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(...) un certain plaisir à s'abandonner dans cette mécanique jouissive. A voir un casting qui en fait des caisses mais sans cabotiner : il suit plutôt la partition de la mise en scène et le ton du film. Sa star, Deneuve, est sublimée par Ozon pour ce qu'elle est aujourd'hui, avec son âge - elle qui l'a toujours combattu, curieux renversement. Ce qui pourrait rendre le film gênant se révèle plutôt touchant. Rarement ces dernières années l'actrice n'avait fait preuve d'autant d'aisance, la caméra d'Ozon la regardant avec un amour palpable et serein. Film féministe, sensible et coloré, Potiche est aussi une satire de notre temps. Dans la lutte qui oppose Deneuve à Luchini, se joue une caricature de Royal et Sarkozy : lançant son personnage dans une ultime carrière politique, Ozon va jusqu'à reprendre des morceaux de discours de l'ex candidate à la présidentielle. Encore une fois le film dévie peu d'une vision balisée et de connivences entendues, peut-être parce qu'il ne prétend pas quitter complètement son environnement bourgeois (et donc son point de vue), ou parce que son intérêt est ailleurs. Plus dans sa lecture jubilatoire et stylisée d'un genre ; sa direction artistique chiadée digne des OSS 117 ; ou son horizon télévisé et plat avec lequel Ozon a souvent traité. On pourra dire que Potiche est faible politiquement. Peu importe, de la politique il s'amuse, peut-être même qu'en vérité elle l'indiffère, et c'est tant mieux.
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(...) le reste de la troupe, gâtée par la fantaisie de François Ozon, s'amuse autant et le plaisir qu'ils prennent est contagieux. A dessein, l'ensemble a parfois des allures de théâtre filmé : bienvenue au spectacle.
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A priori, c’est vrai, on se dit que c’est une drôle d’idée d’exhumer une pièce de boulevard créée il y a trente ans pour aborder « la place de la femme dans la société ». Malin, Ozon joue sur les deux tableaux, la reconstitution d’époque, vraiment drôle, et les résonances avec la France d’aujourd’hui. Entre Deneuve qui joue de son image avec un humour fou, l’hilarante misogynie de Luchini, Depardieu en « camarade » et les autres, on rit énormément.
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Potiche, le film, reste une farce, bouffonne et alerte. Mais Ozon est incapable de se prémunir contre la douleur du temps qui passe, pas plus que contre un amour du jeu qui confine à la perversité. Si bien que les tribulations de Suzanne Pujol (Catherine Deneuve) font à intervalles réguliers des embardées inattendues. Potiche ne sera donc pas un vaudeville à grand spectacle comme le fut 8 Femmes, en 2002, mais un patchwork subversif.
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En période de grogne sociale et de manifestations contre la réforme des retraites, Potiche et ses salariés lésés qui se révoltent contre leur direction ne pouvait pas mieux tomber. Son sous-texte sarcastique à l’égard des délocalisations et du dégraissage de personnel prend une valeur inestimable. Si l’auteur ne définit pas son film comme un authentique manifeste politique, derrière l’habillage de comédie rose acidulée, il traite bien de considérations complexes, avec une certaine ironie sur les rapports ambigus entre la Gauche et la Droite (la "potiche" couronnée de succès n’est-elle pas elle-même un pur paradoxe politique ?).
Cette profondeur manquait sûrement à la comédie policière Huit femmes, qui s’assumait en son temps entièrement comme une œuvre légère, plus sulfureuse et glamour qu’engagée ! En 2010 Ozon, fort d’une décennie d’oeuvres dramatiques souvent intenses (Sous le sable, 5X2) a évolué vers plus de maturité. Et son irrésistible Potiche, aussi déjanté soit-il, en atteste remarquablement. -
Un brin mélo, un rien disco, parfois un peu slow, le film déploie une quantité insoupçonnée de tonalités. Y compris en termes de jeu : les numéros des acteurs « techniques » (Luchini ou Karin Viard, la secrétaire abusée) sont aussi savoureux que l'antinuméro de Depardieu, flottant et touchant, en député-maire communiste, ex-soupirant de l'héroïne. L'émotion est possible, d'autant que les souvenirs et les fantômes de cinéma sont partout, des parapluies fabriqués par l'entreprise familiale (Demy-Deneuve à jamais) à cette superbe séquence nocturne où Ozon suit son actrice, foulard sur les cheveux et lunettes fumées, en mission secrète, telle une héroïne hitchcockienne. Cette Potiche créée par Jacqueline Maillan, Deneuve la joue à la Deneuve, mais en endossant sans sourciller tous ses ridicules. Elle est géniale quand elle fait sa première apparition de patronne intérimaire devant les travailleurs de l'usine, couverte d'énormes bijoux - « C'est grâce à eux que je les ai ! ». Elle assume aussi la part de simulacre et de narcissisme de la fin, dans la lumière, au sommet, quand le personnage et l'interprète finissent par se confondre, de façon tendre et troublante. Potiche, définitivement pas, mais actrice, infiniment.
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Ecrite pour Jacqueline Maillan dont elle ne possède pas l’abattage, Catherine Deneuve, coiffée en reine Fabiola, se révèle extraordinairement drôle et surprenante. De nunuche en femme de tête, elle prend sa revanche et le pouvoir en douceur. Luchini, odieusissime à souhait, bafouant ses ouvriers et sautant sa secrétaire, nous régale de tous ses excès, Depardieu, tendre militant, émeut.
Ce trio joyeusement archétypal, entouré d’acteurs pétillants, nous embarque dans une histoire un brin délirante, d’où on n’a absolument pas envie de sortir. François Ozon, qui voulait parler de la place des femmes dans la société, signe une Potiche farfelue, moqueuse comme jamais, qui résonne avec le climat social d’aujourd’hui. L’ensemble est saupoudré de tubes increvables comme Viens faire un tour sous la pluie ou Emmène-moi danser ce soir. Voilà la comédie française la plus drôle et audacieuse de l’année.
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Avec cette comédie kitsch et stylisée à l'extrême, l'éclectique François Ozon nous offre une pétillante et hilarante adaptation d'une pièce de boulevard. Le casting est brillant, Deneuve, exceptionnelle.
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Le réalisateur ressuscite les années 1970 (physiques à la Claude François et à la Sylvie Vartan), rend hommage à Deneuve chez Truffaut ou Demy (l’usine de parapluies) et fustige l’époque actuelle (crise sociale, citations de Nicolas Sarkozy dans le texte, allusion à Ségolène Royal). Renouant avec la veine de « 8 Femmes », il filme une comédie joyeuse sur le « maternalisme » et l’émancipation, réfléchit sur le mythe (le couple historique Deneuve/Depardieu) et signe un film, émaillé de morceaux de bravoure, qui devrait faire « quelques » entrées. C’est, du moins, tout le mal qu’on lui souhaite.