Rédacteur en chef de Studio (nouvelle formule, à paraître en mai), Thierry Cheze est aussi la voix des César. Il nous livre ses secrets de fabrication.
Demain soir, vendredi 2 mars, aura lieu la 43ème Cérémonie des César, retransmise en direct du Châtelet par Canal+. Tout le monde n’aura évidemment d’yeux que pour les stars nommées, Manu Payet, l’impayable maître de cérémonie, et les remettants, dont l’identité reste secrète jusqu’au bout. Les plus affûtés remarqueront aussi la voix, discrète et précise, qui livre rapidement des informations sur les vainqueurs, avant leur arrivée sur scène, et après leur départ. Cette voix, c’est celle du journaliste Thierry Cheze qui officie à l’antenne depuis 2010 et le départ de Philippe Dana, son prédécesseur historique dans l’exercice.
Comment préparez-vous vos interventions ?
C’était plus simple avant l’émergence d’internet et des réseaux sociaux. Un huissier nous apportait les résultats au moment où la cérémonie commençait. Par peur des fuites, cette époque est révolue... Contrairement à ce que tout le monde croit, on n’a pas les résultats à l’avance, pas plus moi que le réalisateur, ce qui complique notre travail, évidemment. Ca oblige à préparer des fiches en amont, dès le lendemain de l’annonce officielle, sur absolument tous les nommés ! Qui ils sont, s’ils ont déjà eu un César, ce qu’ils ont fait d’autre dans l’année, ce qu’ils feront après, etc. L’idée est de trouver différents angles à chaque fois pour ne pas trop se répéter. Quand il s’agit de Daniel Auteuil, c’est simple, mais quand il est question d’un preneur de son, par exemple, ça demande du travail. Pour les films, dont on peut penser qu’ils auront plein de prix, il faut encore plus angler les interventions pour que ce soit pertinent et varié.
S’agissant des preneurs de son, par exemple, les appelez-vous pour avoir des mini-portraits d’eux ?
Je feuillette les articles existants, les dossiers de presse... Par ailleurs, les César publient parfois des interviews de techniciens, faites spécifiquement par la journaliste Danièle Heymann. Pour le son, c’est particulier car ils sont souvent plusieurs à monter sur scène ! Comme tu n’as pas le temps de faire un topo sur chacun d’eux, tu parles souvent plus du film et du travail technique en question.
Comment établissez-vous votre conducteur pour être dans le timing de l’annonce du vainqueur et de son trajet jusqu’à la scène ?
D’abord, je n’ai le déroulé de la cérémonie, avec l’ordre des prix remis, qu’au moment des répétitions. Quand tu penses qu’un film aura beaucoup de prix, ça te permet d’anticiper, par exemple, trois César à la suite pour le même film. Le dernier jour des répétitions (le seul où je me rends, le matin même du jour J), je repère où les gens seront assis. Ca me permet de savoir à peu près combien de temps ils mettront, après les traditionnelles embrassades, pour arriver à la scène ; si j’aurai le temps de placer une phrase ou quatre... Je prépare environ cinq phrases par ordre d’importance que je sors en fonction des prix déjà attribués ou pas. Si le gagnant ou la gagnante court, il ne faut surtout pas accélérer sa voix, ce qui est un réflexe instinctif !
Votre voix, j’imagine, doit être la plus neutre possible mais vous est-il arrivé d’être submergé par l’émotion parce que vous aviez une tendresse particulière pour quelqu’un de récompensé ?
La loi, c’est la neutralité et d’accompagner la cérémonie sans se faire remarquer. Tu peux être en empathie, évidemment, et si ta voix le trahit, ce n’est pas grave. On ne t’en voudra jamais. La seule chose qui ne doit pas transparaître, c’est une éventuelle déception.
C’est vous le type le plus stressé de la soirée, en fait, à part les nommés ?
(rires) Et le réalisateur ! C’est pire pour lui. S’il avait les résultats en amont, il pourrait mieux travailler ses plans de coupe. C’est à cause de ça que tu as parfois l’impression que les caméras cherchent le gagnant.
Avez-vous un souvenir marquant ?
La première fois que je l’ai fait, en 2010, il y a eu une panne générale de courant ! Au moment où je devais parler à propos de Tahar Rahim qui venait d’obtenir le César du meilleur espoir, la console devant moi s’est éteinte. (rires) Je ne pouvais ni parler, ni joindre personne. Il a fallu envoyer un SMS au réalisateur Renaud Le Van Kim pour qu’il missionne quelqu’un, façon Manpower, pour rétablir l’électricité !
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