Première
par Christophe Narbonne
Réunies à l’écran pour la première fois, les deux Catherine (Frot et Deneuve) sont impériales.
Associer les deux Catherine les plus populaires du cinéma français, personne n’y avait encore pensé. Il faut dire qu’on ne fait pas plus éloignées qu’elles : à Catherine Frot le côté terrien et la filmographie programmatique ; à Catherine Deneuve le glamour et la carrière vertigineuse. C’est justement de ces contrastes que se nourrit (parfois un peu mécaniquement) Martin Provost qui leur a écrit des rôles sur mesure. La première joue une sage-femme appliquée, à la vie casanière. La seconde interprète l’ancienne maîtresse tout feu tout flamme de son père défunt. Leurs retrouvailles inattendues (la fantasque Béatrice, malade et sans attaches, s’invite dans la vie de Claire) fournissent au réalisateur de Séraphine et de Violette l’occasion de creuser la problématique de l’émancipation qui est au coeur de son cinéma.
Accouchement sans douleur
Les deux femmes vont évidemment, c’est la loi du genre, évoluer dans le bon sens au contact l’une de l’autre et questionner leur féminité (l’introduction du personnage d’Olivier Gourmet, épris de Claire, y participe assez subtilement), mais là n’est pas le propos véritable de Provost qui aborde un thème peu traité au cinéma : celui de l’amour, plein et entier, qu’on éprouve pour un parent ou un enfant de substitution. Par petites touches, avec une évidence nuancée et progressive, sans recourir à la manie du flashback explicatif, le cinéaste belge parvient à faire oublier quelques facilités pour accoucher d’un film doux et apaisé, moins doloriste qu’on pouvait le craindre.