3 | Tout ira bien Avec un titre pareil on se doute bien que tout ira de travers. Et pourtant, il ne ment pas tout à fait. Car la douceur qui rythme ce récit dramatique diffuse la sensation d’un apaisement possible. A Hong Kong de nos jours, Angie et Pat, la soixantaine souveraine, vivent en couple. La mort soudaine de l’une d’elles va créer des tensions au sein de la famille de la défunte soucieuse de récupérer l’appartement où vivaient amoureusement les deux femmes. Ce drame en chambre avance à pas feutrés tel un film d’Ozu. |
Thomas Baurez |
4 | Totto- Chan, la petite fille à la fenêtre La scolarité mouvementée d’une petite fille pas comme les autres, de 1940 à 1945, tandis que le Japon plonge en pleine guerre. Adaptation d’une autobiographie best-seller par un vétéran de l’animation « pour enfants » nippone (il a signé des tonnes de Doraemon), Totto-chan se définit, un peu comme le Blitz de Steve McQueen, tel un héritier animé de Hope and Glory et Empire du soleil. |
Sylvestre Picard |
3 | La Source Dans un village isolé de Tunisie, un couple a vu leurs deux fils Mehdi et Amine, les abandonner, eux et leur plus jeune frère, pour rejoindre Daesch. Un départ soudain qui les a laissés dévastés. Jusqu’au jour où Mehdi revient accompagné de sa fiancée voilée et leur annonce la mort d’Amine. Que faire face à une telle situation ? Empêtrée dans un dilemme moral, sa mère prend le parti de cacher le couple – et de taire leur présence au policier, pourtant ami de la famille - pour empêcher qu’on lui arrache à nouveau son fils. Un geste qui ne sera évidemment pas sans conséquence. |
Thierry Chèze |
1 | Six jours Six jours. Le délai qu’il reste à un inspecteur pour retrouver l’auteur d’un kidnapping d’enfant qui a tourné au drame avant que l’affaire soit classée. La promesse donc, a priori, d’un film sous tension, dopée par la culpabilité de ce flic d’avoir laissé échapper le meurtrier et la pression mise par la mère du garçon décédé. Promesse hélas non tenue à cause d’un scénario aux rebondissements mal ficelés, à une BO épuisante et à une mise en scène trop rarement inspirée. Juan Carlos Medina n’a toujours pas confirmé les promesses de son premier long, Insensibles. |
Thierry Chèze |
2 | Quiet life Lorsqu’une famille russe se voit refuser sa demande d’asile en Suède, son quotidien déjà austère s’aggrave quand la cadette tombe dans un coma inexpliqué. Si la mise en scène minimaliste et rigide confère au film une atmosphère surréaliste, rien ici ne relève de la science-fiction : le récit évoque le véritable syndrome de résignation qui touche les enfants réfugiés. Mais à vouloir frôler la dystopie tout en éclairant un fait bien réel, Quiet Life s’embrume et perd de vue ce qu'il aspire à dénoncer. |
Lucie Chiquer |
3 | Queendom Gena Marvin est une artiste queer se mettant en scène dans des performances impressionnantes où elle prend l’apparence de créatures mutantes, arachnéennes, quasi-alien. Ça ne se passe pas dans un drag show mais dans les rues de la Russie de Poutine. La documentariste Agniia Galdanova l’a suivie de 2019 à 2023, alors que la Russie envahissait l’Ukraine et que ses créations devenaient de plus en plus politiques et courageuses. Queendom est le portrait puissant d’une artiste qui met sa vie en jeu, et transforme à chaque instant cette vie en œuvre d’art. |
Frédéric Foubert |
4 | Pepe Le marketing prétend qu’il s’agit de « l’épopée fantastique » de Pepe, l’hippopotame de Pablo Escobar. C’est à la fois exact et complètement faux. A mille lieux d’un narcofilm putassier Netflix, Pepe est un trip vertigineux tournant autour de son sujet -raconté par la voix aux multiples accents du fantôme de l’animal- sans vraiment le montrer, traitant le pauvre et monstrueux Pepe, trimballé d’Afrique en Colombie comme le monstre du Loch Ness dépaysé dans la jungle d’Apocalypse Now. Rien que ça ? |
Sylvestre Picard |
1 | Mika ex machina Mika Tard (devant et derrière la caméra) retrouve chaque jour sa moto recouverte de divers objets, jusqu’à ce qu’un cadenas planqué dans sa chaîne manque de l’envoyer dans le décor. Débute alors une enquête pour trouver le responsable, avec l’aide de sa bande d’amis queer et féministes échafaudant de la plus farfelue à la plus angoissante des hypothèses. Un petit jeu dont on se sent hélas vite exclu, car se montrant incapable transcender la situation pour raconter, comme ambitionné, quelque chose sur les rapports humains dans notre société. |
Thierry Chèze |
2 | Maja, une épopée finlandaise À quoi ressemblait le monde d’avant le capitalisme ? Sans doute à celui dans lequel évolue Maja, petite tête blonde et personnage principal de cette “épopée” tout droit sortie de la petite maison dans la prairie — version finlandaise. Mariée de force à un pêcheur, la fillette embrasse durant presque trois heures son destin de femme du 19e siècle. Une existence rythmée par la maternité, le travail et la guerre, que le film suit à la trace… sans n’avoir jamais héla un réel point de vue fort sur ce qu’il montre. Emma Poesy |
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L'Amour au présent Florence Pugh et Andrew Garfield dans un mélo signé John Crowley (Boy A déjà avec Garfield, Brooklyn). Quatre excellentes raisons pour susciter une vraie curiosité autour de ce récit d’un coup de foudre né… d’un accident et de la passion amoureuse qui en découle, percutée par la maladie. Florence Pugh s’y montre à la hauteur de toutes les attentes, impressionnante de puissance comme de délicatesse au fil des montagnes russes émotionnelles que traverse son personnage de femme chef. Certaines scènes (dont un accouchement) marquent les esprits. |
Thierry Chèze | |
Bird Bailey a 12 ans et vit dans un squat avec son frère et son père. Ce dernier s’apprête à se remarier et compte bien faire fortune… grâce à un crapaud qui crache une bave hallucinogène quand il entend Yellow de Coldplay ! Bailey pourrait être la petite sœur de l’héroïne de Fish tank, le film qui a révélé Andrea Arnold il y a 15 ans. |
Thierry Chèze | |
4 | Eeephus, le dernier tour de piste Eephus, pour commencer, qu’est-ce que c’est que ce titre ? Les spécialistes de baseball vous expliqueront que c’est un type de lancer extrêmement lent, pratiqué par très peu de joueurs, dont l’efficacité tient d’abord à l’effet de surprise qu’il provoque chez l’adversaire. Soit un intitulé donnant un indice sur le style du film lui-même : nonchalant, original, surprenant. |
Frédéric Foubert |
3 | Un ours dans le Jura A la fois énorme machine comique et cinéaste mu par un souci de justesse, Franck Dubosc occupait une place à part dans l’univers de la comédie française. Lassitude ? Crise d’inspiration ? En tout cas, après ses deux films de réalisateur, Tout le monde debout et Rumba la vie, il a visiblement décidé de changer de genre et de registre. Au début d’Un Ours dans le Jura on suit, en pleine montagne française, des migrants chargés de transporter de la drogue pour un mafieux. |
Gael Golhen |
My sunshine Cinéaste précoce remarqué en 2019 avec son premier long métrage Jésus, Hiroshi Okuyama réussit du haut de ses 28 ans un deuxième film encore plus abouti qui transforme ses souvenirs d’enfance en un vibrant mélo enneigé. Situé sur l’île japonaise d’Hokkaidō, My Sunshine suit un jeune garçon qui délaisse le hockey sur glace et se passionne pour le patinage artistique après avoir été émerveillé par les mouvements d’une jeune patineuse. |
Damien Leblanc | |
Motel destino L’action se passe dans un motel du Nordeste, sorte d’Ibis cradingue. Un jeune fuyard va y trouver refuge s’attirant la sympathie puis bientôt les foudres du patron et les faveurs de la patronne. On pénètre dans ce "néon Noir" avec envie. Il y a la moiteur du cadre, ces corps huileux prêts à exulter et une mise en scène excitée par toutes les vibrations interlopes environnantes. Le triangle plus ou moins amoureux qui va peu à peu se former a de la gueule : le jeune loubard fragile tout en muscles, le vieux beau déglingué et une femme plutôt sauvage qui n’a pas froid aux yeux. |
Thomas Baurez | |
Ernest Cole, photographe En retraçant la vie et l’oeuvre d’Ernest Cole, photographe sud-africain qui dévoila à la face du monde les atrocités de l’apartheid avec son livre-choc House of Bondage paru en 1967, Raoul Peck (César du meilleur documentaire en 2018 avec I Am Not Your Negro) décortique l’histoire du racisme et des lâchetés occidentales mais s’intéresse aussi à la façon dont un artiste de talent comme Cole a fini sa vie dans la misère et l’oubli avant de mourir tragiquement à New York en 1990. |
Damien Leblanc | |
3 | Le Deluge Le Déluge ne fera pas l’unanimité en France. Et pas seulement parce que – crime de lèse- majesté ? – un Italien s’empare d’un pan important de notre Histoire, la captivité de Louis XVI avant qu’il soit conduit à l’échafaud. La raison se trouve plutôt dans le geste artistique audacieux, donc propre aux ricanements, déployé par Gianluca Judice, pas co-produit par Sorrentino pour rien ! Dans cet espace de purgatoire entre le paradis de Versailles et l’enfer de la Place de la Révolution, Judice pousse à fond la théâtralité pour capter la vérité nue des sentiments. |
Thierry Chèze |
Planète B Une nuit de 2039, à Grenoble, après une rencontre musclée avec les forces de l'ordre, Julia (Adèle Exarchopolous, parfaite) disparaît avec ses camarades activistes avant de se réveiller dans un lieu mystérieux et comprend vite que la réalité dans laquelle elle vient d'ouvrir les yeux est virtuelle, dont elle restera prisonnière, sauf si elle dénonce ses complices. |
Elodie Bardinet | |
Nosferatu Cette fois, les choses sont claires ? Après The Northman, Nosferatu permet d’y voir un peu mieux dans la vision de cinéma de Robert Eggers -dont le sommet reste pour le moment The Lighthouse, morceau radioactif surgi des profondeurs émettant des visions contagieuses au-delà de son cadre de cinéphile maniaque. C’est justement ce qui intéresse Eggers ici : de faire de Nosferatu le vampire un monolithe noir, une figure obsédante, magnétique, qui attire et qui repousse. |
Sylvestre Picard | |
3 | Joli joli Alex Beaupain comme co- scénariste, parolier et compositeur des chansons, et Marion Montin (qui a travaillé avec Stromae, Christine and the Queens …) à la chorégraphie. Pour sa première comédie musicale, Diastème ne pouvait rêver meilleurs complices. Et si Les Chansons d’amour ou le cinéma de Demy vous hérissent le poil, passez votre chemin ! |
Thierry Chèze |
4 | Mon inséparable Mona vit seule avec son fils trentenaire Joël, en retard intellectuel, pour lequel elle a mis sa vie personnelle en parenthèse. Mais voilà que sur son lieu de travail, Joël est tombé amoureux d’une collègue, Océane, elle aussi en situation de handicap. Une passion cachée mais bien réelle puisque Océane tombe enceinte, avec tous les bouleversements que ça implique dans leurs vies et celles de leurs proches. Sur ce point de départ, Anne Sophie Bailly va déjouer les attentes et proposer un récit où la présence de personnages handicapés n’implique pas de faire un film sur le handicap. |
Thierry Chèze |
Sonic 3: Le Film Sonic 3, youpi ? Mais oui. La preuve par deux bonnes idées. La première bonne idée de ce troisième film, c'est de reléguer Sonic à l'arrière-plan. L'insupportable lutin numérique doté d'un irritant humour au premier degré ne sert décidément pas à autre chose qu'à être un simple produit d'appel. |
Sylvestre Picard | |
2 | The Wall Enjeu politique majeur, la frontière entre le Mexique et les États-Unis inspire aussi les cinéastes. Dans The Wall, la toujours impressionnante Vicky Krieps incarne une agent de patrouille réactionnaire. Oppressée de tous les côtés par le système, elle commettra une bavure, dissimulée par son coéquipier. Dommage que la description minutieuse du quotidien d’un personnage aussi original et complexe se dilue dans un récit déjà vu et de façon autrement plus insaisissable. Nicolas Moreno |
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3 | Une langue universelle « Une hallucination autobiographique ». Voilà comment Matthew Rankin décrit son film mêlant trois histoires qui s’enchevêtrent autour d’un personnage qu’il incarne lui- même : un fonctionnaire montréalais qui rentre voir sa mère malade dans sa ville natale, Winnipeg. Et ces mots résument à merveille cette comédie peuplée de situations toutes plus perchées les uns que les autres dans une métropole canadienne où tout le monde parle farsi comme à Téhéran ! |
Thierry Chèze |
2 | Sarah Bernhardt, La Divine Entre ici, Sarah Bernhardt… Après Simone Veil ou Charles Aznavour, au tour de la Divine d’avoir droit au traitement biopic Qualité France. On sent néanmoins d’emblée que Guillaume Nicloux entend éviter à tout prix l’ornière de la bio-Wikipédia. Plutôt qu’un récit linéaire, il a choisi de se concentrer sur deux moments-clés de la vie de la comédienne légendaire : sa consécration, en 1896, et son amputation de la jambe, en 1915. A partir de ces deux événements, le film rayonne dans la vie, les amours et la folie douce de l’actrice. |
Frédéric Foubert |
Everybody loves Touda Nabil Ayouch (Much Loved, Haut et fort) fait le portrait d’une chanteuse marocaine : Touda, une Cheikha, descendante de la tradition de l’Aïta – le « cri » en arabe, forme de poésie chantée née il y a plusieurs siècles dans les plaines du Maroc, dont les femmes se sont emparées au fil du temps pour en faire un instrument de rébellion et d’émancipation. Hier adulées, aujourd’hui mal considérées, les Cheikhas risquent la précarité, la mise au ban, la violence – ce que raconte d’emblée Ayouch en faisant suivre une scène de transe festive par le viol de son héroïne. |
Frédéric Foubert | |
1 | Conte nuptial Sami et Micka, deux très bons potes, s’inspirent de la nouvelle La Grande Entourloupe de Roald Dahl pour échanger leurs compagnes, sans qu’elles le sachent, le temps d’une nuit. Mais les deux femmes découvrent le plan et contre-attaquent. Sujet éminemment casse-gueule pour un film qui n’a jamais les moyens de ses ambitions (adopter la forme d’un conte rigolo pour décortiquer le viol conjugal et la sexualité post-MeToo). Seul Raphaël Quenard, hilarant dans les 30 premières minutes, en sort indemne. |
François Léger |
3 | Le Beau rôle C’est loin d’être sa seule qualité, mais le premier film du scénariste Victor Rodenbach (qui a officié sur Platane, Les Grands ou Dix pour cent) a l’excellente intuition de réunir Vimala Pons et William Lebghil, alias Nora et Henri. Duo hilarant et couple fusionnel, puisqu’elle met en scène les pièces de théâtre dans lesquelles il joue. Mais Henri décroche un rôle inespéré au cinéma, compromettant la création de leur nouveau spectacle. La séparation semble inévitable… Comment s’aimer sur le long terme ? Et appartient-on vraiment à l’autre ? |
François Léger |
2 | Au coeur des volcans: Requiem pour Katia et Maurice Kraft On découvrait il y a deux ans le sidérant Fire of Love de Sara Dosa, portrait d’un couple de vulcanologues français, Katia et Maurice Krafft qui auront toute leur vie, flirté avec la lave jusqu’à en mourir en 1991. Revoici les Krafft à la lumière du grand Werner Herzog (Fitzcarraldo) qui y ajoute son œil de cinéaste amoureux de l’extrême. Sous-titré « requiem », ce film est à la fois une ode à la vie (l’irruption) et à la mort (destruction, désolation) Un envoûtement. |
Thomas Baurez |
Oh, Canada Au seuil d’une carrière qui continue de progresser malgré les aléas d’une santé fragile, Paul Schrader opère avec cette nouvelle adaptation d’un roman de Russell Banks après son Affliction (1997), un retour aux sources de son cinéma et de sa psyché. Dès les premières minutes, un gros plan sur un Richard Gere comme embaumé par la maladie, saute aux pupilles du spectateur immédiatement hanté par le fantôme du sensuel Julian Kay, l’éphèbe qu'il incarnait jadis dans American Gigolo (1980) du même Schrader. |
Thomas Baurez |