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Rencontre avec le réalisateur de The Immigrant, porté par Marion Cotillard.

C’est la première fois que votre premier rôle est tenu par une femme. Pourquoi ? Je voulais sortir des pièges macho, des flingues et des clichés du genre. Depuis longtemps, j’avais envie  de laisser parler mon côté féminin, cette partie de moi qui est le siège des émotions pures et directes. J’ai donc délibérément ignoré toute la masculinité habituellement véhiculée dans les films. C’est la raison pour laquelle je me suis concentré sur Marion et son histoire. Je me suis senti très à l’aise.

Et vous aviez forcément besoin d'une actrice non-américaine (comme Marion Cotillard) pour jouer une immigrante ? En tout cas, j’ai écrit le rôle pour elle dès le départ. Si elle avait refusé, je n’aurais pas fait le film. Avec une autre, ça ne m’aurait pas intéressé. Elle a un visage magnifique, mais la beauté ne fait pas tout : il laisse aussi passer de la profondeur, une  complexité et une vraie volonté. Elle n’est pas une violette fragile, elle est capable de dureté.

J'ai remarqué qu'on ne voyait jamais le ciel dans votre film. Comme si vous teniez à souligner le sentiment d’enfermement... Je ne cherchais pas à signifier quelque chose, mais à faire partager sa perception de la réalité. L’air de New York à cette époque était irrespirable à cause de la fumée de charbon. La plupart des habitants préféraient rester à l’intérieur. Et puis d'un point de vue plus matériel, c’est l’hiver, on ne voit donc pas beaucoup le soleil. Ca, c’était intentionnel.

Le film chronique la naissance d’une nation, mais c'est aussi celle d’une culture. Y a-t-il un lien entre les spectacles auxquels participent les personnages et Hollywood ? C'est évident; d’ailleurs un des personnages en a parfaitement conscience puisqu'il dit que les temps changent et qu’il faut guetter les “images qui bougent”. Ces théâtres de vaudeville ou de strip tease étaient sur le point d’être remplacés par des salles de cinéma. C’était ma façon de dire que notre survie dépend de notre capacité à nous adapter au changement. Chacun doit jouer la comédie, qu’il le veuille ou non.
Interview par Gérard Delorme